Sans doute qu’il y aura du monde dans les rues d’Alger et des autres villes du pays pour ce quarante-sixième vendredi du hirak populaire, le premier de la nouvelle année. Un vendredi qui coïncide avec la libération surprise de 76 détenus d’opinion, dont le plus emblématique, le moudjahid Lakhdar Bouregaâ.
Première déclaration de celui-ci dès son arrivée chez lui : « J’irai faire une petite omra à la grande Poste ». L’ancien commandant de l’ALN n’a pas précisé s’il le fera dès le lendemain de sa libération ou dans les prochaines semaines, mais il demeure certain qu’il y aura dans la rue ce vendredi 3 janvier des militants et manifestants qui viennent juste de sortir de prison.
Depuis une dizaine de jours, des procès sont successivement programmés et se concluent souvent par des condamnations à des peines qui couvrent la détention provisoire ou des peines avec sursis. Beaucoup aussi, comme Samira Messouci, ont purgé leur peine et retrouvé la liberté. Beaucoup de détenus sont des militants actifs du hirak ou des manifestants qui n’avaient pas raté un seul vendredi avant leur arrestation.
Ce premier vendredi de la nouvelle année devrait donc être une occasion pour célébrer leur retour dans le hirak et surtout pour réclamer la libération de ceux qui croupissent encore aux prisons d’El Harach et de Koléa. Karim Boumala, Samir Benlarbi, Abdelouahab Fersaoui et Fodil Boumala, pour ne citer que ceux-là, n’ont pas été touchés par les remises en liberté. Les demandes dans ce sens de leurs avocats viennent d’être rejetées pour la énième fois.
Il reste encore des manifestants en prison, des personnalités qui n’ont pas de lien direct avec le hirak mais considérées par beaucoup comme des détenus politiques, comme Ali Ghediri et Rachid Nekkaz. Il reste surtout toutes les autres mesures que le hirak et la classe politique réclament comme des préalables à toute discussion, comme la libération du champ politique et médiatique – TSA est censuré depuis 7 mois -, l’arrêt du harcèlement des manifestants par les arrestations et les convocations devant la justice, la levée du dispositif qui entrave l’accès à la capitale les jours de marche…
Il y a, certes, depuis quelques semaines, moins d’arrestation de manifestants et moins de placements en détention provisoire, mais des militants continuent à être condamnés à de lourdes peines, comme le doyen des hirakistes Hadj Ghermoul et le poète du hirak Mohamed Tadjadit condamnés la semaine passée à 18 mois de prison ferme, à Mascara et Alger respectivement. Il y a eu aussi le refus du tribunal de Tlemcen de remettre en liberté provisoire l’étudiante Nour El Houda Oggadi. Surtout, le dispositif de sécurité autour de la capitale n’a pas été levé. L’attitude des forces de l’ordre en ce quarante-sixième vendredi, notamment aux portes d’Alger, est très attendue. Un éventuel allègement du dispositif serait perçu comme un pas supplémentaire indéniable vers l’apaisement.
La réaction de la rue après les événements de la semaine passée est également très attendue. Les marches du quarante-cinquième vendredi ont été en effet marquées par l’agression des manifestants dans plusieurs villes, comme Bordj Bou Arréridj, Oran, Constantine…
Sur les réseaux sociaux, les appels au calme et à maintenir le caractère pacifique du hirak n’ont pas cessé pendant toute la semaine, avec la promesse de ne pas se laisser intimider.
Enfin, même si la composante du nouveau gouvernement n’a été annoncée qu’en début de soirée de ce jeudi, les activistes du hirak improviseront sans doute quelques pancartes et slogans pour commenter les choix de Abdelmadjid Tebboune.