La situation n’est pas inédite mais elle a provoqué un choc sur les réseaux sociaux où l’on semble vivre vraiment dans une réalité virtuelle. De quoi s’agit-il ?
De la copie d’un « certificat d’indigence » (pauvreté) délivré le 6 mai par la mairie de Béjaïa à un citoyen qui le demandait pour « servir et valoir ce que de droit », selon la formule consacrée. La copie dudit certificat a été publiée sur la page Facebook « Bejaïa sois l’observateur ».
La publication a suscité des centaines de commentaires où la stupéfaction domine. On crie à l’humiliation, à la honte, au déshonneur , au manque de respect des pauvres. Un commentateur, narquois, suggère que l’on délivre le document au maire pour « pauvreté d’esprit ».
A-t-on ainsi raison de crier haro sur l’édile ? Rien de moins sûr parce que la mairie de Bejaïa ne serait pas permise de délivrer un document dont elle aurait l’apanage.
Une facebookeuse se présentant comme une ancienne employée de mairie rappelle que cela existait déjà en 2002 quand elle était en fonction dans cette administration.
En réalité, le « certificat d’indigence » existe depuis la période coloniale et a survécu. La pauvreté en Algérie est une réalité que la richesse pétrolière n’a jamais éradiquée malheureusement. Il suffit de s’éloigner des grands centres urbains pour la voir s’étaler sous la forme d’habitat insalubre, de mendiants, d’enfants mal habillés.
Elle est encore plus manifeste à l’intérieur du pays. Qu’elle soit documentée par un certificat ouvrant droit à des aides sociales n’a rien de choquant. Le dernier rapport de la Banque mondiale sur la situation économique en Algérie évalue à 5,5% le taux de pauvreté dans le pays, dont 0,5% d’extrême pauvreté.
Sur une population de plus de quarante millions d’habitants cela donne au moins deux millions de personnes touchées par le phénomène.
Interrogé par la chaîne Dzaïr News, un adjoint au maire de Bejaïa, Youcef Kadri, a rappelé que le « certificat d’indigence » existe depuis l’indépendance. Il a expliqué qu’il est notamment exigé pour le bénéfice de l’aide juridictionnelle qui permet à un citoyen sans ressource de constituer un avocat. Le défenseur choisi par le bâtonnier est rémunéré par le Trésor public et rémunéré à un niveau bien moins élevé que les honoraires pratiquées.
M. Kadri a expliqué que le certificat d’indigence n’était pas destiné au bénéfice du logement social ou du couffin du ramadan. Autrefois, il était aussi utilisé pour l’obtention d’une bourse d’internat qui permettait aux enfants des familles démunies une prise en charge de leur hébergement et nourriture dans l’établissement où ils étaient scolarisés.
L’administration algérienne n’est pas la seule au monde à délivrer le « certificat d’indigence ». Il existe toujours en France où on peut le demander en mairie au conseil communal de l’action sociale (CCAS). Il permet l’accès à plusieurs prestations sociales. Comme acquérir gratuitement des médicaments. Ou organiser les obsèques des pauvres. La pauvreté n’est pas une honte. Sauf peut-être dans les sociétés où l’on a érigé la corruption en vertu.