Politique

La monumentale erreur de lecture d’Ali Ghediri

La décision du président Bouteflika prise ce lundi d’annuler les élections présidentielles prévues le 18 avril prochain et les reporter à une date ultérieure a certainement pris complètement de court une personnalité particulière : Ali Ghediri.

En effet, alors que la rumeur se faisait insistante durant toute la journée d’hier indiquant que le président s’apprêtait à faire une annonce cruciale qui s’est avérée être le report des élections, le candidat à la candidature annonçait de son côté sur les réseaux sa décision de nommer Ferhat Aït Ali en tant que… directeur de sa campagne. Une campagne qui n’aura au final jamais commencé et qui n’aura en définitive jamais lieu.

Depuis l’annonce du report, un silence de plomb s’est installé sur et autour M. Ghediri et son équipe. Alors que la population et les différents acteurs notamment ceux de l’opposition ont réagi à l’annonce du président en l’accusant de « manœuvrer » pour se maintenir à travers « un cinquième mandat qui ne dit pas son nom », Ali Ghediri accuse le coup. Le général-major à la retraite, qui avait décidé de « faire tapis » en pariant sur la continuation du processus électoral, se retrouve aujourd’hui en train de perdre tous les jetons faisant sa crédibilité.

Le désaveu est d’autant plus grand que la crédibilité de M. Ghediri sur la scène publique avait été acquise lorsque le chef d’Etat-major, Ahmed Gaïd Salah, avait réagi de manière virulente à une interview que le général-major à la retraite avait accordé au quotidien El Watan, dans laquelle il interpelait publiquement Gaïd Salah sur l’éventualité d’un… report des élections.

« D’après ce qui s’écrit et se dit, certains demandent un report de la présidentielle, d’autres, la continuité. Tous les schémas anticonstitutionnels sont mis sur la table. Connaissant de près le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, je me défends de croire qu’il puisse avaliser la démarche d’aventuriers », affirmait Ali Ghediri le 25 décembre 2018.

« Il peut être conciliant sur nombre de choses, mais lorsqu’il s’agit de la nation, de la stabilité du pays, là il redevient le moudjahid et reprend sa figure de maquisard. Je ne pense pas qu’il puisse faire le jeu de ceux qui sont nourris par des instincts autres que nationalistes », ajoutait-il.

« Je m’interdis d’imaginer que le général de corps d’armée Gaïd Salah puisse permettre à ces gens-là de transcender ce qui est prescrit par la Constitution pour assouvir leur désir, leur instinct et leurs ambitions. Je ne pense pas qu’il puisse trahir sa devise qu’il ne cesse de nous répéter : ‘’Le pays avant tout’’ », concluait M. Ghediri.

La suite des évènements finira par montrer le degré de l’échec d’Ali Ghediri dans sa lecture de la situation de l’Algérie et l’étendue de son erreur dans sa vision de son ancien supérieur. Alors que la lettre annonçant le report était rendue publique, le président Bouteflika recevait au même moment Gaïd Salah dans sa résidence de Zeralda, entérinant le soutien du chef d’État-major à l’interruption du processus électoral.

L’interrogation demeure désormais quant à la suite des évènements pour Ali Ghediri.

Le général-major à la retraite, qui avait rejoint très tardivement le mouvement populaire contre le cinquième mandat au point d’être rejeté par une frange lors des manifestations du 8 mars à Alger, qui avait refusé de discuter avec les acteurs de « l’opposition », qui s’était retenu d’exposer explicitement son projet pour garantir la transparence à des élections présidentielles douteuses qu’il avait pourtant décidé de cautionner en se présentant, se retrouve aujourd’hui acculé politiquement et intellectuellement.

Va-t-il se réinventer ou, au contraire, retomber dans l’anonymat pour vivre le reste de sa retraite en se demandant ce qui aurait pu être fait autrement ? À cette interrogation, seul Ali Ghediri détient la réponse.

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