Débats et Contributions

La MAP, de l’insolence du fabuleux à l’impudence de la fabulation

Contribution – Ces dernières semaines, l’agence de presse officielle marocaine (MAP) est entrée en transes sous l’effet de l’exaltation intense et enivrante que procure la désinformation pratiquée à l’échelle industrielle. Elle devient ainsi le principal vecteur des campagnes hystériques menées contre l’Algérie. Les spin-doctors de son bureau basé à Bruxelles se sont surpassés dans le storytelling de très mauvaise facture, basé principalement sur l’amalgame, la décontextualisation, la fabulation et la sournoiserie.

Les mises en récit débitées en boucle, par les journalistes en question, alternent le fabuleux (fantasmagorie au sujet de la prétendue exemplarité du Maroc, cité en exemple transcendant sur tous les sujets) et la fabulation éhontée, brodée de viles provocations et de dénigrement méprisable, qui porte l’empreinte typique des trolls enragés et vindicatifs.

La communication narrative de ces « agenciers » fait ressortir l’occurrence de deux éléments significatifs, qui sont en fait, les marqueurs génétiques de toute la presse officielle marocaine (avec une mention spéciale au très virulent le360.ma dont l’animateur principal a fait l’objet d’un article intéressant du journal Le Monde en date du 05 avril 2016).

Redorer le blason terni du Royaume

D’abord, essayer, autant que faire se peut, de redorer le blason terni du Royaume en mobilisant, sans état d’âme, tous les « mercenaires » qui ont goûté aux délices de la diplomatie de la Mamounia et ensuite user, sans retenue aucune, de la plus grande mauvaise foi et du mensonge le plus éhonté pour relater (et frelater) de la manière la plus caricaturale et la plus perfide possible, toutes les informations se rapportant à l’Algérie et à son actualité politique, militaire, économique et sociale.

C’est ce double angle d’attaque qui constitue la ligne éditoriale de tous ces médias qui ne répugnent pas à aller patauger honteusement dans les marécages nauséabonds de la droite extrême et des lobbies anti-algériens, en France, aux Etats-Unis et ailleurs, juste pour nourrir cet appétit vorace et maladif pour la malveillance envers un pays dont le tort est de s’en tenir, vaille que vaille, a une position de principe inébranlable concernant le droit du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination, conformément à la légalité internationale.

Ce dédoublement obsessionnel est caractéristique de la trame des dépêches qui ont retenu notre attention.

Ainsi, des dépêches de la très officielle MAP relayées par des chaines de télévision et sites de presse électroniques marocains sont revenues longuement ces derniers jours sur le contenu d’une dépêche APS qui n’a fait que rappeler une vérité, connue de tous, concernant l’existence d’un puissant lobby maroco-sioniste.

Une lamentable fausse offuscation

S’engouffrant dans la brèche, l’agence de presse et ses relais affidés se sont alors empressés de se lancer dans l’exercice périlleux qui consiste à considérer l’antisionisme comme de l’antisémitisme, rejoignant ainsi l’incantation mantrique d’Alain Finkelkraut et de son compère Eric Zemmour !

Une lamentable fausse offuscation, sous forme de mise en scène ridicule et de manipulation grossière, s’en est suivie puisque cette agence n’a pas hésité à titrer « En qualifiant des députés européens de sionistes marocains, l’APS adopte un discours antisémite ».

Sur le fond, il est utile de rappeler que l’antisionisme n’est autre qu’une attitude politique visant à rejeter la politique d’Israël tendant à légitimer la colonisation des territoires occupés et les actions de répression, à l’égard du peuple palestinien.

L’Agence de presse marocaine entretient et nourrit, sciemment, l’amalgame et la confusion entre l’antisionisme qui constitue une opposition à une politique d’Etat et aux principes discriminatoires qui la sous-tendent et l’antisémitisme qui est une hostilité observée à l’égard d’un groupe ethnico-religieux.

