De la pluie et de la neige se sont abattues ces derniers jours en abondance sur le nord de l’Algérie qui fait face à la sécheresse depuis plusieurs années. Les régions du centre et de l’est du pays ont été particulièrement arrosées.
En plusieurs endroits, elles ont enfin permis le remplissage des barrages. C’est le cas du barrage Beni Haroun (Mila) où l’Agence nationale des barrages annonce qu’il a atteint son remplissage maximum soit 960 millions de mètres cubes. Est-ce que les risques de tensions concernant l’approvisionnement en eau de ces dernières semaines sont écartés ?
Bien que concentrées sur un laps de temps assez court, ces pluies ont permis le remplissage de nombreux barrages. Ce remplissage est tel qu’au niveau de plusieurs barrages leurs déversoirs ont joué leur rôle en évacuant vers l’aval les excédents d’eau.
Du haut du barrage de Beni Haroun, le spectacle est saisissant. Quelques dizaines de mètres plus bas l’excès d’eau passé par le déversoir s’écrase dans un jaillissement de gouttelettes d’eau.
C’est le cas également du barrage de Tabellout (Jijel) où de Kherrata où son déversoir a pris des allures de chute du Niagara.
L’hydrogéologue Malek Abdesselam de l’université de Tizi-Ouzou égraine sur les réseaux sociaux les cumuls de pluies de différentes régions obtenues par les services de la météorologie.
Ce cumul des pluies entre le 27 et 29 février est élevé. Il est tombé 126 mm de pluie à Jijel alors que la moyenne annuelle est de 925 mm. À Tizi Ouzou les services de la météo ont relevé 113 mm alors que la moyenne est de 720 mm.
Plus à l’Est, il a été relevé 90 mm à Constantine. Cependant, dans l’Ouest de l’Algérie, les cumuls de pluies restent faibles : 27 mm à Sidi Bel Abbès, 10 mm à Tiaret et seulement 7 pour Oran et Mascara.
Concernant le barrage de Taksebt (Tizi-Ouzou), Malek Abdesselam estime une collecte de 30 à 40 millions de mètres cubes à l’occasion des derniers épisodes pluvieux. Photo à l’appui, il signale que le pompage de l’eau à partir du Sebaou vers le barrage est interrompu du fait qu’une partie de la station de pompage est actuellement inondée.
Des pluies bénéfiques
Il s’agit de pluies bénéfiques pour le secteur agricole et en particulier pour les céréales et les pâturages. Dans la wilaya de Tiaret, le prix des bottes de paille est passé de 120 DA à 95 DA du fait que les pâturages aient commencé à reverdir.
Cependant, l’aspect brutal de ces pluies et le fort ruissellement qui s’ensuit limite leur infiltration dans le sol et la recharge des nappes d’eau souterraines.
Un ruissellement d’autant plus limité que dans les wilayas de Béjaïa, Bouira et Jijel de précédents épisodes pluvieux durant le mois de février ont saturé d’eau les sols.
Conséquences, des oueds en crues et des débordements affectant le réseau routier. Un débordement parfois accentué par des branchages et détritus de toute sorte qui se retrouvent charriés par l’eau et qui s’accumulent sous les ponts.
C’est le cas dans la commune de l’Émir Abdelkader (Jijel) où le président adjoint de l’APC confie à Ennahar TV que sur instruction du wali, des travaux de déblaiement ont été immédiatement lancés.
Une telle infiltration n’a lieu qu’au niveau des barrages collinaires et des obstacles pouvant ralentir le flux d’eau tels les gabions édifiés dans des ravins.
Un point positif, en cette saison, le développement de la végétation et la clémence des températures font que la transpiration des plantes et l’évaporation de l’eau du sol sont réduites. Une situation qui pourrait permettre de ré-humecter le sol plus en profondeur en cas de nouvelles pluies après ressuyage des premières couches de sol.
Une eau qui sera utile pour les cultures irriguées telle la tomate industrielle et les arbres fruitiers.
Le remplissage en cours des barrages devrait réduire les craintes observées ces dernières semaines quant à l’adduction en eau potable de certaines villes de l’intérieur du pays.
Au mois de février, le phénomène de “citernage“, cet approvisionnement d’habitations par citerne, s’est accentué dans certaines wilayas comme c’est le cas à Tiaret au grand dam des autorités de wilaya. Des usagers ne recevant de l’eau qu’une fois tous les 5 jours avaient eu recours à l’achat de citernes d’eau.
Dans plusieurs wilayas, en quelques heures les oueds se sont transformés en torrents charriant des eaux de couleur marron car emportant avec elles le limon et les particules d’argiles arrachées au sol. Des particules qui se déposent en fin de course dans les barrages et contribuent à leur envasement.
La pluie et la neige s’abattent sur le nord de l’Algérie : des barrages bien remplis
À la perte de la capacité d’emmagasinement de l’eau de ces barrages s’ajoute chaque année la perte de centaines d’hectares de terres agricoles du fait de cette érosion hydraulique.
Un phénomène que tentent de freiner les services des forêts par la plantation d’arbres à proximité des barrages. Cependant, pour venir à bout de cette insidieuse perte des capacités agricoles, seules des mesures drastiques peuvent enrayer ce phénomène d’autant plus qu’il s’agit de faire face à des pluies au caractère torrentiel.
Il s’agit d’assurer la protection de la couverture végétale des sols mise à mal par le surpâturage, de planter des haies en bordure des champs et d’éviter le labour sur les sols en pente.
Ce type d’action ne peut être mis en œuvre que par la sensibilisation des agriculteurs et l’instauration de subventions et d’aides aux populations rurales vivant de l’élevage pour les services écologiques rendus à la société.
En effet, les coûts de désenvasement d’un barrage sont bien plus élevés que les montants qui pourraient être alloués aux populations rurales vivant sur les bassins versants les plus soumis à l’érosion.
Ces fortes pluies ont parfois provoqué des inondations. C’est le cas dans la wilaya de Sétif et de Jijel où l’intervention des services de la Protection civile a permis de porter assistance aux personnes dont l’habitation était cernée par les eaux.
À Annaba des champs de blé sont sous l’eau de même qu’à Jijel où des vergers et des cultures maraîchères situées à proximité de cours d’eau ont été inondées.
Ces cultures installées sous serres ou sous tunnel plastique ont subi des dégâts considérables qui ont amené les agriculteurs concernés à réclamer une aide dans la mesure où la saison agricole est en partie compromise alors qu’il leur faudra rembourser les dépenses engagées pour l’achat de plastique, semences et engrais.
Le bilan de ces dernières pluies est donc globalement positif. Reste à voir ce que sera ces prochains jours la pluviométrie à l’ouest du pays et surtout durant le printemps.