Politique

« La crise politique doit être résolue entre civils »

Gaid Salah alterne le chaud et le froid en insistant sur la solution constitutionnelle. Est ce que cela ne complique la crise ?

Mohamed Hennad, politologue : À dire vrai, l’on ne comprend pas pourquoi le chef d’état-major continue de nous parler en dehors de la capitale chaque mardi à l’occasion de sa supervision d’exercices militaires à « munitions réelles ». En quoi cela nous concerne ? C’est une affaire purement militaire ! D’autant plus que le pays traverse une crise politique aigue, caractérisée par une vacance du pouvoir présidentiel et gouvernemental. La logique aurait voulu que M. Gaïd Salah reconnaisse que la crise politique doit être résolue entre civils, c’est-à-dire les services de la présidence de la République et les représentants des forces politiques et sociales du pays, et ce en vue d’une passation de pouvoirs à une instance présidentielle qui devrait dissoudre le Parlement et le Conseil constitutionnel (foyers de la fraude).

Ensuite, désigner un nouveau gouvernement pour expédier les affaires courantes de l’État et une commission souveraine pour l’organisation, le plutôt possible, d’une élection présidentielle digne de ce nom.

Est ce que la solution constitutionnelle est suffisante ?

Quant à la solution constitutionnelle à laquelle tient le chef d’état-major, il ne faut pas oublier que même le mouvement populaire y tient, sauf qu’il revendique l’application des articles 7, 8 et 12 d’abord. Il refuse aussi que cette solution soit prise en charge par le pouvoir contre lequel il s’est soulevé. Et c’est tout-à-fait logique. Ceci dit, je pense que le chef d’état-major semble céder sur l’échéance électorale, puisqu’il déclare que les élections doivent se tenir le plutôt possible.

Pourquoi Gaid Salah met toujours en avant la lutte anti-corruption ? Est-ce que c’est la principale demande du peuple ?

C’est probablement pour contourner la « solution politique » que le mouvement populaire exige depuis le 22 février. Pour ce qui est de la lutte contre la corruption, on peut dire que c’est, justement, la principale demande du peuple, lequel refuse des autorités publiques corrompues. Ce que revendique le Hirak c’est précisément la disparition de tous ces corrompus qui ont mis le pays à genou.

Mais est ce que les poursuites judiciaires sont suffisantes ?

Les poursuites contre les personnes accusées de corruption ne pourraient apporter leurs fruits que si elles étaient conduites sous l’autorité d’un pouvoir légitime. Ce qui n’est pas le cas pour le moment. Qui plus est, est-ce qu’il y a eu des remaniements au niveau de l’institution judiciaire, avec l’introduction des mécanismes ad hoc ? D’autant plus que, selon les déclarations de M. Gaïd Salah aujourd’hui, le phénomène de la corruption a atteint des niveaux insoupçonnables. Les Algériens se méfient de l’éventualité d’une justice opportuniste. Ils refusent d’être témoins d’enquêtes bâclées, sélectives ou injustes. Il a, toujours, en mémoire l’enquête d’El Khalifa qui s’est terminée plutôt en queue de poisson !

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