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La solution à deux États : illusion ou réalité*

La solution à deux États : illusion ou réalité*

Dr Rachid Tlemçani, Professeur des universités
Dr Rachid Tlemçani, Professeur des universités

TRIBUNE. La guerre génocidaire en cours dans l’enclave de Gaza a actualisé la solution à de deux Etats, un Etat Israélien évoluant  aux cotés  de l’Etat palestinien  indépendant et viable ayant pour capitale Al Qods (Jérusalem-Est).

La liste des gouvernements reconnaissant l’Etat palestinien n’a cessé de s’allonger au fil des guerres israélo-arabes. Au 28 mai 2024, l’Etat palestinien est reconnu par 147 Etats sur 193 que comptent  les Nations Unies.

Trois Etats Européens, notamment  la Norvège, l’Irlande et l’Espagne,  viennent de reconnaitre la Palestine. Il y a aussi 21 organisations internationales qui reconnaissent le statut étatique à la Palestine.

La  France, curieusement l’amie des Arabes, n’a pas jugé utile de reconnaitre l’Etat palestinien. C’est une constance de la position française de dire qu’on reconnaîtra la Palestine au moment opportun.

La France temporise au risque de manquer une chance historique pour faire bouger les lignes. Ce momentum ne sera pas de  sitôt. La France sous le président Emmanuel Macron a tout simplement aligné sa politique extérieure sur celle des Etats-Unis.

L’influence française dans le monde, notamment dans son pré-carré africain, ne pouvait que se rétrécir. Israël via le Marocest en train d’occuper le vide géostratégique. Ce mini-Etat, sur de lui-même  et dominateur,  joue désormais  dans la cour des grands.

Plus problématique encore, les cheikhs arabes n’ont pas jugé utile d’exercer de pression sur la  France ou les Etats-Unis pour la reconnaissance de l’Etat palestinien. L’achat  deséquipements militaires et sécuritaires de portée stratégique est plus avantageux qu’un soutien  indéfectible à la cause palestinienne.

La technologie militaire de la dernière génération est  un gage sécuritaire, interne et régional. Les dirigeants des pays arabes qui ont normalisé leurs relations avec Israël pensaient que la question palestinienne était  «définitivement enterrée» dans le nouvel ordre sécuritaire régional.

Les Palestiniens  ne  joueraient ainsi plus aux «troubles fête» à l’ouverture  à «l’occidentalisation» opérée avant d’avoir procédé au préalable, comme dirait Mohammed Arkoun,  à un examen critique en profondeur du modèle islamique lui-même.

La guerre les a dissuadés à suspendre au moins temporairement leurs relations. Bien au contraire, leurs  relations commerciales et sécuritaires ont continué à s’intensifier au dépens au soutien palestinien.

Le carnage des Palestiniens  a atteint  entre temps un degré d’atrocités et sauvagerie  inédit. L’Algérie fidèle à sa tradition  demeure l’un des rares pays de la région à soutenir inconditionnellement la cause palestinienne.

Le président de la République a affirmé que «ce que subit le peuple palestinien, notamment dans la bande de Ghaza, par l’occupation israélienne, depuis plus de six mois, est une guerre de génocide». Le soutien aux Palestiniens est plus fort  au Maghreb qu’au Proche et Moyen Orient.

Israël ne conçoit pas le territoire comme un simple espace géographique mais comme un pouvoir stratégique (Michel Foucault). L’Etat hébreu  parvient à agrandir son espace vital après  chaque guerre ou conflit armé avec ses voisins.

Une stratégie socio-spatiale de conquête est mise méthodiquement en mouvement avant même la mise en branle du processus de nettoyage ethnique des palestiniens dans les années 1940 (Ilan Pappe).

L’expansion territoriale est consubstantielle au mouvement sioniste, toutes tendances confondues. Le processus de spoliation est mis en branle avant même l’institutionnalisation de l’Etat juif, un Etat unique dans la typologie des Etats modernes (Rachid Tlemçani).

