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La douce revanche de Benzema

On croyait l’affaire Deschamps-Benzema définitivement enterrée, mais voilà, elle risque de revenir au-devant de la scène au plus mauvais moment pour le sélectionneur français et son équipe, à moins de trois semaines du début de la Coupe du monde. Didier Deschamps se serait bien passé d’une autre polémique, après les attaques de son ancien coéquipier en sélection, David Ginola, qui l’accuse d’avoir été derrière son éviction du Mondial 1998, et la défection du joueur du PSG Adrien Rabiot.

À la découverte de la liste des 23 pour le rendez-vous russe, le grand absent pour la presse et les observateurs français n’était pas Karim Benzema, mais le milieu de terrain du PSG qui a publiquement refusé son statut de suppléant.

Quant à l’attaquant du Real Madrid, cela faisait 30 mois qu’il n’a pas enfilé la tunique bleue et personne ne s’attendait franchement à sa convocation pour s’étonner de son absence. À commencer par son entraîneur en club. « Nous en avons déjà beaucoup parlé, rien n’a changé dans sa situation. Il doit se concentrer sur ce qu’il lui reste à faire cette saison. Je ne pense pas que cela l’affectera, car ce n’est pas quelque chose de nouveau », réagissait Zineddine Zidane, il y a une dizaine de jours.

L’affaire Benzema fait partie du passé, mais il semble qu’elle a été trop vite enterrée. Il a suffi d’une boulette du gardien de but de Liverpool, Loris Karius, qui a remis la balle dans les pieds de l’attaquant français du Real, samedi en finale de Ligue des champions d’Europe, pour que tout s’enchaîne : Benzema fait parler son opportunisme, ouvre le score pour son équipe, remporte sa quatrième coupe aux grandes oreilles, la troisième d’affilée, et Frank Ribéry saisit tout cela au vol pour rappeler combien « on » a été injuste avec son ami Karim.

« On t’a mis un carton rouge qui dure depuis presque trois ans. Mais pendant ce temps-là, ça fait carton plein en Ligue des champions », poste à l’adresse de Benzema le joueur du Bayern, qui a annoncé sa retraite internationale à l’issue d’une coupe du monde 2014 qu’il venait de rater sur fond de polémique médicale. L’allusion à Didier Deschamps, qui n’a plus convoqué Benzema depuis octobre 2015, est directe. Et la polémique ne fait peut-être que (re)commencer. Le sélectionneur de l’équipe de France risque d’être interpellé de nouveau sur la question, comme il l’a été lors de l’Euro 2016 perdu in-extrémis au profit du Portugal. À l’époque, Benzema venait tout juste de remporter sa deuxième LDC avec le Real mais Deschamps ne l’avait pas pris, lui préférant Olivier Giroud et Antoine Griezman.

Les observateurs avaient longuement spéculé sur une autre issue du tournoi si l’attaquant du Real était là, mais Deschamps restera droit dans ses bottes sur toute la ligne. Pour lui, Benzema n’avait pas assez payé son implication dans l’affaire dite de la « sextape », un chantage exercé sur un autre joueur des Bleus, Mathieu Valbuena. C’était son avis, mais pas celui de toute la France. Des techniciens et d’anciens joueurs montent au créneau pour plaider la cause du franco-algérien et certains vont même jusqu’à accuser Deschamps de racisme. D’autant que dans la même liste pour l’Euro, manquait un autre joueur en forme, aux origines nord-africaines également : Hatem Ben Arfa.

Eric Cantona ne s’embarrasse pas de sous-entendus et va droit au but : “Deschamps, il a un nom très français. Peut-être qu’il est le seul en France à avoir un nom vraiment français. Personne dans sa famille n’est mélangé avec quelqu’un, vous savez. Benzema et Ben Arfa sont deux des meilleurs joueurs français et ne seront pas à l’Euro. Et pour sûr, Benzema et Ben Arfa ont des origines nord-africaines. Donc le débat est ouvert”.

Ben Arfa n’a plus le niveau qui était le sien il y a deux ans, mais du cas Benzema, on en reparlera sans doute dans les prochains jours, et surtout à l’issue du tournoi russe en cas d’échec des Bleus, car ce que vient d’accomplir le joueur du Real ne peut passer inaperçu, même s’il n’a pas fait une grande saison. Sa non-convocation deviendrait alors indéfendable, si elle ne l’est déjà.

Laisser à la maison l’attaquant de pointe titulaire de l’un des meilleurs clubs au monde, sinon le meilleur, vainqueur de quatre des cinq dernières Ligues des champions, et lui préférer des joueurs de clubs de seconde zone, cela aucune sélection ne l’a fait. À mettre aussi à l’actif du joueur, son attitude exemplaire depuis sa mise à l’écart, se gardant de faire le commentaire déplacé à l’égard du sélectionneur ou de la fédération.

Assurément, « on » a été injuste avec Benzema, car quand bien même il a fauté, la sanction qui le frappe est disproportionnée. Le président de la Fédération française, Noël le Graet, ne disait-il pas en 2016, à propos de cette affaire justement, que les sanctions à vie étaient « de la méchanceté gratuite » ? Qu’il s’agisse de cela ou d’autre chose, Karim a déjà pris sa revanche. Et de la plus belle des manières…

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