Le personnel médical est en première ligne face à la crise du Covid-19. Pas toujours suffisamment outillés pour prendre en charge le nombre de plus en plus croissant de malades avérés (82 cas dont huit décès ce jeudi 19 mars) et de cas suspects, ils font face à la situation avec les moyens du bord, avec un risque élevé de contracter eux-mêmes le virus.
Dans son dernier discours à la Nation, le président de la République a tenté de dissiper les inquiétudes suscitées par tout ce qui se dit sur le système national de santé et sa capacité à réagir efficacement à une épidémie de grande ampleur. Mais les chiffres revus à la hausse par Abdelmadjid Tebboune, concernant notamment le nombre de lits de réanimation disponibles et le stock de masques de protection, ne changent pas grand-chose à la réalité des établissements de santé en Algérie et des personnels qui y exercent.
Beaucoup a été dit sur les insuffisances de la santé en Algérie, notamment à chaque scandale secouant le secteur, comme le décès de parturientes ou de nouveaux nés, et le débat revient cette fois avec plus d’acuité devant le risque réel d’une épidémie dévastatrice.
La fragilité et la précarité du système de santé algérien sont mises en avant dans tous les appels à la vigilance extrême, comme la suspension des manifestations du hirak. L’argument est en effet efficace : si des Etats comme la France ou l’Italie ont été débordés par la crise au point de contraindre leur population au confinement, un égal niveau de propagation fera des ravages en Algérie.
L’heure étant à la mobilisation et la conjugaison des efforts, ce n’est pas le moment de rejeter la balle à quelque partie que ce soit, mais le débat s’imposera quand tout cela sera fini.
Cette crise aura eu le mérite de faire prendre conscience à tous des risques que le pays encourt en laissant traîner la réforme et le développement d’un secteur vital. Cela fait vingt ans que le ministère de la Santé est aussi celui de « la Réforme hospitalière ». Cela signifie au moins qu’en deux décennies, marquées de surcroît par une aisance financière sans précédent, le projet n’a pas été mené à terme, pour ne pas dire qu’il n’a pas été entamé.
Durant cette période censée être celle de la réforme, beaucoup de choses se sont passées, des réalisations indéniables ont été faites notamment en matière d’infrastructures, mais les bonnes décisions n’ont pas toujours été prises pour améliorer les performances des établissements et les conditions de travail du personnel médical.
En ces temps de crise, beaucoup se rappellent sans doute le long bras de fer qui a opposé il y a deux ans les médecins résidents à la tutelle et l’obstination de celle-ci à refuser de répondre à toutes leurs doléances qui tournaient pourtant, dans le fond, sur la mise à leur disposition des outils didactiques et de travail dans ce qui est appelé les « déserts médicaux ».
Les images de la répression violente du mouvement avaient choqué, mais ce n’était pas la première fois que les médecins algériens étaient matraqués pour avoir réclamé de meilleures conditions de travail, un logement décent ou un meilleur salaire.
C’est connu, le médecin algérien est nettement moins rémunéré que ses collègues d’Europe et même du Maghreb. Le personnel paramédical n’est pas mieux loti et il en a résulté un exode massif des blouses blanches, une saignée pour le système national de santé et pour tout le pays. On parle de 15 000 praticiens, généralistes et spécialistes, formés en Algérie et qui exercent dans les hôpitaux des pays de l’Occident, principalement en France.
Il va sans dire que, pendant toute l’année et notamment dans cette crise du Covid-19, ils rendent d’énormes services à des sociétés qui ne les ont pas formés, qui n’ont fourni que l’effort de leur fournir un salaire décent et l’égard dû à leur statut.
En Algérie, ceux qui ont daigné rester malgré tout, sont aux premières lignes d’une crise sanitaire qui commence à se faire débordante, qu’ils affrontent les mains nues. Parfois au propre comme au figuré.