Ce constat nous aide à mieux cerner le phénomène du sionisme/Etat juif qui est examiné dans un paradigme idéologique. Il serait plus pertinent et heuristique d’examiner ce phénomène dans une nouvelle approche qui doit se conformer à la rigueur des Sciences Sociales et Humaines au même titre que les autres systèmes politiques.

La conquête militaire

Historiquement, la terreur a été de tout temps l’instrument privilégié  dans la conquête coloniale. «Enlèvement, exécutions sommaires, assassinats purs et simples, torture et agressions sexuelles produisent Metrus atrox, une «peur terrible» (Benjamin  Brower). La conquête  militaire est une suite ininterrompue de meurtres de masses qui ont indistinctement visé les populations civiles. La conquête militaire française en Algérie a décimé  un tiers de la population totale, entrainant un véritable «désastre démographique» (Hosni  Kitouni). Israël a expulsé manu militari plus de 750 000  palestiniens de leurs terres et domiciles entre 1947-1949.  Plus de 400 villes et villages sont  détruits et  plus de 80 massacres commis.  Comme enjeu crucial, il fallait à tout prix vider la Palestine centrale de ses populations pour installer les nouveaux arrivants en Terre promise. «Le droit souverain  de tuer n’est soumis à aucune règle dans les colonies» (Achille Mbembe). 

La déclaration de Belfour 

Face aux persécutions antisémites et aux pogromes en Europe de l’Est  et ailleurs, le mouvement sioniste, toutes tendances confondues, avait pour objectif le transfert de population de la diaspora en Palestine.

Cette terre ancestrale appartenant de droit divin à Eretz Israël, selon le discours sioniste, était «une terre vide pour un peuple sans  terre».

Pour Theodore Herzl, fondateur et principal dirigeant du sionisme, un Etat juif souverain était l’objectif fondamental du mouvement. La bible est considérée, dans la pensée sioniste,  comme un livre d’histoire. Tout israélien  croit que le peuple  juif existe depuis qu’il a reçu la Torah.  

Historiquement, la diaspora juive ne naquit pas de l’expulsion des hébreux de Palestine, mais de conversions successives en Afrique du Nord, en Europe du Sud et au Proche-Orient (Shlomo Sand).  Theodore  Herzl, le fondateur du sionisme, n’a-t-il pas proposé en 1903, avant la publication de la Déclaration de Balfour, l’établissement d’une  implantation juive au Kenya, connu sous le nom de projet Ouganda?

Le  2 novembre 1917,  le gouvernement mandataire de la Palestine, dans un court texte de 67 mots,  appelé «Déclaration de Balfour», décide unilatéralement  d’octroyer «un foyer national au peuple juif».

La Déclaration est la lettre envoyée par le ministre britannique des affaires étrangères, Arthur Balfour, au baron Lionel Walter Rothschild, financier du mouvement sioniste. 

La lettre  précise que «les droit civils et religieux» seront respectés mais il ne sera jamais question des droits politiques des Palestiniens. Les indigènes  sont ici désignés en tant que «communautés non juives», ils n’obtiennent pas, contrairement aux juifs, de reconnaissance politique.

La Déclaration est  un des documents diplomatiques les plus importants de l’histoire moderne du Moyen-Orient. Ce document constitue une grande avancée pour le sionisme politique qui obtient une garantie juridique internationale qui lui servira de faire-valoir à légitimer la création de l’Etat Hébreu (Lisa Romeo).

Une correspondance entre un homme politique et un banquier qui n’a aucune force de loi est  considérée comme le texte constitutif de l’Etat juif. Une  simple lettre a contribué à mettre  en branle une dynamique conflictuelle qui n’a pas cessé  de bouleverser le MENA et les autres régions géopolitiques.

Après la défaite de l’Empire ottoman, la Société des nations confie en 1920 au Royaume-Uni un mandat sur la Palestine.

La  décision  de partage de la Palestine  trouve sa première expression dans plusieurs propositions au cours de la période 1920-1948. La proposition de création d’un Etat fédéral ne fut pas acceptée.

Curieusement plusieurs groupes, juifs et palestiniens, sont  entrain aujourd’hui d’examiner cette proposition comme solution pour l’après-Gaza. Le Conseil de sécurité adopta finalement  la proposition de deux Etats bien qu’on était conscient qu’elle ne réglerait pas le problème.  

