Le projet de loi relatif à la santé est actuellement examiné par la commission des affaires sociales de l’Assemblée populaire nationale (APN). Les articles liés à l’avortement suscitent d’ores et déjà la polémique. Il s’agit notamment de l’article 81 qui prévoit une interruption de la grossesse en cas de malformation de l’embryon ou du fœtus et de l’article 82 qui autorise également l’interruption de grossesse dans le cas où l’équilibre psychologique ou physiologique de la femme enceinte est menacé.
« Art 81 : Lorsque les affections dépistées par le diagnostic prénatal attestent, avec certitude, que l’embryon ou le fœtus est atteint d’une maladie ou d’une malformation grave ne permettant pas son développement viable, le ou les médecins spécialistes concernés, en accord avec le médecin traitant doit en informer le couple et entreprendre avec son consentement, toute mesure médicale thérapeutique dictée par les circonstances. Toutefois, lorsque la vie de la mère est en danger, les médecins spécialistes concernés peuvent décider de l’interruption de la grossesse. »
Que pensent les professionnels du secteur ? Pour le président de l’ordre national des médecins, il s’agit d’une « grande avancée ». « Aujourd’hui, avec les avancées et les techniques médicales, on peut détecter des malformations congénitales graves au tout début d’une grossesse », indique Mohamed Bekkat Berkani, en évoquant le cas de bébés qui décèdent juste après leur naissance, quelques jours voire quelques semaines après ou qui vivent un peu plus longtemps mais dans des conditions difficiles.
« Le projet de loi permet un avortement avec le consentement des parents évidemment et le diagnostic d’un médecin traitant. Ce texte permet d’éviter l’injustice qui consiste à infliger à une mère l’accouchement d’un bébé qui porte des malformations parfois graves avec un pronostic vital engagé », soutient le président du conseil de l’ordre des médecins.
Certains enfants sont même abandonnés par leurs parents, selon ce médecin qui qualifie l’article « d’une grande avancée » et « qu’il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas d’un avortement volontaire de la grossesse ».
Le président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP) parle, lui aussi, d’une « avancée » même s’il juge les articles relatifs à l’avortement « ambigus ». « C’est une avancée. Il est toutefois nécessaire que ce soit bien encadré afin d’éviter les dépassements », souligne Lyes Merabet qui suggère par exemple de préciser les spécialistes devant être consultés pour autoriser une interruption de grossesse. « Ils devraient être trois spécialistes dont un généticien, un gynécologue et un psychiatre », précise notre interlocuteur
« Art 82 : lorsque l’équilibre physiologique ou psychologique et mental de la mère est gravement menacé, le ou les médecins spécialistes concernés, en accord avec le médecin traitant, doit informer la mère et entreprendre, avec son consentement, toute mesure médicale thérapeutique dictée par les circonstances. Les droits des personnes mineures ou incapables sont assurés conformément à l’alinéa 2 de l’article 22 de la présente loi. Devant un risque majeur pour la vie de la mère et du fœtus, les médecins spécialistes concernés sont tenus également de prendre les décisions médicales thérapeutiques appropriées. »
Si l’article 81 permet de prévenir la naissance de bébés atteints de très graves malformations, l’article 82 apporte une solution à de nombreux problèmes dont les cas de grossesses suite à des viols. « Dans les années 1990, on a permis aux femmes violées par les terroristes d’avorter. Je ne vois pas pourquoi ce qui est valable en temps de guerre ou de terrorisme, ne peut pas l’être en temps de paix », s’interroge Mohamed Bekkat Berkani qui rappelle les cas d’inceste. « Pourquoi voulez-vous infliger à la femme victime de viol ou d’inceste de vivre avec un enfant qu’elle n’a pas désiré », lance-t-il. « En dehors de l’aspect psychologique, on oblige souvent la femme à porter cet enfant et à l’abandonner dès sa naissance », prévient-il.