“La Forme de l’eau”, romance fantastique du Mexicain Guillermo del Toro, a triomphé dimanche aux Oscars à l’issue d’une soirée dont il était le favori, doublant l’autre prétendant à la statuette si convoitée, “3 Billboards, Les Panneaux de la vengeance”.
Mi-film de science-fiction, mi-romance entre deux anti-héros, avec beaucoup d’effets comiques et un hommage aux comédies musicales de l’âge d’or hollywoodien, “La Forme de l’eau” a conquis l’Académie des arts et science du cinéma, qui remet ces prix prestigieux, malgré son sujet iconoclaste.
Avec son Oscar du meilleur réalisateur, Guillermo del Toro a connu une soirée pleine. Au total, le film repart avec quatre statuettes.
Situé dans les années 60, il raconte l’histoire d’une femme de ménage muette, Elisa (Sally Hawkins) dans un laboratoire secret, qui tombe amoureuse d’une créature reptilienne prisonnière du gouvernement et décide de la libérer.
Il a déjà valu à Guillermo del Toro le Lion d’Or à Venise, le Golden Globe du meilleur réalisateur, les prix du Syndicat des réalisateurs d’Hollywood, des producteurs d’Hollywood (PGA), entre autres.
Il partait fort de 13 nominations dimanche dont la musique du compositeur français Alexandre Desplat, également primé. Enfin, ses décors ont été récompensés.
“Quand j’étais enfant au Mexique, j’étais un grand admirateur de films étrangers, comme +E.T+, et il y a quelques semaines, Steven Spielberg a dit: +Si vous vous retrouvez ici, si vous vous retrouvez sur scène, souvenez-vous que vous faites partie de cet héritage, que vous faites partie d’un monde de réalisateurs, et soyez-en fier. J’en suis très, très fier”, a-t-il déclaré en recevant ça statuette sur la scène du Dolby Theatre, où se passait la cérémonie haute en glamour.
Le film qui explore les thèmes de la différence, de l’amour inattendu, de l’oppression gouvernementale et de la désobéissance civile est aussi riche de seconds rôles forts comme celui de Richard Jenkins, ami gay fantasque d’Elisa, ou de sa camarade de travail loyale et pince-sans-rire Octavia Spencer, qui tous deux l’aident faire évader le monstre amphibien.
“Nous vivons une époque où on vous rabâche qu’il faut avoir peur de l’autre, que l’autre est votre ennemi, que c’est la cause de vos problèmes. Au contraire, l’autre est la solution à vos problèmes, l’autre est ce qu’il reste, il montre le chemin”. Le film dit “prend l’autre dans tes bras”, avait déclaré à l’AFP le réalisateur.
– Baume pour l’âme –
Le film qui revisite aussi d’une certaine façon le thème de “La belle et la bête” sort à un moment où les stars d’Hollywood s’expriment de plus en plus aux cérémonies de prix sur des sujets comme l’immigration, la politique étrangère, les violences sexuelles, etc.
Ces cérémonies suivies par des millions de téléspectateurs sont pour lui “le moment de parler de ce que nous pouvons faire mieux”.
Guillermo del Toro a appelé ce film acclamé par la critique “son premier film d’adulte”.
Malgré son auteur-réalisateur blanc – bien qu’hispanique – le film porte les couleurs de la diversité avec une co-scénariste femme, Vanessa Taylor, une interprète principale féminine, des personnages noir et homosexuels – sans oublier la créature étrang(ère).
“C’est son oeuvre maîtresse jusqu’à présent” car “il manquait jusqu’alors un trait de caractère de Guillermo dans ses films, l’humour”, a estimé Leonardo García-Tsao, critique de cinéma et vieil ami du cinéaste, lors d’un entretien à l’AFP.
Ces dernières années, Guillermo del Toro s’est aussi fait remarquer pour une série télévisée d’horreur acclamée, “The Strain”, sur un virus qui transforme ceux qu’il touche en zombies.
Ses précédents longs-métrages “Le labyrinthe de Pan” et “L’échine du diable” étaient plus sombres, explorant la perte et la nostalgie. Même si le thème qui traverse toute sa filmographie est là: l’opposition entre les créatures et les monstres, les premières filmées avec empathie, les seconds sont les êtres humains.
“Ca fait 25 ans que je fabrique ces petits récits étranges, ces fables ont sauvé ma vie”, a raconté Guillermo Del Toro début janvier en recevant un Golden Globe.
Le cinéaste a raconté que le plus beau compliment qu’il ait entendu sur le film, “c’est qu’il a soigné quelqu’un émotionnellement, ou a donné à quelqu’un un baume pour l’âme”.