La mobilisation ne faiblit pas. C’est le principal enseignement des marches du trente-cinquième vendredi. À moins de deux mois de la date fixée pour l’élection présidentielle et à une semaine de la clôture du délai de dépôt des candidatures pour le même scrutin, ça commence à devenir inquiétant pour le pouvoir.
Toutes les recettes ayant été essayées sans trop de succès, de la répression, le blocage des accès à la capitale, le black-out médiatique à la diversion, la division et la générosité sociale du gouvernement, reste-t-il autre chose à tenter pour affaiblir le mouvement et le ramener au moins à des niveaux qui permettraient de sauver l’illusion d’un rendez-vous électoral « normal » ?
Hormis un durcissement des mesures déjà décrétées, il reste, hélas, peu de cartes, sinon aucune à abattre. Or, il n’a échappé à personne que le durcissement n’a pas été franchement un allié pour le pouvoir dans sa quête de tordre le cou au mouvement populaire, la montée de la mobilisation après la rentrée s’étant avérée proportionnelle et simultanée aux décisions prises par les autorités pour la faire baisser.
Les Algériens se sont remis à sortir en masse, par dizaines, centaines de milliers ou par millions, peu importe, précisément lorsque furent arrêtés et emprisonnés ceux qui étaient considérés comme les figures de proue du hirak, Karim Tabbou, Samir Benlarbi et Fodil Boumala, entre autres.
Les Algérois ont envahi les rues de la capitale comme ils ne l’avaient pas fait depuis au moins trois mois, le week-end même où les accès de la ville devaient être plus hermétiquement fermés, avec la menace de verbaliser et de saisir les véhicules transportant les manifestants.
Non seulement la manière forte a produit le juste contraire de l’effet escompté, mais elle a surtout ouvert pour le pouvoir un autre front qu’il n’attendait pas, qu’il ne souhaitait pas du moins : la montée au créneau des ONG étrangères pour dénoncer la dérive répressive commence à se faire de plus en plus bruyante.
À propos de bruit, on en a entendu à Alger dans la soirée de jeudi, soit la veille du trente-cinquième vendredi, lorsque les Algérois ont exprimé leur solidarité avec les détenus d’opinion à coup de pilons et autres ustensiles.
Cette manière bien singulière de s’exprimer est certes un affront pour les autorités, pour avoir été utilisée par les Algériens durant la guerre de Libération, mais sa charge est bien plus symbolique. Elle dénote surtout de la discipline du mouvement et de sa capacité à improviser et à adopter d’autres moyens de lutte.
Les perspectives s’annoncent d’autant plus sombres pour la stratégie du pouvoir que la menace de grèves paralysantes se fait plus pesante depuis les appels lancés dans ce sens par un syndicat d’enseignants et la Confédération des syndicats autonomes.
Aussi, la célébration cette année du 1er novembre coïncidera avec un vendredi et des appels sont déjà lancés pour une méga-marche nationale à Alger, comme celle du 5 juillet. Si le plan du pouvoir était d’aller vers une élection avec un hirak réduit à sa plus simple expression, le pari est déjà presque perdu.
Nonobstant le taux d’abstention qui risque d’être très élevé, les candidats déclarés ne sont pas certains de pouvoir animer leur campagne sur le terrain, pas plus que les autorités sont assurées de pouvoir faire face aux tentatives éventuelles d’empêcher le scrutin.