Fort heureusement, cet amalgame grossier est dénoncé, vigoureusement, par un nombre sans cesse croissant d’esprits libres et impartiaux, dont des penseurs et des militants de confession israélite, à l’image :

-d’Henri Curiel, militant anticolonialiste, d’origine italienne et soutien aux mouvements révolutionnaires de libération nationale, y compris à la glorieuse Révolution algérienne qui dans ses « Ecrits de prison sur la Palestine » considère que le « sionisme et avant tout une idéologie raciste » ;

-d’Abraham Serfaty, militant de gauche, antisioniste, défenseur de la cause palestinienne et du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination ;

-de Sion Assidon, militant marocain antisioniste, qui souligne dans un de ses écrits qu’ « il faut rejeter tout amalgame entre antisionisme et antisémitisme, car il ne faut pas confondre sionisme et judaïsme. L’antisionisme est une prise de position politique qui ne peut en aucune manière être assimilé à un acte de racisme. On peut à la fois critiquer la politique de colonisation en Palestine et défendre la coexistence des identités religieuses. ». ;

-ou encore d’Ilan Halevi, l’intellectuel antisioniste et soutien indéfectible à la cause palestinienne.

Cette campagne calomnieuse de dénigrement, qui n’est ni fortuite ni dénuée de calcul, en dit long sur l’état d’esprit de ses instigateurs. Au contenu diffamatoire et fortement relayé par la presse marocaine, la chaine de télévision Médi 1 a suivi les « orientations d’en haut » en diffusant dimanche dernier, à partir de Washington, une émission à laquelle elle a invité des chercheurs, d’anciens diplomates du département d’Etat et de représentants du pentagone américains. Consacrée, en principe, à l’examen de « l’état des relations maroco-algériennes », cette émission s’est focalisée, comme prévisible, sur le seul et unique contenu de la dépêche de l’APS du 19 mai dernier évoquant l’existence du lobby maroco-sioniste.

Essayant par ce biais de mobiliser le puissant lobby de l’AIPAC, en déformant sciemment la teneur de ladite dépêche et en nourrissant une confusion volontaire entre antisionisme et antisémitisme, les journalistes de cette chaine ont tout fait pour orienter la discussion, exclusivement, sur cette question, qui revêt indubitablement une sensibilité particulière auprès des leaders d’opinion, des journalistes et, bien entendu, des décideurs politiques américains.

Par-delà la dépêche de l’APS, force est de relever que le rapprochement insidieux entre le Maroc et Israël prospère sur un terreau fertile de « valeurs partagées» et de pratiques communes : l’occupation des territoires d’autrui, l’asservissement des populations locales et la spoliation de leurs ressources. C’est ce qui fonde l’essence et la cohérence même de cette relation coupable.

Un exutoire aux déconvenues diplomatiques

Par ailleurs, il est frappant de relever que le degré d’acharnement anti-algérien de la presse marocaine est modulé en fonction de la densité des échecs de ce pays sur le plan international. Ainsi, chaque revers diplomatique essuyé par le Makhzen est rapidement « compensé » par une attaque médiatique contre l’ « ennemi algérien », comme pour conjurer un mauvais sort, en usant et abusant du lexique propagandiste propre à l’organe officiel de presse.

Ce constat est particulièrement parlant à Bruxelles, depuis que le Parlement européen accorde un intérêt croissant à la situation des droits de l’Homme au Maroc et à la question du Sahara occidental ; une position défendue par plusieurs eurodéputés influents au sein de la commission parlementaire en charge des droits de l’Homme (DROI), notamment les néerlandaises Kati Piri et Tineke Strik et les espagnols Miguel Urban Crespo et Pernardo Barrena Arza.

Ces quatre eurodéputés, qui font partie d’un groupe de parlementaires qui ont multiplié les interpellations écrites à la Commission européenne en vue de l’amener à se saisir des violations répétées des droits de l’Homme par le Maroc, ont promis d’inscrire cette question à l’agenda d’une prochaine plénière du Parlement européen.

Une annonce inédite, faite à l’occasion d’une visioconférence organisée par l’ONG « Freedom and Human Rights Organisation », le 21 mai dernier, sur la situation des détenus du Hirak du Rif et des prisonniers sahraouis au Maroc ; le Maroc comptait jusqu’ici sur la complicité de certains Etats-membres influents et bien connus pour tuer dans l’œuf toute tentative de récrimination au sein de l’hémicycle européen.