La résolution du 29 novembre 1947 est  adoptée par un vote au nombre inférieur au deux tiers exigé réglementairement. L’assemblée générale des Nations Unies était constituée seulement de 59 Etats, le reste du monde, le Tiers Monde, absent,  était sous domination coloniale européenne. La Grande Bretagne qui a intrigué avant même  l’attribution du mandat de la Palestine  s’était finalement abstenue tandis  que la France  avait voté pour le partage.

La partition avait créé unilatéralement un Etat juif sur une superficie de  56 %,  un État arabe,  42 % et la ville d’Al Gods, 2 %.  La population totale de Palestine était composée pour deux tiers d’Arabes et un tiers de Juifs.

Le plan fut accepté avec empressement  par l’Agence  juive mais rejeté par les Etats arabes avec indignation sans présenter d’alternative crédible et pratique. Le plan de partage de 1947 est  établi de telle sorte  que son application entravera la libre circulation des populations.

Le partage constitue  une importante étape dans le   «vol de l’histoire» des palestiniens pour ne pas citer le titre de l’ouvrage de Jack Goody. Cette partition à laquelle les palestiniens n’ont pas pris part est l’imposture la plus scandaleuse du XX ème siècle. Dès  le début, le jeu était pipé, ‘El rakba mailya’, comme dirait le dicton populaire algérien.

La résolution 242 a activé cette tromperie en lui fabricant un consensus international. Il n’est plus aujourd’hui question de se référer à la résolution de 1947 mais à celle de 1967. Le conflit israélo-palestinien n’est pas contextualisé comme la condamnation sans équivoque de l’attaque du 7 octobre 2023 par les groupes armés palestiniens sous la houlette de HAMAS l’illustre  fort bien aujourd’hui.

Certes, «From the river to the see», le slogan phare du mouvement palestinien des années 1960 et 1970, a donné un grand espoir à «la rue arabe». Toutefois, la déconstruction du fait colonial et du sionisme ne peut pas être un instrument de propagande populaire.  Une analyse rigoureuse sans complaisance idéologique s’impose aujourd’hui plus qu’hier.

La construction d’un État colonial singulier

En Suisse en aout 1897, lors de la  tenue du premier congrès sioniste mondial,  Theodore  Hertz a affirmé: « A Bâle, j’ai créé l’Etat juif. Si je disais cela aujourd’hui publiquement, tout le monde se moquerait de moi. Dans cinq ans peut-être, dans cinquante ans sûrement, tout le monde acquiescera ».

Cet Etat fut créé comme  prédit alors que l’Etat palestinien reste une illusion  aujourd’hui plus que hier. Les Palestiniens resterons probablement l’un de rares peuples sans Etat-nation.  

Avant même le partage de la Palestine, les groupes armés, Irgoun et Lehi, utilisaient  la terreur comme une arme privilégiée  pour faire fuir les Palestiniens de leurs terres et maisons.

Une «Tour et Enceinte», une stratégie de colonies, est déjà élaborée dans les années 1930. Elle a édifié 188 colonies et villages des frontières de la Palestine centrale (Hervé  Amiot).

D’autres  programmes sont aussi mis en application pour loger les nouveaux arrivants. Depuis, les colonies poussent comme des champignons jusqu’à nos jours.  

Le  contrôle territorial  s’accompagne de la destruction les lieux de  mémoire collective afin de considérer l’occupation comme un fait accompli sur une terre sans peuple (Azmi Bishara). «Les animaux humains», selon le ministre israélien de la Défense,  ne peuvent pas avoir de patrimoine culturel et archéologique.

Le Premier ministre Yitzhak Shamir, en se remémorant de l’époque où il était commandant de Lehi également connu sous le nom de «Gang Stern» admet l’utilisation  des actes de terrorismes.

Les juifs étaient en droit de recourir au terrorisme pour construire l’Etat juif. « Ni l’éthique juive, ni la tradition juive ne peuvent disqualifier le terrorisme comme moyen de combat », écrit-il en 1943 in le Journal de l’organisation de Lehi (Alain Marshal). Mais les Palestiniens, souligne-t-il, «se battent pour une terre qui n’est pas la leur. C’est la terre du peuple d’Israël».

