La dégradation de la relation franco-turque ne s’arrête pas, avec la Libye dans le cœur des enjeux. Ce mercredi, le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian a appelé l’Union européenne à ouvrir « une discussion de fond sans tabou ni naïveté » sur les relations qu’entretiennent l’UE avec la Turquie, rapportent plusieurs médias.
« La France estime indispensable que l’Union européenne ouvre très vite une discussion de fond, sans tabou, sans naïveté sur les perspectives de la relation future de l’UE avec Ankara et que l’UE défende fermement ses propres intérêts car elle en a les moyens », a indiqué Le Drian.
« Il faut des clarifications sur le rôle que la Turquie entend jouer en Libye où j’estime que nous assistons à une syrianisation de la Libye puisque l’intervention militaire de la Turquie se fait par des supplétifs syriens », a ajouté le chef de la diplomatie française.
Les déclarations du ministre français interviennent dans un contexte particulièrement tendu entre la France et la Turquie, qui se sont accusées mutuellement de jouer un « jeu dangereux » en Libye, pays divisé par un conflit opposant le gouvernement d’union nationale (GNA), soutenu activement par Ankara, et l’Armée nationale libyenne (ANL) dirigée par le maréchal Khalifa Haftar, soutenue discrètement par la France.
« Je considère aujourd’hui que la Turquie joue en Libye un jeu dangereux et contrevient à tous ses engagements pris lors de la conférence de Berlin », a déclaré ce lundi le président français Emmanuel Macron.
En réaction, le gouvernement turc a renvoyé l’expression à son émetteur, estimant que c’est la France qui joue un jeu dangereux en Libye. « Par le soutien qu’elle apporte depuis des années aux acteurs illégitimes, la France a une part de responsabilité importante dans la descente de la Libye dans le chaos. De ce point de vue, c’est en réalité la France qui joue à un jeu dangereux », a déclaré mardi le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Hami Aksoy.
Le contexte franco-turc n’a également pas été aidé par un incident naval impliquant les forces armées turques et françaises, pourtant membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan). Des navires de guerre français et turcs seraient en effet passés près d’un accrochage militaire en mer Méditerranée lorsqu’un navire de guerre français a tenté d’identifier un bateau cargo suspecté de livrer des armes depuis la Turquie vers la Libye sous embargo.
La France a qualifié l’incident « d’affaire très grave », affirmant que la marine turque a présenté des comportements « hostiles et inacceptables (…) visant à entraver les efforts de mise en œuvre de l’embargo sur les armes des Nations unies », tandis que le secrétaire général de l’Otan a annoncé la semaine dernière l’ouverture d’une enquête. Le président Macron a quant à lui estimé que cet incident constitue « l’une des plus belles démonstrations qui soient » de « la mort cérébrale » de l’Otan.