Économie

La Laiterie Soummam revendique la « plus grande ferme laitière » d’Algérie

Alors que le projet de la méga-ferme de 270.000 vaches de Baladna en Algérie se précise, des entreprises laitières algériennes ont exposé leurs réalisations lors du Salon international de l’agriculture, de l’élevage et de l’agro-industrie (Sispa).

Un salon qui s’est tenu du 20 au 23 mai dans un contexte de volonté de l’Algérie de réduire ses importations de poudre de lait qui lui coûtent chaque année 600 millions de dollars. Présente sur ce salon, la Laiterie Soummam revendique la place de « plus grande ferme laitière d’Algérie » avec 3.000 vaches laitières et 10 étables réparties sur le territoire national.

La laiterie fondée par Lounis Hamitouche revendique un réseau de collecte de lait de 7.000 éleveurs, ce qui fait de Soummam le premier collecteur d’Algérie. « Ce sont 860.000 litres de lait frais qui arrivent quotidiennement au niveau de la laiterie », a confié Djamel Alilat, le directeur de la communication de la Laiterie Soummam, à la chaîne Almoostathmir.

Laiterie Soummam : 3.000 vaches laitières et 10 étables en Algérie

Cette collecte située au nord du pays devrait s’étendre au sud avec la mise en valeur d’une concession agricole de 2.000 hectares à Ouargla, selon le même responsable.

En décembre 2022, lors de la 30e édition de la Foire de la production à Alger, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune s’est arrêté au stand Soummam. Il avait alors félicité la laiterie pour le travail accompli et déclaré que celle-ci était « une locomotive » pour la filière lait.

Actuellement, ce sont 146 laiteries qui utilisent de la poudre de lait et pour certaines le lait frais collecté au niveau des éleveurs.

En 2021, le coût de l’importation de près de 200.000 tonnes de poudre de lait par l’Algérie s’est élevé à 600 millions de dollars.

C’est dans ce contexte de réduction des importations de poudre de lait que le président Abdelmadjid Tebboune a, à plusieurs reprises, encouragé la filière lait à investir dans la production locale.

Sur le stand de la Laiterie Soummam, s’adressant en 2022 au ministre de l’Agriculture, il avait indiqué : « Si vous voulez un terrain à Adrar, à Ménia ou à Aïn Salah, donnez-leur tout de suite. Je préfère qu’il bénéficie d’une concession (…), produire du lait au lieu d’utiliser la poudre de lait ».

Pour indiquer qu’il ne s’agissait pas de vaines promesses, le président Tebboune avait insisté : « Reprenez votre dossier pour voir combien vous avez besoin de superficie. Sachant qu’une vache a besoin d’un hectare, si vous devez élever 10.000 vaches, demandez 10.000 hectares ». « C’est sans problème. Moi, je vous assure que vous les aurez », lui-t-il lancé.

Plus de lait local dans les produits Soummam

Le président Abdelmadjid Tebboune avait ajouté que « le consommateur algérien a le droit au fromage, au camembert, au yaourt », tout en insistant sur la nécessité de diminuer l’utilisation de la poudre de lait dans la fabrication de ces produits.

« La poudre de lait, on l’utilise pour les produits à prix subventionnés, donc faites attention, essayez de diminuer un peu », a-t-il dit.

Une approche que tente de mettre en application l’Office national interprofessionnel du lait (ONIL) qui a en charge une grande partie de ce type d’importation et qui « considère la poudre comme un complément au lait cru ».

Aux propos du président Abdelmadjid Tebboune, le représentant de la laiterie Soummam avait répondu à l’époque : « C’est ce qu’on essaye de faire. On essaye de relever le taux d’intégration ».

En 2024, la Laiterie Soummam affiche un taux de 40-50 % d’utilisation de lait frais dans la fabrication de ses produits laitiers (yaourts, fromages, petit lait, etc).

Une stratégie mise également en œuvre par d’autres laiteries dont Hodna lait qui, en plus de son réseau de collecte de lait, dispose d’une ferme de plusieurs milliers de vaches laitières à Msila. De son côté, Danone Algérie apporte un appui technique de qualité aux éleveurs qui livrent leur production de lait.

