« Espagne meurtrie », « déchirure profonde » : à Madrid comme à Barcelone, la presse espagnole soulignait lundi la gravité de la situation après le référendum d’autodétermination de dimanche, fustigeant l’attitude des dirigeants séparatistes catalans comme celle du gouvernement central.
Le quotidien de gauche El Pais voit dans les événements de dimanche « une déroute pour notre pays (…) pour le destin de notre démocratie et pour la stabilité et l’avenir du système de coexistence que nous nous sommes donnés il y a près de quarante ans », référence à la Constitution de 1978 adoptée trois ans après la mort du dictateur Francisco Franco.
Le journal dénonce à la fois « l’arrogance xénophobe » du président régional catalan Carles Puigdemont et « l’incapacité absolue de Mariano Rajoy à gérer le problème depuis le début de la crise ».
Le journal reproche au dirigeant conservateur de l’Espagne de ne pas avoir entrepris de réforme de la Constitution ou du statut des régions ces dernières années.
« Rajoy a déclaré que (le référendum) était un échec, mais sa stratégie d’attendre d’abord et d’envoyer la police ensuite s’est révélée être un échec peut-être pire », estime également le quotidien de centre-droit madrilène El Mundo.
Même le quotidien conservateur ABC critique la stratégie de M. Rajoy : « il est très difficile d’affirmer que les violents incidents d’hier auront un coût moindre que celui qu’aurait eu l’application à temps de l’article 155 de la Constitution », qui permet de suspendre l’autonomie de la Catalogne.
Il estime néanmoins que « l’emploi de la force a été légitime, proportionné et nécessaire ». Pour le journal, l’objectif des dirigeants catalans n’était pas de « célébrer un référendum mais provoquer une occupation des rues catalanes (…) pour chercher la confrontation avec l’Etat et fracturer la Catalogne ».
« Il n’y a jamais eu en Catalogne de référendum digne de ce nom parce qu’il était illégal », soutient-il.
Une opinion partagée par le grand quotidien catalan La Vanguardia : « il n’y a pas eu hier de référendum digne de ce nom en Catalogne ».
Pour autant, « la déchirure est profonde. La situation est grave. (…) Nous avons tous perdu », poursuit le quotidien, qui voit dans cette « désolation » le prix à payer pour la politique de M. Rajoy, « dirigée vers ses électeurs dont une bonne partie réclamaient la méthode forte, mais « jamais assortie de proposition de dialogue alternative ».
Après ce qu’il s’est passé dimanche, « quelqu’un croit-il réellement que l’indépendantisme en sorte affaibli? Pire, d’autres journées très dures et d’autres épisodes de tension nous attendent », écrit le directeur de la Vanguardia Marius Carol.
Les journaux madrilènes critiquent aussi vivement l’attitude de la police régionale catalane, les Mossos d’Esquadra, qualifiée de « trahison » par ABC et El Mundo.
« Si les Mossos, comme ils en avaient reçu l’ordre, avaient empêché l’ouverture des bureaux de vote (…) cette tâche n’aurait pas dû être exécutée ensuite par la police (nationale) et la Garde civile, et cela nous aurait évité une grande partie des scènes lamentables qui ont fait le tour du monde », affirme El Pais.
Le quotidien catalan El Periodico prévoit à court terme une « proclamation unilatérale de la République catalane » et une « réponse ferme de l’Etat » dont « l’ensemble des Catalans et les institutions qui permettent l’autonomie de la région » paieront les conséquences.