La question mémorielle entre la France et Algérie revient sur le devant de la scène depuis quelques jours. Au lendemain du communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères désavouant des propos tenus par le président turc sur le passé colonial de la France en Algérie, samedi 1er février, le chef de la diplomatie française évoquait de nouveau la question ce dimanche, souhaitant notamment qu’un « travail de mémoire » soit fait entre les deux pays.
Jean-Yves Le Drian, qui s’exprimait lors de l’émission conjointe de médias français (RTL/LCI/Le Figaro), n’a pas commenté la sortie de Recep Erdogan et la réplique de l’Algérie, mais il est revenu sur la polémique suscitée par les propos du président français Emmanuel Macron qui a récemment fait le parallèle entre la guerre d’Algérie et la Shoah, la déportation des juifs pendant la seconde Guerre mondiale.
« La Shoah est un crime insupportable, comparable à rien, nul part ailleurs, il faut le reconnaître comme tel », a estimé Le Drian, mais, ajoute-t-il, « la question qui se pose dans les relations entre la France et Algérie sur la mémoire, la manière dont les uns et les autres ont vécu ce conflit, reste là. Et il faudrait que nous ayons ensemble un travail de mémoire », plaidant pour une réflexion « de manière sereine, y compris avec les historiens algériens ».
Selon le ministre français, « les autorités algériennes souhaitaient ce processus et insistaient sur le fait que les Français avaient eux aussi besoin d’avoir sur ce sujet-là un moment de rappel historique et de vérification ».
« Nous avons en Algérie une situation qui est complètement nouvelle, qui va sans doute engager des évolutions significatives de ce pays. De nouvelles perspectives s’offrent pour les relations entre France et Algérie. Si la mémoire partagée peut faire partie de cet ensemble nouveau, ce serait une très bonne nouvelle pour tout le monde », a par ailleurs ajouté Le Drian, en référence à l’élection d’un nouveau président de la République en Algérie.
Dans l’avion qui le ramenait jeudi d’Israël, où il participait à la commémoration du 75e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, le président français s’est dit convaincu que la France devait revisiter la mémoire de la guerre d’Algérie pour mettre un terme au « conflit mémoriel » qui « rend la chose très dure en France », indiquant que la question avait « à peu près le même statut que ce qu’avait la Shoah pour Chirac en 1995 ». La comparaison a provoqué une tempête en France.
Samedi 1er février, l’Algérie a vivement réagi à des propos tenus par le président turc sur les crimes coloniaux à l’issue d’une visite qu’il a effectuée en Algérie les 26 et 27 janvier.
M. Erdogan avait révélé le teneur de ses discussions avec le président Abdelmadjid Tebboune qui lui aurait affirmé que la France a massacré cinq millions d’Algériens.
« L’Algérie a été surprise par la déclaration faite par le président turc, Recep Tayyip Erdogan dans laquelle il attribue au président de la République des propos sortis de leur contexte sur une question liée à l’histoire de l’Algérie. À titre de précision, l’Algérie affirme que les questions complexes liées à la mémoire nationale, qui revêt un caractère sacré pour le peuple algérien, sont des questions extrêmement sensibles. De tels propos ne concourent pas aux efforts consentis par l’Algérie et la France pour leur règlement », a indiqué le ministère algérien des Affaires étrangères dans un communiqué.