Pour ces laiteries, la part de lait frais dans les produits laitiers mis sur le marché est un argument de qualité pour un type de produits à forte rentabilité du fait de leur prix libre.

L’originalité de la laiterie Soummam est d’être présente aux différents niveaux de la chaîne de valeur : production de fourrage, investissements dans dix fermes laitières, usines de fabrication d’aliments concentrés à Bordj Bou Arréridj, réseau de collecte, fabrication de produits laitiers et réseau de distribution.

À cela s’ajoute une volonté d’innovation. C’est le cas de l’utilisation dans son réseau d’un logiciel hollandais de gestion des troupeaux. À la mi-mars 2023, un stage de formation a été organisé en présence de Janna Van der Velde, l’ambassadrice des Pays-Bas en Algérie.

Retard de la prime et baisse de la collecte de lait

Comme pour le reste de la filière, la Laiterie Soummam fait face à une baisse de la collecte de lait dont les causes sont multiples : retard du versement des primes publiques et hausse du prix des fourrages.

En décembre dernier, lors de la 31e Foire de la production nationale, Seddik Saadi, le représentant de la Laiterie Soummam confiait au quotidien El Watan : « La situation est alarmante ».

Il expliquait que suite au désintérêt de certaines laiteries pour la collecte de lait frais, « nous nous sommes engagés avec les éleveurs pour 650.000 litres/jour et nous nous retrouvons à ramasser 750.000 litres quotidiennement. Ce qui dépasse nos prévisions. Certains camions font deux rotations par jour faute de moyens logistiques. Nous avons des capacités de stockage de 1,2 million de litres, mais pas de moyens suffisants pour la collecte ». Et il faisait état du niveau de collecte et des moyens disponibles : « Nous travaillons avec 7.000 éleveurs à travers 38 wilayas et un total de 35 camions ».

À l’époque, la Laiterie Soummam avait formulé une demande d’autorisation pour importer des camions spécialisés dans la collecte et attendait le paiement des différentes primes promises par le dispositif national.

Un retard lié, selon Seddik Saadi, au « changement de la politique de paiement de ces primes en janvier 2023. Nous n’avons rien reçu. Idem du côté des éleveurs. Nous avons même des instances qui datent de 2022 ». Il exprimait alors son inquiétude : « Face à cette situation, les grands éleveurs résistent mais ils risquent de partir ».

Un retard que, dès le début de prise de ses fonctions, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Youcef Cherfa s’est attelé à résoudre en conviant les représentants de la filière. Des mesures avaient alors permis le versement rapide de 60 à 70 % des arriérés dus aux éleveurs, collecteurs et transformateurs.

Comme la filière tomate industrielle, celle du lait est engagée dans un processus de contractualisation et fait l’objet d’un important soutien de la part des pouvoirs publics. La prime pour la production laitière est de 2 DA par litre, celle liée à la collecte est de 5 DA et celle de 6 à 7,5 est octroyée aux transformateurs. Quant à la prime liée à l’insémination artificielle, elle est de 1.800 DA.

Laiterie Soummam, aux côtés des éleveurs

La Laiterie Soummam, comme d’autres laiteries et quelques coopératives laitières, sont en lien avec un nombre important d’éleveurs et jouent un rôle capital en assurant ainsi le maintien d’un tissu de producteurs petits et grands dans les campagnes.

Co-auteur d’une étude sur le sujet, Malik Makhlouf de l’université de Tizi-Ouzou notait en 2015 que la politique laitière en Algérie « permet aux revenus modestes de se nourrir à prix réel décroissant et laisse le marché déterminer le prix des produits laitiers transformés à plus forte valeur ajoutée, en l’absence de subventions ».

« La politique laitière est ainsi conforme à la politique sociale », a-t-il ajouté. Reste à trouver les moyens de renforcer la production et la participation à la collecte des petits éleveurs cantonnés dans le secteur informel dont le problème n’est pas un des moindres.

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