Une jeune princesse saoudienne, fortement marquée par ses années passées au Japon, est le nouveau visage de la mode dans le royaume ultraconservateur, théâtre de réformes sociétales qui suscitent autant d’espoir que de scepticisme.
Noura bent Fayçal Al-Saoud, arrière-petite-fille du fondateur de l’Arabie saoudite, a été nommée en décembre présidente d’honneur de l’Arab Fashion Council (Conseil de la mode arabe) et a supervisé mi-avril la première Arab Fashion Week de son pays.
Foulard sur les cheveux, la princesse qui fête ses 30 ans dimanche, apparaît chaleureuse, éloquente et élégante.
Une image qui correspond à l’Arabie saoudite de demain voulue par le prince héritier Mohammed ben Salmane mais considérée par certains comme une simple vitrine dans l’un des pays les plus conservateurs au monde.
« Je comprends parfaitement le point de vue des gens », affirme la princesse Noura dans un entretien à l’AFP à Ryad. Mais « l’Arabie saoudite a des liens très forts avec sa culture. En tant que femme saoudienne, je respecte ma culture, je respecte ma religion ».
« Porter l’abaya ou s’habiller de façon conservatrice, si vous voulez l’appeler comme ça, est quelque chose qui fait partie de ce que nous sommes. Cela fait partie de notre culture (…) c’est notre façon de vivre, même en voyageant. »
Le jeune prince héritier a entrepris depuis l’an dernier de profondes réformes sociétales, permettant notamment aux femmes de conduire à partir de juin 2018 et laissant entendre que le port de l’abaya, un habit noir recouvrant tout le corps, pourrait ne plus être obligatoire.
– « La femme convenable » –
Lancée le 11 avril avec deux semaines de retard, l’édition saoudienne de l’Arab Fashion Week a réuni de grands noms européens comme Jean-Paul Gaultier ou Roberto Cavalli, et des créatrices locales comme la Saoudienne Arwa Al Banawi, dont la marque « The Suitable Woman » (« La femme convenable ») est très appréciée dans la région, ou encore sa compatriote Mashael Alrajhi, avec certaines créations s’affranchissant des différences de genre.
L’évènement, organisé par l’Arab Fashion Council, a suscité une attention internationale. Il a été perçu comme un moment significatif dans le processus saoudien de réformes, mais a aussi été critiqué parce qu’il a été réservé aux femmes et interdit aux caméras.
Pour la princesse Noura, l’accès limité fait « partie des restrictions que nous devons respecter dans le cadre de notre culture ».
« Nous voulons que tout le monde participe », dit-elle, affirmant comprendre que « certaines femmes, la plupart même », se sentent plus à l’aise sans la présence d’hommes.
Les seules images de l’évènement ont été prises par les photographes de l’Arab Fashion Council et publiées après approbation de l’Autorité générale du divertissement en Arabie saoudite.
– Abaya-kimono –
Diplômée de l’Université Rikkyo de Tokyo avec un Master en commerce international, la princesse dit que le Japon a eu une influence majeure sur sa vie. « C’est là-bas que mon amour pour la mode est né ».
« Je pense que j’ai emporté avec moi beaucoup de choses du Japon en Arabie saoudite (…). Le respect des autres, de la culture des autres et de la religion des autres ».
L’influence culturelle de l’Asie est visible à Ryad où le croisement entre le kimono et l’abaya gagne en popularité parmi les jeunes amateurs de mode.
La « ready couture », à mi-chemin entre la haute couture et le prêt-à-porter, a également explosé dans la région grâce notamment à la montée en puissance des réseaux sociaux, et l’Arabie saoudite veille de près sur ce marché prometteur.
« La haute couture n’est plus abordable pour beaucoup de gens », explique la princesse Noura. « De nos jours, les gens se concentrent davantage sur le prêt-à-porter, que tout le monde peut s’offrir ».
Elle a également l’ambition d’introduire la fabrication textile en Arabie saoudite où les autorités souhaitent autant que possible affranchir l’économie locale de sa dépendance au pétrole.
« Même s’il ne s’agit que de 10% de la chaîne de fabrication (…), nous pouvons effectuer la finition, les dernières étapes de l’assemblage, en Arabie saoudite », soutient la princesse.
« Je crois que nous pouvons faire quelque chose d’incroyable ».