Pour le 21e vendredi consécutif depuis le 22 février, des centaines de milliers d’Algériens ont manifesté aujourd’hui à travers de nombreuses villes du pays. Malgré la chaleur, les vacances et, pour certains, une nuit passée à célébrer la qualification des Verts en demi-finales de la CAN, la mobilisation était forte.
Pourtant, le pouvoir a tout fait pour réduire le nombre de manifestants, notamment à Alger : barrages filtrants sur les principaux axes routiers, déploiement de véhicules de police sur les principales places qui accueillent les manifestants…Ce vendredi a confirmé une tendance observée depuis déjà quelques semaines : le pouvoir cherche par tous les moyens à réduire la mobilisation et affaiblir le mouvement populaire. Une nouvelle fois, il a échoué.
En face, les Algériens ont répondu avec force ce vendredi. Les slogans ne laissent aucune place au doute. Ils sont les mêmes que ceux scandés depuis maintenant plusieurs semaines. Les manifestants réclament le départ des symboles du régime. Ils réclament « un État civil et non militaire » et rejettent l’organisation des élections présidentielles dans les conditions actuelles avec le même personnel aux commandes du pays.
Ce vendredi, les slogans en faveur de la libération des détenus politiques et pour la liberté de la presse et d’expression ont été nombreux, notamment à Alger. Les manifestants et une grande partie de l’opposition le répètent depuis le départ de Bouteflika : organiser une élection présidentielle dans les conditions actuelles, c’est permettre au régime de se régénérer. Autre enseignement des manifestations de ce vendredi : les centaines de milliers d’Algériens qui sont sortis dans les rues sont déterminés à faire aboutir leurs revendications de manière pacifique.
En face, le pouvoir refuse de faire la moindre concession, même symbolique. Les appels à des mesures d’apaisement lancés par l’opposition et des organisations comme l’ONM ont été accueillis par le maintien en détention, décidé cette semaine, du moudjahid Lakhdar Bouregâa et des porteurs du drapeau amazigh.
Le pouvoir montre même des signes de durcissement dans son discours. Désormais, tous ceux qui contestent sa démarche de sortie de crise sont dénoncés comme des « traîtres ». Il est difficile dans ces conditions d’engager un dialogue, y compris autour de l’organisation de l’élection présidentielle voulue par le pouvoir.
Nous sommes clairement en face d’une situation d’impasse politique. Une situation qui risque de s’aggraver dans les prochaines semaines avec la dégradation inéluctable de la situation économique et sociale.
Ce vendredi, le ministre des Finances a annoncé une nouvelle baisse des réserves de change. Elles ont reculé à 72,6 milliards de dollars à la fin avril 2019, contre 79,88 milliards à la fin de l’année 2018, soit une baisse de 7,28 milliards en quatre mois.
« Le niveau des réserves est relativement satisfaisant, il équivaut à deux années d’importation et il nous permet une marge de manœuvre importante en matière de redressement de la situation financière », a commenté M. Loukal, sans expliquer comment le gouvernement compte gérer la situation. Hormis le blocage des importations qui produisent un effet limité du fait de la structure de nos achats à l’étranger, l’Exécutif semble en panne de solutions. Le recours à l’endettement extérieur sera difficile à éviter dans quelques mois.
À cette fonte des réserves de change, s’ajoute des déficits colossaux du budget de l’État. Là encore, le gouvernement, qui a décidé de mettre fin à la planche, a deux choix : dévaluer le dinar ou recourir à l’endettement extérieur, avec des conséquences certaines sur le pouvoir d’achat des Algériens.
Dans ce contexte, l’activité économique est presque à l’arrêt. Les banques publiques ne délivrent presque plus de crédits aux entreprises privés, par crainte de poursuites judiciaires. L’investissement national et étranger est à l’arrêt. De nombreuses entreprises privées sont confrontés à des difficultés. Elles risquent de fermer et de mettre des dizaines de milliers de salariés au chômage.
Près de cinq mois après le début du mouvement populaire, aucune solution politique ne se dessine. Et on l’a vu ce vendredi : en l’absence de concessions sérieuses de la part du pouvoir, les Algériens ne reculeront pas. La balle est, plus que jamais, dans le camp du pouvoir.