Abdelkader Bensalah a adressé hier dimanche un discours à la nation, le deuxième depuis sa désignation comme président par intérim, pour appeler à la tenue d’un dialogue « intelligent et constructif » devant préparer les « conditions appropriées » pour l’élection présidentielle dans « les délais convenus ».
Le chef de l’Etat a évité d’évoquer, dans la brève allocution diffusée au JT de 20H00 de l’ENTV la date du jeudi 4 juillet 2019, retenue pour l’organisation de la présidentielle.
Mais, il a précisé que l’élection est « la seule à même de permettre au pays de sortir définitivement et durablement de l’instabilité politique et institutionnelle ».
Donc, d’une part, Bensalah a insisté sur le caractère important du scrutin et, de l’autre, conditionné sa tenue par le dialogue. Or, le chef de l’Etat a déjà fait une tentative de dialogue qui a échoué. Le 22 avril, la salle du Palais des nations au Club des pins était presque vide. Elle devait accueillir des « consultations politiques » organisées par la présidence de la République. Des consultations boycottées par les partis et par la société civile. Bensalah lui-même n’a pas assisté aux travaux vite expédiés de ces consultations. Il n’a même pas réagi à l’absence de la classe politique. Comment alors expliquer qu’il relance le projet du dialogue alors que son précédent appel n’a pas été entendu ?
Dialogue avec qui, quand et comment ?
Bensalah n’a pas précisé la forme que devra prendre « le dialogue intelligent » qu’il entend organiser. Avec qui, quand, où et comment ?
Il a juste indiqué que les modalités d’organisation, de contrôle et de supervision de l’élection présidentielle dans toutes les phases de préparation, de déroulement et de dénouement doivent être « au cœur de ce dialogue et faire l’objet d’un large consensus ».
Or, il existe deux contraintes majeures devant ce projet aux contours flous. D’abord, le temps. Il ne reste à Bensalah à la présidence que deux mois, selon ce qui est prévu dans l’article 102. Le président par intérim a consommé un tiers de la période qui lui est impartie sans convaincre la classe politique de la justesse de son projet politique.
La deuxième contrainte est le refus massif des Algériens de la tenue de la présidentielle. Des Algériens qui, chaque vendredi, réclament dans les marches le départ de tous les symboles du régime dont les deux « B », Abdelkader Bensalah et Noureddine Bedoui. Comment alors « organiser » un dialogue et avoir « un large consensus » alors que la rue ne veut ni des élections ni des dirigeants ? Un véritable casse-tête. Bensalah, sur les routes de la politique depuis plus de quarante ans, ne peut pas ignorer cette situation compliquée.
Bensalah et Gaid Salah, même discours
Pour lui, un président de la République « issu d’une élection incontestable aura toute la légitimité nécessaire et toutes les prérogatives requises pour concrétiser l’aspiration profonde au changement et satisfaire l’ensemble des revendications populaires légitimes. Faire prévaloir cette démarche rationnelle et de bon sens, c’est faire prévaloir l’intérêt supérieur de la Nation ».
Il reprend en cela les propos du général de corps d’armée, Ahmed Gaid Salah, vice-ministre de la Défense et chef d’état-major, exprimés le 23 avril dernier à Blida.
« Le peuple algérien est souverain dans ses décisions, et c’est à lui qu’il appartient de trancher la question lors de l’élection du nouveau président de la République, qui aura la légitimité requise pour satisfaire le reste des revendications populaires légitimes », a soutenu Gaid Salah.
Bensalah reprend également avec d’autres mots les déclarations de Gaid Salah sur le dialogue faites le 1er mai à Biskra. « Je demeure entièrement convaincu qu’adopter le dialogue constructif avec les institutions de l’Etat est l’unique moyen pour sortir de la crise (…) la voie la plus judicieuse pour présenter des propositions constructives, rapprocher les points de vue et atteindre un consensus autour des solutions disponibles », a déclaré le chef d’état-major de l’ANP.
Bensalah, dont le mandat est limité, tente donc de donner un contenu politique à la feuille de route du commandement de l’armée. Que se passera-t-il si le dialogue « intelligent et constructif » n’ait pas lieu dans « la forme consensuelle » voulue ?
Le pouvoir transitoire actuel donne l’impression de chercher péniblement une issue de secours en insistant sur le dialogue comme préalable à la tenue de la présidentielle. La non-tenue du dialogue peut entraîner le report du scrutin ou du moins justifier la non-organisation du vote « aux délais convenus » par « absence » de consensus national.
On laissera alors le temps au dialogue de s’organise et à la classe politique et la société civile d’adhérer selon leurs conditions.
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