Politique

La nouvelle aérogare d’Alger otage de la politique

Tout est otage de la politique, même les infrastructures destinées à améliorer le quotidien du citoyen. Cela semble être le cas pour la nouvelle aérogare d’Alger.

Les travaux sont achevés depuis la fin de l’année, mais l’infrastructure n’est toujours pas ouverte aux voyageurs. Pourquoi ? Sans doute parce que le départ inattendu de Bouteflika du pouvoir a tout chamboulé.

L’inauguration de cette réalisation phare du cinquième mandat ne pouvait logiquement échoir à personne d’autre que le président. La fin des travaux avait coïncidé avec la période préélectorale pour le scrutin avorté d’avril, et l’inauguration devait donner lieu à une cérémonie à la hauteur de cet acquis, un aéroport aux standards internationaux, une belle vitrine pour l’Algérie.

L’autre réalisation d’envergure qui devait servir d’argument électoral, c’est la Grande mosquée d’Alger. Même après son renoncement au cinquième mandat, Bouteflika tenait toujours à couper lui-même le ruban. Il y a deux semaines, l’ancien chef du FLN, Amar Saâdani, révélait sur TSA que le dernier vœu du président était d’inaugurer « sa » mosquée et d’y « rester un instant ». Un vœu qu’il n’a pas eu le temps de voir exaucé à cause du retard des travaux et de la conjoncture politique.

Pour l’aérogare, celui qui a piloté le projet depuis le lancement de l’étude en 2012 et le premier coup de pioche fin 2014, le directeur général de la Société de gestion des infrastructures aéroportuaires (SGSIA), Tahar Allache, déclarait à TSA en avril 2018 que l’avancement des travaux se situait entre 90 et 95% et que l’infrastructure allait être ouverte au public, comme prévu, « vers la fin septembre 2018, au plus tard début octobre ».

Trois mois de retard sur la prévision, ce n’est pas un drame dans un pays où des projets de moindre envergure ont traîné pendant des années. Fin décembre, tout était prêt pour que l’aérogare entre en service. L’inauguration était annoncée pour début mars mais la santé de Bouteflika fera un de ces caprices qui ont ajourné bien des rendez-vous importants ces dernières années. Le président était évacué en Suisse le 24 février et il y est resté hospitalisé pendant deux semaines. Le 10 mars il rentre au pays, mais c’était pour annoncer le lendemain l’annulation de la présidentielle et son renoncement au cinquième mandat, sous la pression du mouvement de contestation populaire qui avait entre-temps pris une ampleur inattendue. L’heure est grave pour le cercle présidentiel, le gouvernement et tout le pouvoir. L’heure ne pouvait être aux opérations de com.

Bouteflika a démissionné officiellement le 2 avril et on ne sait toujours pas qui de Abdelkader Bensalah ou de l’instance présidentielle dont on parle prendra en charge l’intérim de la présidence. Le gouvernement nommé par Bouteflika deux jours avant son départ est, lui, toujours en place.

Que compte-t-il faire pour l’aérogare d’Alger ? Plus clairement, laissera-t-on l’honneur de l’inaugurer au futur président élu ? Si telle est l’intention des tenants du pouvoir, cela signifierait que les voyageurs devront se bousculer dans l’exiguïté de l’actuelle aérogare encore au moins trois mois. Ce serait un énorme gâchis et une perte inutile de temps et surtout de ressources.

Le gigantisme de l’infrastructure fait que les pertes induites par sa non-exploitation sont énormes. La nouvelle aérogare, c’est, entre autres, 200 000 m² de surface bâtie (sur quatre niveaux), un parking de 4500 places, un aéroport hôtel 4 étoiles de la chaîne Hayat Regency, des commerces et services en tous genres. Elle est classée, dans le jargon des aéroportuaires, dans la classe A, donc dotée d’une capacité de 10 millions de voyageurs par an, contre six millions pour l’actuelle. Les frais d’entretien, d’éclairage, de gardiennage et autres sont logiquement exorbitants, d’autant que tout le personnel nécessaire à son fonctionnement devrait déjà être en place puisqu’elle était censée être inaugurée il y a un mois.

Au-delà du manque à gagner qui s’aggrave chaque jour pour la SGSIA, c’est aussi un énorme gâchis pour tous les voyageurs contraints de transiter par l’ancienne aérogare et subir encore des délais d’attente trop longs par rapport aux standards internationaux.

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