CONTRIBUTION. Nous voilà à la croisée des chemins au sens historique du terme. Un « Peuple » qui demande de manière quasi unanime et avec force le départ du « système », mais sans violence, et avec un civisme jamais observé par ailleurs, qui a d’abord surpris le monde entier avant de susciter l’admiration et la sympathie de tous les peuples pour finir comme sujet de recherche dans les plus prestigieuses institutions de réflexion et de recherche.
Un « système » qui finit par se réfugier derrière une disposition constitutionnelle savamment sélectionnée dans le seul objectif de garder la main sur une transition qu’il pourra orienter à sa guise. Il pourra –et pourquoi pas- utiliser le temps de la transition pour se régénérer et sauver sa pérennité, alors que la solution idoine dans le contexte actuel se trouve dans les articles 7 et suivants, textes fondateurs de la Constitution et dont l’essence reconnaît le « Peuple » la qualité de détenteur de l’autorité souveraine.
La réponse est dans la célèbre Kacida de Belkacem Echabbi :
إذا الشّعبُ يَوْمَاً أرَادَ الْحَيَـاةَ فــلا بــدّ أن يســتجيب القــدرْ
ولا بُـدَّ لِلَّيـْلِ أنْ يَنْجَلِــي وَلا بُدَّ للقَيْدِ أَنْ يَـنْكَسِـر
La crise de notre pays n’est pas juridique : elle est politique
Toute tentative de recherche d’une solution juridique stricto sensu relève du « juridisme » ou pire, de la « manœuvre dolosive » et non du « Droit ».
La revendication du peuple est claire ; la solution doit être aussi claire : radicale, politique et rapide :
1. En attendant la mise en place des institutions issues de la nouvelle constitution adoptée par référendum populaire, la gestion du pays sera confiée à une présidence collégiale de transition en nombre impair choisie de manière consensuelle par le peuple que nous pourrons appeler « la Présidence Collégiale de Transition » qui aura, comme son nom l’indique, la charge d’organiser et d’accompagner la transition au sens le plus large du terme, vers la mise en place de la Nouvelle République Algérienne réellement démocratique et réellement populaire. Toutes les activités des institutions actuelles seront suspendues jusqu’à l’adoption de la nouvelle constitution. L’ex président Liamine Zeroual pourra diriger « la Présidence Collégiale de Transition » en raison de son parcours, aussi bien avant qu’après 1962. Les cadres qui ont eu à le rencontrer ou à collaborer avec lui reconnaissent le patriotisme et l’honnêteté. A ce titre, il mérite la confiance du Peuple qui pourra même lui concéder le pouvoir de choisir les autres membres de la « la Présidence Collégiale de Transition »
2. Le président de « la Présidence Collégiale de Transition » devra être obligatoirement ministre de la Défense.
3. Cette « Présidence Collégiale de Transition » sera investie des pouvoirs exécutif et législatif. C’est elle qui aura la charge de nommer le ministre de la justice, Garde des Sceaux avec rang de Ministre d’Etat, dont la mission prioritaire sera la lutte contre la corruption et les détournements des biens publics, mais en veillant au strict respect de la loi et des droits fondamentaux des citoyens.
4. Le gouvernement de transition sera désigné par la « la Présidence Collégiale de Transition » et responsable devant lui. Il sera composé pour moitié de personnalités d’expérience et de technocrates dont la compétence est avérée dans la gestion des affaires de l’Etat et pour moitié de jeunes cadres, femmes et hommes, issus du mouvement citoyen. Bien que transitoire, le gouvernement gèrera toutes le affaires de l’Etat dans le sens des aspirations du peuple et donnera l’exemple en matière de patriotisme et de bonne gouvernance.
5. La « la Présidence Collégiale de Transition » aura le pouvoir de nomination et de révocation des cadres supérieurs de l’Etat.
6. Les affaires de l’Etat étant prises en charge par ailleurs, la période de transition proprement dite sera consacrée aux débats, à l’adoption et à la mise en place des institutions prévues par la nouvelle constitution. Cette transition sera la synthèse de l’« Agora » grecque et de « Dar El Hikma » abbasside.
7. La transition, dont la durée ne saurait excéder les 24 mois, s’achèvera obligatoirement avec la transmission du pouvoir aux institutions issues de la nouvelle constitution.
Toutes les personnes ayant exercé des fonctions supérieures au sein des institutions transitoires ne pourront plus être nommés à des fonctions supérieures de l’Etat ou être élus dans les assemblées locales ou nationales. C’est une précaution nécessaire pour assurer leur probité morale et la mise de leur action au service exclusif du Peuple et de l’Algérie.
Cette contribution a été volontairement limitée à l’essentiel et ne constitue nullement une panacée. La période de transition doit être organisée de sorte à renouer avec le débat constructif, dont nous avons oublié le mode d’emploi depuis longtemps. Que chacun selon ses moyens propres apporte sa contribution pour que l’indépendance confisquée soit restituée au Peuple algérien.
*Ahmed Ridha BOUDIAF est Avocat.