Pour faire diversion et face à cette sollicitude inédite de l’instance législative européenne, l’appareil propagandiste marocain s’ingénie à mettre sur pied un agenda diplomatique foncièrement hostile à l’Algérie. Il en est ainsi lorsque la MAP s’est prêtée à son activité favorite, c’est à dire une interprétation biaisée de la réponse de la Commission européenne à une question écrite soumise par l’eurodéputé Pernando Barrena Arza, relative à la livraison au Maroc, en janvier 2020, de 03 véhicules aériens sans pilote dans le cadre d’un contrat de 48 millions USD auprès de la société française Dassault.

Soutenant que l’acquisition de ces armes sert à surveiller le territoire occupé au Sahara occidental, l’eurodéputé espagnol a interrogé l’exécutif européen sur la conformité juridique de cette vente à la« position commune européenne 2008/944/PESC» sur le commerce des armes, notamment, par rapport aux critères d’évaluation de pré-exportation, relatifs au respect des droits de l’homme, au droit humanitaire et à l’occupation du territoire.

Cette question parlementaire garde toute son acuité lorsque l’on sait que le groupe de recherche et d’information pour la paix et la sécurité (GRIP) a appelé les Etats membres de l’UE à refuser toute exportation d’équipement militaire à destination de Rabat et les a mis en garde, quant à sa non-conformité par rapport aux critères mentionnés ci-dessus.

Recrutement d’eurodéputés

Le GRIP souligne, à cet égard, que « le Maroc continue d’occuper et de coloniser la plus grande partie du Sahara occidental et évoque « des pratiques répressives violentes et injustifiées concernant la liberté de mouvement, la liberté d’expression et d’association, le droit à un procès équitable ou encore la sauvegarde des droits sociaux, économiques et culturels » du peuple sahraoui, rappelant, au passage, « la brutalité de l’armée marocaine dans les territoires sahraouis obligeant une grande partie de la population sahraouie à prendre le chemin de l’exil », ainsi que le fait « qu’aucun Etat ne reconnait la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental depuis 1975 ».

Face à ces déconvenues, le Maroc recourt également largement au « recrutement » de certains eurodéputés sulfureux, notamment ceux issus de courants populistes et de certains anciens pays de l’Est, qui reprennent mécaniquement les questions préparées par « les scribouillards de la section Algérie au sein de la chancellerie marocaine » (comme l’écrivait la MAP en incriminant l’Ambassade algérienne à Bruxelles)

Le député bulgare, Ilhan Kyuchyuk, en est le parfait archétype. Connu pour son rôle de faire-valoir des thèses du Maroc à qui il sert de caisse de résonnance au Parlement européen, ce député avait coparrainé, le 21 février 2019, une conférence au Parlement européen sur le thème « montée de l’antisionisme : contrer la menace pour la vie juive en Europe ». La boucle est bouclée.

Mobilisation des eurodéputés de l’extrême droite sur la question de la liberté de religion en Algérie

Enfin, il n’est pas anodin que certains députés des groupes politiques d’extrême droite, réputés populistes, extrémistes et xénophobes, et qui ont inlassablement œuvré pour intégrer la liberté de religion dans la résolution du Parlement européen sur la situation des libertés en Algérie, adoptée en novembre 2019, reviennent à la charge sur cette question précisément en cette période particulière où le monde fait face à une crise sanitaire et à une crise socio-économique inédites.

La main de nos voisins de l’ouest n’est pas bien loin.

Preuve à l’appui, la presse marocaine, tous supports confondus, s’efforce d’en faire la publicité, tambour battant, quelques heures seulement après l’interpellation de l’Algérie par ce quarteron d’extrémistes !

*Slimane Hamzaoui est Politologue


Important : Les tribunes publiées sur TSA ont pour but de permettre aux lecteurs de participer au débat. Elles ne reflètent pas la position de la rédaction de notre média.

Les plus lus