Le président Harry Truman (1945-1953) a subi d’énormes pressions sans pareil  mesure de l’Organisation sioniste mondiale et  d’autres forces politiques  pour endosser la proclamation de l’Etat israélien.

« Je pense n’avoir jamais vu autant de pressions et de propagande ciblant la Maison Blanche qu’à cette époque-là. L’opiniâtreté de certains dirigeants extrémistes du sionisme, animés par des desseins politiciens et proférant des menaces politiques, me perturbait et m’irritait ».

Le président des Etats-Unis ajoute dans ses mémoires,«Certains suggéraient même que l’on exerçât des pressions sur des nations souveraines afin qu’elles aillent dans le sens d’un vote favorable à l’Assemblée générale ».

Le sionisme était en capacité d’exercer d’énormes pressions sur la première puissance mondiale pour endosser la proclamation de l’Etat juif.   Ce pays n’était pas pourtant impliqué dans l’extermination et la persécution de plusieurs millions de juifs.  

Cela n’empêche pas que les Etats-Unis soutiennent Israël   militairement sans limites en dépit de la Loi Leahy interdisant la vente d’armes  à toute armée étrangère commettant  des «violations fragrantes»  du droit humanitaire.  

Une potentielle opposition du Congrès n’est nullement nécessaire  pour cesser la livraison d’armes. Il suffirait juste d’appliquer la loi qui existe depuis 1997 renforcée en 2008 (Sylvian Cypel).

Le président Barack Obama, à la veille de son départ de la Maison Blanche, n’a même pas pu exercer son droit de véto au Conseil de sécurité pour bloquer l’implantation de nouvelles colonies juives. Au début du mandat, il avait été  pourtant«grassement payé » à Oslo pour faire respecter les résolutions des Nations Unies et le droit international.

Le soutien américain  à Israël, après la tenue des élections présidentielles, ne sera pas réformé, il sera inconditionnel, comme par le passé. L’administration américaine sous la direction des républicains ou démocrates ne modifiera pas fondamentalement la donne.  

Le nouvel enjeu se jouera en Ukraine où une guerre s’enlise depuis deux années.  Le soutien militaire occidental à l’Ukraine a aggravé la situation et a prolongé les souffrances des populations. L’ancien président et candidat Donald Trump a promis lors de la campagne électorale de sceller un deal avec le président  Poutine pour mettre un terme au conflit russo-ukrainien.

La politique extérieure américaine, contrairement à une large opinion, n’est pas souvent conduite par l’intérêt national quand il est question du conflit israélo-palestinien. C’est Israël qui a été dans plusieurs instances en  capacité d’instrumentaliser les Etats-Unis.

C’est la première fois qu’un pont aérien de livraisons d’armes à Israël est mis en place sans interruption depuis le début de la guerre jusqu’ à nos jours (Gilbert Achcar). Bombes et obus d’artillerie sont tirés sur le territoire palestinien et au Liban.

L’administration américaine  agit aussi pour dissuader des acteurs régionaux de prêter main forte à la résistance palestinienne.

Habituée aux guerres éclaires, l’armée israélienne n’aurait pas eu la capacité de mener une telle guerre  sans ce ravitaillement. Cette guerre trouvera son premier dénouement qu’au lendemain de la tenue des élections présidentielles américaines.

La superficie d’Israël est passée de 56 % à plus de 76 pour cent au lendemain de la guerre de 1948. En six jours de guerre en 1967, Israël s’est accaparé la Cisjordanie, Jérusalem-Est, la bande de Gaza, la péninsule égyptienne du Sinaï et le plateau syrien du Golan.  

En moins d’une semaine,  Israël tripla son emprise  territoriale et   détruit le potentiel militaire des Etats arabes.

La langue française comme  un butin  de la révolutionalgérienne, pour reprendre la célèbre expression de Kateb Yacine, n’a pas été restituée aux Français.  Les terres et biens conquis en 1967  constituent  le nouveau butin de guerre d’autant plus que la question sécuritaire devient le leitmotiv dans le nouveau discours israélien.

