Le timing n’est pas propice. La voix de ceux qui protestent contre le projet d’augmenter les frais d’inscription des étudiants, en France, risque de ne pas s’élever par-dessus les cris des « gilets jaunes » et des policiers qui ont réussi à arracher un peu de pognon au président Emmanuel Macron.
Le gouvernement français a annoncé, en novembre, qu’il allait très fortement augmenter les frais d’inscription pour les étudiants hors-UE, qui passeront de 170 à 2.770 euros en licence, et de 243 à 3.770 euros en master à la rentrée 2019, soit « un tiers du coût réel ».
La hausse envisagée ne s’appliquera pas à ceux qui ont déjà entamé leur parcours hexagonal mais aux nouveaux inscrits qui arriveront l’année prochaine. Parmi eux, figurent à chaque rentrée 4.000 à 5.000 Algériens. Tous cycles confondus, ils sont aujourd’hui autour de 30.000 algériens à poursuivre leurs études en France.
La Conférence des présidents de l’université (CPU) a demandé au gouvernement de suspendre son projet qui a provoqué un début de mobilisation dans les campus. « La France a besoin des étudiants internationaux qui contribuent à son développement et à son rayonnement dans le monde », plaide la CPU.
Peine perdue puisque la ministre de l’Enseignement supérieur a répondu par un non. D’autant plus perdue que Macron a trouvé une explication inattendue à sa décision. En recevant des parlementaires de sa majorité le 11 décembre à l’Élysée, il leur a demandé d' »arrêter l’hypocrisie » à ce sujet. Les visas étudiants constituent une « filière d’immigration », a-t-il balayé, selon Le Point.
La France compte 300.000 étudiants étrangers en tête desquels figurent les Chinois et les Maghrébins. Comparée aux pays anglo-saxons, elle ne facture pas cher les études dans les établissements publics. Parmi les 300.000 inscrits, un certain nombre d’entre eux, issus de milieux sociaux défavorisés, ne peuvent pas compter sur l’aide de leurs parents pour vivre. Ils doivent donc cumuler les études avec des petits jobs difficiles dans la sécurité, la restauration, l’accueil, le commerce.
À bout, une partie d’entre eux abandonnent les études. D’autres se servent de l’inscription pour avoir un premier titre de séjour et s’insèrent dans un projet de régularisation qui peut emprunter plusieurs voies. À titre d’exemple, on peut rencontrer des dilplomés algériens recyclés en chauffeurs de taxi, petits commerçants, réceptionnistes dans les hôtels. Ils se recrutent parmi les inscrits aux filières peu professionnalisantes. Les sciences humaines, notamment.
Combien sont-ils ? Les statistiques ne le disent pas. Quand ils vont au bout de leur formation, les étudiants des filières technologiques, informatique en particulier, s’insèrent plus aisément dans le marché du travail. Toutes filières confondues, la France détient un déficit annuel de 5.000 ingénieurs. Le diplôme obtenu, le retour au pays est rarement envisagé dans le cas des étudiants algériens. Les salaires ne permettent pas un retour sur investissement. Sans compter que l’environnement général n’est pas attractif, surtout en dehors des grandes métropoles.
La solution est à chercher dans un système de mobilité professionnelle qui leur permettrait de circuler de part et d’autre de la méditerranée. Chacun des pays y gagnera. Quoi qu’il en soit, le projet de Macron pénalisera les enfants des familles les moins socialement favorisées. 3.000 euros de frais d’inscription représentent le salaire annuel d’un cadre. La suppression de la bourse au mérite, laissée aux « enfants de… » a déjà brisé des rêves et de grandes carrières potentielles.