Face à une menace persistante, les députés français ont adopté mardi une nouvelle loi antiterroriste. Un texte « extrêmement utile » selon le gouvernement, mais critiqué par certains à droite comme étant « trop mou » et à gauche comme une « atteinte aux libertés ».
Le dispositif législatif vise à transposer dans le droit commun certaines mesures de l’état d’urgence, instauré par l’ancien gouvernement socialiste après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris (130 morts).
L’état d’urgence qui confère aux autorités des pouvoirs exceptionnels, devait être temporaire, mais il a en fait été prorogé à six reprises, au gré des attentats ou des menaces.
Soutenu par le parti centriste du président Emmanuel Macron, une partie de la droite et de la gauche, le texte a été largement approuvé par 415 voix contre 127 et 19 abstentions.
Les députés doivent maintenant trouver un compromis avec les sénateurs, qui avaient légèrement assoupli le texte, en vue d’une adoption définitive d’ici la mi-octobre.
Le vote intervient après une semaine de débats houleux et deux jours après le meurtre à l’arme blanche de deux jeunes femmes, dimanche à la gare de Marseille (sud-est), revendiqué par le groupe jihadiste État islamique (EI).
Le tueur présumé, identifié mardi comme étant Ahmed Hanachi, un Tunisien de 29 ans, a été abattu par des militaires.
Cette attaque a porté à 241 le nombre de personnes tuées dans des attentats en France depuis 2015.
Cinq personnes, dont une fichée pour radicalisation, ont par ailleurs été interpellées dans une enquête antiterroriste ouverte après la découverte samedi dans un immeuble parisien d’un engin explosif artisanal, composé de quatre bonbonnes de gaz et d’un dispositif de mise en feu.
« Nous sommes toujours en état de guerre », a martelé le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb en défendant mardi une loi « extrêmement utile » face à une « menace extrêmement grave ».
« Il y a beaucoup de gens qui disent que c’est liberticide » mais « si on ne le fait pas on aboutit à des attentats comme celui-là », a-t-il insisté, en référence à l’attaque à Marseille.
Selon un sondage publié la semaine dernière dans le quotidien Le Figaro, 57 % des Français sont favorables au projet de loi.
– ‘Régression sans précédent’ –
Parmi les dispositions les plus controversées, le texte prévoit des assignations à résidence sans contrôle a priori d’un juge mais oblige en revanche à solliciter un aval judiciaire pour effectuer des « visites domiciliaires », qui remplacent officiellement les « perquisitions administratives » contestées.
Les possibilités de contrôles d’identité sont de plus élargies: ces derniers sont autorisés « aux abords des gares » (et non plus à l’intérieur seulement), ainsi que « dans un rayon maximal de vingt kilomètres autour des ports et aéroports » internationaux les plus sensibles.
Pour ses détracteurs, notamment à gauche, le texte porte atteinte à la présomption d’innocence et au respect de la vie privée.
« Il s’agit d’une régression sans précédent de nos libertés publiques et de nos libertés individuelles », a réagi auprès de l’AFP Maître Emmanuel Daoud, avocat pénaliste, membre du groupe d’action judiciaire de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH).
A l’inverse, droite et extrême droite critiquent une loi trop « molle », selon Marine Le Pen, présidente du Front national qui juge le texte « nuisible » et « un sous-état d’urgence ».
L’ancienne ministre de la Justice Rachida Dati (droite) a dénoncé un texte « très incomplet », notamment sur la prévention de la radicalisation.
Devant ces critiques, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a défendu « une réponse durable à une menace devenue durable », vantant un compromis entre le besoin de « sortir d’un état d’urgence par nature privatif d’un certain nombre de libertés » et la nécessité de ne pas « revenir à la situation d’avant l’état d’urgence ».
L’ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls, qui a rallié la majorité présidentielle, a jugé le projet de loi « équilibré », dénonçant à nouveau le « discours islamo-gauchiste » de la gauche radicale.
Le président Macron a promis que la nouvelle loi ferait « l’objet d’une évaluation en 2020 », certaines mesures pouvant être le cas échéant « supprimées » et d’autres ajoutées.