Le président Emmanuel Macron ambitionne de replacer la France au centre du jeu au Moyen-Orient mais il se heurte à des équilibres compliqués et n’est pas forcément attendu sur la Syrie, soulignent des experts.
Assumer un “leadership”, un “destin français” : le chef de l’Etat est en permanence à la manoeuvre sur les dossiers de la région, revendiquant de “parler à tout le monde” avec un pragmatisme assumé.
Il se pose en médiateur entre Washington et Téhéran sur le nucléaire iranien, fait entendre sa petite musique dans la crise syrienne et, premier succès tangible, a déminé la crise rocambolesque autour du Premier ministre libanais Saad Hariri en l’aidant à quitter l’Arabie saoudite.
“Emmanuel Macron jouit au Proche-Orient d’une image de modernité, de renouveau, de crédibililité et il peut capitaliser là-dessus”, estime Elisabeth Marteu, chercheuse à l’International Institute for Strategic Studies (IISS) de Londres.
“Il est jeune, cela joue aussi” dans une région en pleine mutation avec de nouveaux acteurs comme le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane, âgé de 32 ans, note l’experte, basée à Bahreïn.
Pour autant, peut-il réussir dans une région où la France n’est plus un moteur depuis longtemps, à l’exception du Liban avec lequel cette ancienne puissance mandataire reste très liée ?
Sur le dossier syrien, Emmanuel Macron, signant un virage à 180 degrés de la diplomatie française, ne fait plus du départ du président Bachar al-Assad un préalable, même s’il considère qu’il devra un jour “répondre de ses crimes”.
– La carte iranienne –
Pour faciliter le processus de paix, il propose de créer un “groupe de contact” autour des cinq membres permanents du Conseil de sécurité – dont la France -, une initiative qui n’a pour l’heure guère reçu d’écho.
La Russie, arbitre de la crise depuis son intervention militaire en Syrie, préfère discuter directement avec les Etats-Unis des contours d’une solution politique.
“Sur la Syrie on a épuisé toutes nos cartes”, considère la chercheuse de l’IISS.
Pour Agnès Levallois, vice-présidente de l’Institut de recherche et d’études Méditerrannée Moyen-Orient (IREMMO), la position française est par ailleurs “assez contradictoire” sur Bachar al-Assad.
“Comment pouvez-vous dire en même temps +je vais discuter avec toi et te traîner devant un tribunal international+ ? Cela ne peut que le renforcer et en aucun cas le pousser à accepter une négociation puisqu’il est reconnu et validé comme un interlocuteur”, analyse cette experte, enseignante à Sciences-Po.
Le président syrien s’est même offert le luxe d’un camouflet envers la France, lui déniant “le droit de parler de paix” après avoir été selon lui le “porte-étendard du terrorisme” en soutenant les rebelles qui s’opposent à son régime depuis 2011.
En Iran, où le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian se rendra en janvier et le président Macron plus tard dans l’année, Paris entend aussi jouer sa carte en poussant Téhéran à revoir son programme de missiles balistiques pour mieux sauver l’accord nucléaire que le président américain Donald Trump menace de torpiller.
– ‘Pour quoi faire ?’ –
“Les Iraniens comptent beaucoup sur la France pour entraîner l’Europe dans un soutien à l’accord contre les Américains”, observe Agnès Levallois.
“Ils n’ont pas confiance dans les Anglais et ne perçoivent pas l’Allemagne comme un grand pays politique”, estime un diplomate occidental.
Pour autant, l’Iran ne voit pas d’un bon oeil la proximité de la France avec son rival saoudien et s’est irrité d’entendre Jean-Yves Le Drian l’accuser depuis Ryad de visées “hégémoniques”.
“L’équilibre est extrêmement difficile et fragile”, souligne Agnès Levallois. Plus généralement, “faire des coups d’éclat, vouloir parler avec tout le monde c’est très bien, mais pour faire quoi ?”, s’interroge-t-elle.
Selon elle, la France frapperait plus les esprits en ripostant à la décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël par une reconnaissance d’un Etat palestinien. “Ce serait un signal fort, avec des actes et cela ferait plaisir aussi bien aux Iraniens qu’aux pays arabes”, pointe-t-elle.
Emmanuel Macron a visiblement opté pour une autre stratégie. “Décider unilatéralement de reconnaître la Palestine est-il efficace ? Je ne crois pas”, a-t-il répondu vendredi en recevant le président palestinien Mahmoud Abbas.