Le processus du nettoyage ethnique mis en branle dans les années 1940 a entamé sa deuxième grande étape dans la bande de Gaza en octobre 2023. La troisième étape serait, selon toute vraisemblance, le Liban-Sud.

Ben Gourion, fondateur du Parti Travailliste, déclara bien avant le déclenchement de la guerre de Six jours,  que «les frontières des aspirations sionistes incluent le Liban-sud, lesud de la Syrie, la Jordanie, toute la Cisjordanie et le Sinaï».

Il ajoute sans détours de langage : «Nous devons expulser les Arabes et prendre leur place». Les autres responsables, du Likoud qu’aussi bien du Parti travailliste et des autres partis de droites et d’extrêmes droites abondent dans le même sens.

La question de deux États indépendants

La solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien, acceptée par la communauté internationale,  ambitionne à la fois de délimiter définitivement les frontières de l’Etat hébreu et de créer un Etat palestinien indépendant et viable ayant pour capitale Al Qods.

Cette approche  suppose que le pouvoir colonial israélien est  assimilable à n’importe quel fait colonial. Historiquement lesionisme n’est ni le pouvoir britannique en Inde ni le pouvoir français au Vietnam, en Algérie ou ailleurs.

L’Etat hébreu est un «Etat guerrier résolu à s’agrandir» (le général Charles de Gaulle). Israël est le seul pays au monde où la conscription existe pour les femmes en temps de paix.

Toute la population israélienne est mobilisée  en permanence pour faire face un danger  imminent qui anéantirait  l’existence de l’Etat juif et du peuple élu, semble-t-il.  

La menace existentielle utilisée comme un leitmotiv dans le discours sioniste, selon John Mearsheimer, n’est  pas un argument sérieux. Ni Hamas ni le Hezbollah n’ont l’intention  de remettre en cause l’existence de l’Etat hébreu et encore moins de jeter les juifs à la mer.

En réalité cette pseudo-menace n’est pas récente,  elle a été de tout temps  un élément de langage.

L’idée à deux Etats a été  soutenue depuis 1967 par un fort consensus dans le monde: la communauté internationale, les partis politiques, des ONG, des hommes d’affaires, des faiseurs d’opinion et des intellectuels.

Noam Chomsky, un juif américain dont son monumentale œuvre a influencé deux à trois générations de la mouvance progressiste et démocrate dans le monde, s’inscrit finalement dans le mainstream sur la question palestinienne.  

Edward Saïd, un Palestinien chrétien, né à dans la ville occupée de Jérusalem, a aussi soutenu l’idée de deux Etats. A Oslo,  Saïd constata  la  grande tromperie et se retira toutefois du projet mort-né.  

Le professeur de Littérature Comparée à l’Université de Columbia, qualifia les Accords d’Oslo, salués âprement par les médias, de «Traité de Versailles».

Yasser Arafat, entouré  d’une équipe d’incompétents, a accepté sans coup férir les accords d’Oslo (Edward Saïd). Son successeur, Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, travaille sans relâche  et avec zèle à l’exécution des résolutions pour le partage Kafkaïen de la Cisjordanie (Alain Gresh).

Le succès du projet de deux Etats reposait en réalité sur la mise en place d’un préalable cardinal : la dé-sionisation de l’Etat Israélien. L’Etat hébreu ne pouvait pas à la fois rester un Etat théocratique et prêchait un Etat palestinien à côté de lui.

La loi du 19 juillet  2018 consolide la judaïsation de l’Etat définissant Israël comme «l’État-nation du peuple juif». Cette loi précise que «le droit d’exercer l’auto-détermination au sein de l’État d’Israël est réservé uniquement au peuple juif». Un Etat paria parvient à imposer en toute impunité « un régime d’Apartheid » aux Palestiniens en opposition aux résolutions des Nations Unies et au droit international

L’ancien  président américain James Carter, le sponsor des Accords de Camp David, n’a pas attendu la loi de 2018 pour décrire une  situation d’apartheid prévalant en Cisjordanie.

