Le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) appelle à une transformation en profondeur de la formation professionnelle pour faire face aux risques du manque de compétences dans le secteur des technologies.
Les entreprises pourraient être rapidement confrontées à une pénurie de main d’oeuvre dans le numérique. D’après un rapport du Conseil d’orientation pour l’emploi consacré à l’automatisation, la numérisation et l’emploi, les compétences exigées dans le secteur du numérique seront de plus en plus techniques à court terme. Ce rapport publié mercredi soir fait suite à un premier livré en janvier qui estimait que moins de 10% des emplois étaient « très exposés aux mutations technologiques et risquaient d’être supprimés mais que près de la moitié devront évoluer ». Et le sujet des compétences devient central à un moment où les métiers qualifiés dans les pays développés pourraient se retrouver menacés par l’automatisation du travail dans quelques années.
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Une pénurie évaluée à 80.000 emplois
Les auteurs du rapport estiment que 80.000 emplois pourraient être vacants d’ici 2020 en France. Cette évaluation concerne seulement les domaines du numérique et de l’électronique. Elle ne couvre pas les pénuries susceptibles d’être rencontrées dans l’ensemble du secteur des nouvelles technologies.
Pour fournir cette estimation, les experts se sont basés sur les travaux réalisés par le cabinet Empirica pour le compte de la Commission européenne. D’après le cabinet, la pénurie de main d’oeuvre est déjà estimée à 60.000 rien qu’en 2017 et l’offre de compétences devrait rester insuffisante dans les années à venir.
D’après une enquête réalisée par Pôle emploi en 2017, « 58 % des projets d’embauche dans les familles de métiers de l’informatique sont considérés comme ‘difficiles' ». Le document rappelle néanmoins que cette pénurie devrait être moindre que dans d’autres pays européens comme le Royaume-Uni (161.000 emplois vacants) ou l’Allemagne (150.000 emplois vacants) d’ici 2020.
Par ailleurs, les actifs ne disposent pas des compétences suffisantes pour répondre aux besoins des entreprises.
« Tous les actifs ne possèdent pas, loin s’en faut, le socle de compétences numériques générales : au moins un tiers de la population active ne dispose que d’un niveau insuffisant. […]Un grand nombre d’actifs en emploi – 13 % des actifs – ont un niveau de maîtrise, à la fois en numératie et en littératie (*), qui est susceptible de les mettre en difficulté dans un environnement de travail et une économie largement numérisés. »
Selon des chiffres de la Commission européenne, 8% de la population active en France n’a aucune compétence numérique, 27% un niveau faible, tandis que 33% ont un niveau de base et 29% un niveau supérieur.
Des besoins en nouvelles compétences techniques
Pour faire face à ce défi sur le marché du travail, l’institution préconise de plus en plus de compétences expertes dans les domaines liés à la révolution technologique (numériques, compétences liées à l’automatisation, et scientifiques en général). Le COE explique que « l’écart entre l’offre et la demande de compétences numériques et scientifiques expertes est significatif et qu’il va croissant ». D’après les données produites par LinkedIn pour le Conseil, les compétences les plus demandées correspondent à la gestion et l’exploitation des données, celles liées à la programmation et enfin celles liées à la conception et la maintenance de logiciels.
Par ailleurs, le COE, qui s’est notamment appuyé sur les organismes collecteurs mais aussi sur des données du réseau social Linkedln, souligne :
« Le besoin d’adaptation en continu des compétences des individus sera central. [..] Cela exigera aussi une compétence fondamentale pour tous les actifs : savoir s’adapter en apprenant tout au long de leur vie, et être aidés à le faire. »
Le COE plaide ainsi en faveur d’un « Grenelle des compétences« . Au sein de cette instance, les chantiers pourraient être nombreux. En effet l’organisation préconise une meilleure connaissance des compétences, « une amélioration du système d’orientation scolaire et professionnelle, de la réforme du système de certification professionnelle, de l’adaptation de l’offre de formation à l’évolution du contexte technologique ».
Alors que le gouvernement Philippe veut s’attaquer à « une réforme en profondeur » de la formation professionnelle, les acteurs de l’emploi devraient surveiller avec attention les propositions mises sur la table par l’exécutif pour le secteur du numérique.
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(*) Selon l’OCDE, la littératie est l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités.
La numératie correspond à la capacité d’une personne de comprendre et d’utiliser des données mathématiques à l’école, au travail et dans la vie de tous les jours ; par exemple, pour utiliser de la monnaie et établir des budgets, pour utiliser des mesures en cuisine ou pour lire une carte.
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