Les arrestations et les limogeages dans les rangs des hommes d’affaires et responsables réputés proches de l’ancien président se multiplient. Quotidiennement, des entreprises stratégiques changent de patron et des barons qu’on croyait intouchables défilent devant le juge.
Haddad et les frères Kouninef, soupçonnés d’être ceux qui ont le plus profité de leur proximité avec Bouteflika et ses frères, découvrent la case prison. Ouyahia a reçu une convocation officielle de la justice. Chakib Khelil est rattrapé par son passé et devra s’expliquer devant la Cour suprême. D’autres personnalités sont frappées d’une ISTN et attendent leur tour.
Entre deux barons qui chutent, l’ENTV, le canal par lequel les nouvelles bonnes ou mauvaises tombent désormais, un limogeage ou un remplacement est annoncé dans les rangs des hauts fonctionnaires ou cadres dirigeants. Abdelmoumène Ould Kaddour est logiquement dépossédé des rênes de Sonatrach et l’indéboulonnable Hamid Melzi de celles de la résidence d’État de Club des pins.
Du beau monde en somme et personne parmi les opposants ou les manifestants ne peut crier au menu fretin sacrifié pour épargner les gros requins. Sauf que, quand bien même ces changements sont salutaires et constituent une revendication de la rue, ils risquent de constituer un coup d’épée dans l’eau si les pratiques qui ont fait l’impopularité des hommes d’affaires et responsables concernées ne sont pas bannies simultanément.
Le départ de Hamid Melzi, celui qui loge et déloge les hauts responsables de l’État à Club des pins depuis 25 ans, signifie-t-il la fin de ce système de privilèges qui n’a aucune raison d’être avec la fin du terrorisme et le rétablissement de la paix, soit depuis vingt ans ? La réponse est non. Du moins, les autorités n’ont communiqué aucune décision ou projet dans ce sens.
Tant que rien n’est entrepris de concret, on ne peut s’empêcher de penser que les fastueuses villas de la côte ouest d’Alger continueront à être affectées ou retirées au gré des convenances, des allégeances ou des disgrâces et toujours par la même procédure éculée : le coup de téléphone.
Le système Club des pins est infiniment injuste. Sur le marché, de telles résidences, de haut standing, ultra sécurisées et interdites au commun des Algériens, sont hors de prix. Mais des responsables, anciens ou toujours en poste, en disposent aux frais de l’État. Il se murmure que même certains pontes du régime convoqués récemment par la justice logent toujours sur les lieux.
Ce système n’est pas sans rappeler celui tout aussi injuste de l’ANEP, l’agence publique qui rétribue les journaux de pages de publicité, depuis un quart de siècle aussi, en fonction de leur proximité avec les centres de décision. La première annonce du gouvernement Bedoui était d’instaurer plus de transparence dans la gestion de la publicité publique, mais sans suite parait-il.
Pourtant, dans ses marches hebdomadaires, le peuple algérien a exprimé certes sa soif de justice, mais avec cette précision qu’on ne peut occulter : la révolte, c’est d’abord contre les pratiques qui ont ruiné le pays.