Le président français Emmanuel Macron entame la mise en œuvre des recommandations du rapport de l’historien Benjamin Stora sur la colonisation et la guerre d’Algérie.
Remis mercredi 20 janvier à l’Elysée, ce rapport controversé préconise la reconnaissance par la France de l’assassinat de l’avocat et militant Ali Boumendjel pendant la bataille d’Alger en 1957. C’est désormais chose faite.
Durant la Bataille d’Alger, l’avocat Ali Boumendjel « fut arrêté par l’armée française, placé au secret, torturé, puis assassiné le 23 mars 1957 », reconnaît l’Elysée dans un communiqué publié mardi soir, en ajoutant que le général « Paul Aussaresses avoua lui-même avoir ordonné à l’un de ses subordonnés de le tuer et de maquiller le crime en suicide ».
Tout en reconnaissant que Ali Boumendjel qui est né à Relizane le 23 mai 1919, a été « torturé et assassiné » par l’armée française, près de 64 ans après les faits, la France rend un hommage appuyé au militant algérien. « Ali Boumendjel laissait derrière lui un héritage politique important. Ses combats et son courage ont marqué à jamais les esprits algériens et français, parmi lesquels René Capitant, qui avait été son professeur », écrit la présidence française.
Mardi, le président Macron a reçu au Palais de l’Elysée quatre des petits-enfants d’Ali Boumendjel « pour leur dire, au nom de la France, ce que Malika Boumendjel (la veuve du militant algérien) aurait voulu entendre : Ali Boumendjel ne s’est pas suicidé. Il a été torturé puis assassiné. »
Pour Macron, « regarder l’Histoire en face, reconnaître la vérité des faits, ne permettra pas de refermer des plaies toujours ouvertes, mais aidera à frayer le chemin de l’avenir ».
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« Ce n’est pas un acte isolé »
Le président français assure que la reconnaissance de l’assassinat d’Ali Boumendjel « n’est pas un acte isolé ». « Aucun crime, aucune atrocité commise par quiconque pendant la Guerre d’Algérie ne peut être excusé ni occulté. Ils doivent être regardés avec courage et lucidité, dans l’absolu respect de toutes celles et ceux dont ils ont déchiré la vie et brisé le destin », affirme le président français, qui a déjà qualifié la colonisation de crime contre l’humanité.
Outre la reconnaissance de l’assassinat d’Ali Boumendjel, le rapport Stora recommande également de construire une stèle à l’effigie de l’émir Abdelkader en France. Il préconise à la France de discuter avec les autorités algériennes de la possibilité de faciliter les déplacements des harkis et de leurs enfants entre la France et l’Algérie, et d’œuvrer aussi à la publication d’un « guide des disparus » (algériens et européens) de la guerre d’Algérie, sur la base des recherches du « groupe de travail » créé à la suite de la déclaration d’amitié signée lors de la visite du président François Hollande à Alger en 2012.
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Lundi, le président Abdelmadjid Tebboune a indiqué que « les bonnes relations de l’Algérie avec la France ne sauraient être au détriment de l’Histoire ou de la mémoire ».
« Nous ne renoncerons jamais à notre mémoire qui ne peut faire l’objet de marchandage mais les choses doivent se régler intelligemment et sereinement », a-t-il dit dans un entretien à des médias nationaux.
Alors que le gouvernement algérien réclame la reconnaissance par la France de ses crimes coloniaux, l’Elysée a déclaré mercredi 20 janvier qu’il n’allait pas présenter des excuses à l’Algérie, ni faire acte de repentance sur la période coloniale. La présidence française a dit envisager seulement des « actes symboliques ».
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