Le mouvement populaire de rejet du pouvoir ne s’essouffle pas et continue d’aller crescendo.
Alors que beaucoup s’attendaient à ce que les Algériens soient « satisfaits » de l’appel du chef d’état-major de l’ANP à appliquer l’article 102 de la constitution et à ce qu’ils soient moins nombreux dans les marches, voilà que ce sixième vendredi démontre, une bonne fois pour toutes, que la rue algérienne est imperturbable et étanche à toutes les manœuvres de diversion et aux demi-mesures proposées par le pouvoir.
Assemblée nationale populaire urbaine
Lors de ce sixième vendredi de manifestations nationales pour le départ du pouvoir, les Algériens ont encore une fois marché par millions, cette fois-ci pour dire « non! », pour la plupart, « oui, mais » pour certains, à l’appel de Gaid Salah à destituer Bouteflika pour raison médicale.
« Nous demandons l’application de l’article 7 de la Constitution », « Le peuple est source de tout pouvoir », « Trop tard pour l’article 102 », « Yetnahaw gaâ! » (ils partiront tous!), ont scandé et inscrit sur leurs banderoles les Algériens ce vendredi.
Après avoir rejeté et fait avorter par ses manifestations le projet du cinquième mandat de Bouteflika, après avoir, de la même façon, rendu impossible le prolongement du quatrième mandat et l’organisation d’une phase de transition « gérée par la maison », après avoir rendu caduque la désignation du duo Bedoui-Lamamra à la tête d’un gouvernement jusqu’à ce jour inexistant, le peuple algérien, est sorti encore une fois pour dire non à l’article 102 et au détournement de son mouvement.
Il a, depuis plus d’un mois, mis en échec toutes les tentatives de contournement de sa volonté, en insistant de plus en plus sur la nécessité de « dégager » tout le régime. Il a, au fil des semaines, élevé son seuil de revendication, isolant le pouvoir et réduisant de plus en plus sa marge de manœuvre. Il a aussi imposé sa vision « dégagiste » à tous les partis de l’opposition.
Après ce sixième vendredi, le pouvoir est affaibli mais encore en place, Bouteflika est toujours président, mais au vu des progrès qu’il a imposés et des concessions qu’il a arrachées, il est clair que le peuple exerce déjà ne serait-ce qu’une partie de sa souveraineté par la rue.
« Leblad bladna ou ndira rayna! » (Ce pays est le nôtre et nous y faisons ce que nous voulons!), est un slogan inventé récemment. Il a été un de ceux qui ont été le plus scandés à Alger et dans tout le pays ce 29 mars, comme pour proclamer cette souveraineté retrouvé par le peuple.
C’est devenu une routine. Depuis le 22 février, le pouvoir émet des propositions pendant la semaine, en fait la promotion et essaie de les « vendre » du mieux qu’il peut et le peuple sort chaque vendredi pour donner sa réponse qui a été par six fois « non! ».
Les manifestations de vendredi deviennent, par la force des choses, le lieu où le peuple algérien exerce sa souveraineté. La rue devient une véritable assemblée nationale populaire et urbaine. Les rues des villes du pays sont devenues des agoras et les manifestations des ecclésias, ces assemblées des citoyens pendant lesquelles étaient prises les décisions politiques.
Dans cette assemblée hebdomadaire du peuple qui se tient dans toutes les grandes villes du pays, tous les courants politiques, idéologiques, toutes les tendances sont présentes. Comme lors de ce sixième vendredi, où la réponse à la proposition de Gaid Salah allait du non franc et total d’une majorité d’Algériens au « oui mais à condition » d’autres. Mais le « système dégage » scandé unanimement par les manifestants fait que es divergences ne concernent que la forme que devra prendre ce départ de tout le pouvoir.
Le départ réel et total du pouvoir est un objectif que ne perdent pas de vue les millions de manifestants qui sortent chaque vendredi partout en Algérie. Après six semaines d’une révolution pacifique inédite à travers le monde, rien n’est encore acquis, le pouvoir essayera surement de nouvelles demi-mesures, de nouvelles manœuvres de diversion seront encore tentées mais il est à parier qu’elles seront de nouveau déjouées.
Zeroual qui est pressenti comme la nouvelle carte maîtresse d’une partie du pouvoir ou de cercles occultes est, parait-il arrivé à Alger vendredi soir mais, même s’il a des chances d’être accepté par une partie des Algériens comme président de transition, le plan qu’il sert risque lui aussi d’être mis en échec s’il s’avère différent de ce que veut le peuple : le départ total du régime. Elle n’est donc pas près de s’arrêter, cette routine faite de jours de semaine où le pouvoir propose et de vendredis où le peuple dispose.
Sur le même sujet :
Le mouvement gagne en ampleur : les Algériens sont déjà dans l’après-système
Sixième vendredi de protestation : « Appliquons l’article 7 »
Les Algériens réconciliés contre Bouteflika
Ni Zeroual ni Bensalah, l’Algérie a besoin d’une vraie transition avec de nouvelles figures