En 2006, il constate lors de sa mission d’observation: «Quand Israël occupe une grande partie de la Cisjordanie, relie par des routes quelque deux cents colonies, mais interdit aux Palestiniens de les utiliser ou même, souvent, de les traverser, ce sont des formes de ségrégation ou d’apartheid pires que ce qu’on a jadis connu en Afrique du Sud».

Cette loi a fait dissiper tous les espoirs de voir un jour un Etat Palestinien du moins pour ceux qui  ont cru au  mirage des deux Etats.

En 2006, l’envoyé spécial du président français Jacques Chirac en territoires occupés, Régis Debray, rapporte le constat accablant : «Les bases physiques, économiques et humaines d’un État palestinien sont en voie de disparition».

Plus 5 000 franco-israéliens participent aujourd’hui la guerre génocidaire dans l’enclave de Gaza. Les autorités françaises ne peuvent rester silencieuses lorsque leurs citoyens sont impliqués dans des crimes contre l’humanité.

Les manifestations pour l’arrêt de cette guerre sont interdites dans le pays des droits et du citoyen. Les vas-t-en guerre considèrent que les manifestants de paix sont des antisémites.  

Le lobby sioniste exprime une force politique très influente, il  représente pourtant une communauté minoritaire  n’excédant pas un demi-million de personnes sur une population totale de plus de 68 millions.

Les critiques émises en Israël à l’égard du gouvernement hébreu sont parfois beaucoup plus virulentes dans les médias que celles que l’on peut lire ou entendre en France. Il n’est pas permis en France de critiquer la politique extérieure israélienne, a  conclu Pascal Boniface  en proposant son livre à des maisons d’éditions.  Le CRIF est  aujourd’hui plus intransigeant  que l’AIPAC.

La communauté internationale salue la chute de l’apartheid en Afrique du Sud mais reste silencieuse quant à son institutionnalisation dans le pays «le plus démocratique» de la région.

Le choix de la  démocratie occidentale a été imposé paradoxalement par le courant socialisant du sionisme. Un double enjeu caractérise ce choix stratégique. Le premier objectif favorise le soutien idéologique et symbolique de l’Occident au processus à la construction étatique.

Le second  vise à disposer de la rente que «l’industrie de l’holocauste» génère en Europe et aux Etats Unis (Norman Finkelstein). Le financement des institutions modernes, la prise en charge de la modernisation et de l’implantation de nouvelles colonies sont soutenus par  une rente singulière plus stable et régulière que la rente énergétique.

Dès son retour au pouvoir en 2009, le premier ministreNetanyahou, selon ses propres propos, a mené une politique systématique pour saper toute tentative conduisant à diviser les groupes palestiniens et par conséquent à rendre l’idée de deux Etats caduque.

A la veille l’attaque du 7 octobre, il  a exposé aux Nations Unies une carte sur laquelle la Palestine n’existe plus. Cette carte ne montre plus les territoires occupés  et les terres annexées sur lesquels l’Etat palestinien indépendant verrait le jour. Il a même effacé «l’Etat gruyère»  supposé être le futur Etat Palestinien  soutenu par tous les acteurs de la communauté internationale. 

La solution à deux Etats indépendants  suppose que le pouvoir colonial juif soit  assimilable à n’importe quel fait colonial. Le sionisme n’est ni le pouvoir britannique en Inde ni le pouvoir français en Algérie ou ailleurs. L’Etat hébreu est, comme l’affirma le général  de Gaulle, « un Etat guerrier résolu à s’agrandir», un Etat expansionniste de par sa nature même.

L’espoir de récupération des terres et biens spoliés apparaît de plus en plus chimérique. Dès lors, la lutte pour l’égalité des droits entre les  deux peuples, en dépit qu’elle soit séparée par un fossé abyssal,  doit  être intégrée dans une nouvelle  stratégie.

Le principe de «l’échange la terre contre la paix» adopté par la ligue des Etats arabes  au début des années 1980 pourrait trouver sa pleine justification pour sa mise en place dans le nouvel ordre sécuritaire. Autrement, c’est le chaos régional en perspective que les Etats-Unis redoutent, paradoxalement!!!!!

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