Il a fallu six longues années à Adila Bendimered et son époux Damien Ounouri pour réaliser La Dernière reine.
Ce long métrage nous plonge dans l’Algérie du 16 eme siècle. Il sort dans les salles en France ce mercredi 19 avril.
Le film d’aventure et d’histoire raconte l’histoire de la reine Zaphira. En 1516, le corsaire Aroudj Barberousse libère Alger de la tyrannie des Espagnols et s’installe sur le trône. Il élimine le roi Salim Toumi et tente de séduire son épouse la reine Zafira. Une femme de caractère qui va lui tenir tête. Un rôle interprété avec brio par l’actrice, réalisatrice et scénariste Adila Bendimered. Entretien
TSA : Comment s’est effectuée l’écriture du scénario de la Dernière reine ? Sur quoi vous êtes-vous basée pour recréer les faits historiques, les costumes, les décors ?
Adila Bendimered : L’histoire de Aroudj Barberousse n’a jamais été abordée dans le cinéma algérien. La moindre des choses, c’était de nous documenter avant d’entamer l’écriture du scénario.
Ce travail de recherche a duré six ans. Damien et moi avons consulté des sources algériennes, espagnoles, turques et françaises. On a aussi étudié des documents de commerce pour savoir quels tissus étaient utilisés, à l’époque par les habitants d’Alger, pour confectionner les costumes. Rien n’a été laissé au hasard ! Nous avions cette responsabilité d’être crédibles !
TSA : Dans quelles villes le film La Dernière reine a-t-il été tourné ?
Adila Bendimerad : Le film a été tourné à Alger et à Tlemcen. Obtenir les autorisations nécessaires n’a pas été une tâche aisée.
Nous ne voulions pas céder à la facilité en tournant en studio comme certains nous l’avaient suggéré. Alors, il a fallu plusieurs mois de négociations pour obtenir le feu vert des autorités.
À cela s’est ajouté un autre problème : le colonialisme a rasé beaucoup de sites de l’Algérie médiévale. La Casbah était aussi à l’abandon. En dépit de tous ces écueils, on tenait à ramasser toutes ces miettes pour redonner vie à cette ville. Nous voulions de l’authenticité et ce n’était que les vrais murs qui allaient le permettre.
TSA : Beaucoup de personnes s’interrogent sur l’existence de Zafira. Alors, légende ou réalité ?
Adila Bendimerad: La polémique sur ce personnage va bon train. Nous avons -nous mêmes- rencontré et discuté avec de nombreux historiens. Leurs avis sont mitigés. Certains affirment que Zafira n’a jamais existé.
D’autres pensent que si, et d’autres prétendent encore qu’elle a dû exister, mais pas dans la version que l’on connaît et pas avec ce prénom.
Quoi qu’il en soit, cette femme fait parler d’elle depuis la fin du 16 eme siècle. Ce personnage fait partie du patrimoine immatériel. Nous ne l’avons pas inventé en 2022 !
TSA : Dans la Dernière reine, vous interprétez le rôle de cette héroïne qui a affronté Baba Aroudj. Une femme battante et déterminée. D’où avez-vous puisé votre inspiration ?
Adila Bendimerad : Dans mon écriture, j’ai été inspirée par les femmes de mon pays, là où je vis. J’ai pris ma force des Algériennes. Elles sont vraiment comme ça : fortes et combattives !
TSA : Les costumes et les décors de ce film nous renvoie au 16 eme siècle. À qui avez-vous fait appel pour ce rendu des plus authentiques ?
Adila Bendimerad : Pour parvenir à ce résultat, nous nous sommes entourés de professionnels. Pour les costumes, nous avons fait appel à Leila Belkaid, anthropologue et spécialiste du costume algérien.
Nous avons travaillé avec Jean-Marc Mireté pour les costumes et avec Feriel Gasmi Issiakhem pour les décors. Rien n’a été laissé au hasard. Même les plats qu’on mangeait à l’époque ont été pris en considération pour coller à la réalité.
TSA : Comment s’est fait le casting ?
Adila Bendimerad : Des acteurs algériens et étrangers ont été distribués dans ce film. Il y avait une profusion d’acteurs et d’actrices talentueux que le choix fut difficile.
L’agence Wojooh, nous a été d’un grand secours ! Nous avons montré le film dans plusieurs pays et partout, les gens étaient bluffés par la qualité de jeu des acteurs.
Ce qui prouve que nous avons de grands talents et que nous avons une vraie tradition d’acting, de théâtre et de cinéma transmise de génération en génération. Nous ne sortons pas de nulle part !
TSA : Qui a financé le film ?
Adila Bendimerad : Le financement est majoritairement algérien. Ma société de production a fait un long travail pour lever des fonds. Il y a eu, par ailleurs, une aide du ministère de la Culture via le FDATIC.
Le film a été co- produit par des producteurs indépendants à travers le monde. Un coproducteur basé en France s’est battu pour obtenir des financements ainsi qu’une coproduction d’Arabie Saoudite.
Une amie de mon époux, qui vit à Taiwan où elle travaille comme productrice, nous a obtenu une aide pour les effets spéciaux et le travail de post-production.
TSA : Savez-vous quand le public algérien pourra voir votre film ?
Adila Bendimerad : Il aurait été plus naturel que le film soit d’abord projeté en Algérie. Il devait déjà être programmé au Festival international du cinéma d’Alger, en janvier dernier, mais le public algérien n’a pas pu le voir !
Dommage ! En tout cas, partout, où le film a été projeté, la diaspora algérienne a afflué en nombre, nous exprimant son amour et sa fierté.
Quand on fait un film, on essaye de le projeter d’abord dans son propre pays et on pense d’ores et déjà à l’international, car c’est aussi comme cela qu’on fait rayonner le cinéma et la culture algérienne à travers le monde
TSA : Votre film est à l’affiche dans plusieurs salles de cinéma en France. Espérez-vous toucher la diaspora algérienne ?
A B : Oui, j’espère que les Algériens de la diaspora seront nombreux à le porter et à l’encourager parce que ce seront eux notre premier public.
C’est la première fois qu’un film se passe au 16 eme siècle à Alger. C’est une production cinématographique qui défend notre patrimoine. Et je souhaite que le reste du monde vienne découvrir cette Algérie du 16 eme siècle et au-delà la profondeur historique, culturelle et artistique de notre pays.