La Moudjahida Louisette Ighilahriz a annoncé sa démission du Conseil de la Nation, chambre haute du Parlement, en signe de protestation contre le projet du 5e mandat présidentiel.
« Je ne suis pas convaincue de ce mandat, et donc je suis contre. Ce n’est pas le président qui parle, c’est un groupe qui parle en son nom », a-t-elle déclaré, dans une interview accordée à El Watan, ce dimanche 21 octobre.
Mme Ighilahriz a annoncé avoir pris sa décision de quitter le Sénat il y a six mois. « Je la concrétise aujourd’hui. Mon problème est que je ne sais pas à qui je dois la remettre. À celui qui m’a nommée ou à celui qui m’emploie, c’est-à-dire la présidence du Conseil de la Nation ? Moi, en tout cas, je suis démissionnaire à partir d’aujourd’hui (samedi 20 octobre). Ma déclaration est écrite et je la remettrai tout à l’heure (en fin de matinée) », a-t-elle précisé.
Louisette Ighilahriz, 82 ans, était membre du Conseil de la Nation après sa désignation par le président Abdelaziz Bouteflika dans le tiers présidentiel en février 2016. Dans sa lettre de démission, l’ancienne combattante de la Guerre de libération nationale évoque également « un climat anxiogène » au sein du Sénat qui l’étouffe, qui la désoriente et qui l’empêche de prendre des initiatives.
« Après ma désignation dans le tiers, j’ai essayé du mieux que j’ai pu de régler des problèmes. Mais la situation est tellement délétère… Je suis fatiguée. Je garde toutes mes facultés, mais je ne peux pas voter pour quelqu’un d’invisible. Le président est pris en otage. J’ai tout perdu, mais il me reste ma dignité et les principes que m’ont inculqués mes parents. Je ne peux pas mentir. Et je ne peux pas défendre ce mensonge. Au moins qu’il sorte et nous dise : « Votez pour moi ! ». Le président ne se manifeste publiquement qu’une ou deux fois par an et pour de très courtes apparitions de trois minutes », a-t-elle constaté.
« Said Bouhadja est un vrai moudjahid »
Selon elle, le 4e mandat présidentiel finit « très mal » avec l’affaire de la cocaïne (saisie de 701 kg de drogue au port d’Oran fin mai 2018), la mise sous mandat de dépôt des généraux-majors (par le tribunal militaire de Blida) et la présence à nos portes du FMI « parce que les réserve de change ont fondu ».
« Il y a eu certes quelques réalisations, mais nous savons que l’argent est parti à l’étranger, à Paris, en Espagne, à Abu Dhabi et dans quelques banques en Italie », a-t-elle accusé.
Au Conseil de la Nation, Louisette Ighilahriz, l’une des premières combattantes à avoir dénoncé publiquement la torture pratiquée par les militaires français durant la Guerre de libération, a tenté de régler « quelques problèmes sociaux ». « Mais dans ce Conseil, nous sommes, comme a dit l’autre, des soldats de plomb. J’approuve ce constat. Il nous est demandé de marcher sans trop nous poser de questions », a-t-elle dit.
Elle a qualifié d’illégale et d’anticonstitutionnelle la destitution de Saïd Bouhadja de son poste de président de l’APN. « Bouhadja est un vrai moudjahid. C’est lui qui a placé tous ces individus qui s’en prennent aujourd’hui à lui. Moi, je lui apporte tout mon soutien. Il faut cesser cette mascarade », a-t-elle dénoncé.