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La tentation de la répression : pourquoi c’est la pire erreur que pourrait commettre le pouvoir

La tentation de la répression : pourquoi c’est la pire erreur que pourrait commettre le pouvoir

Des appels se multiplient sur les réseaux sociaux pour manifester ce vendredi 15 mars contre ce que les Algériens considèrent comme des annonces insuffisantes effectuées par le président Bouteflika. Le chef de l’Etat a annoncé lundi sa décision de ne pas briguer un cinquième mandat, d’annuler les élections et les reporter à une date ultérieure en attendant d’organiser une grande conférence nationale appelée à amorcer la transition de l’Algérie vers ce qui est nommé la « deuxième république ».

En effectuant ces annonces, le président Bouteflika et son entourage au pouvoir espéraient clairement envoyer le signal à la population, qui manifeste de manière massive et historique depuis trois semaines, que son cri a été entendu et que leurs aspirations ont été écoutées. Peine perdue. La rue a en effet très vite réagi à ces annonces en dénonçant ce qu’elle estime être une manœuvre de diversion.

Ce vendredi 15 mars s’avère donc décisif pour l’avenir du mouvement de contestation et de l’Algérie. Une mobilisation plus faible que le vendredi 8 mars offrirait au pouvoir l’opportunité d’affirmer que les annonces effectuées par le président Bouteflika ont été bien reçues par la population et que le chemin proposé par le pouvoir est le bon et que c’est celui qui sera pris.

Des messages rassurants

A l’opposée, une forte mobilisation de la rue, plus importante que les historiques manifestations du 8 mars, enverrait le signal retentissant que le peuple rejette les propositions du président Bouteflika, et qu’il appelle à un changement profond et radical du système politique. Un changement qui nécessitera inévitablement et sans concession le départ de toute l’équipe dirigeante actuelle.

Une telle mobilisation en appellerait sans doute d’autres dans les prochains jours. Face à cette possibilité de rejet absolu du système ce vendredi, le pouvoir pourrait être tenté de dissuader la population de manifester et de se mobiliser massivement en utilisant un outil bien trop connu : la répression.

« J’ai eu une information dont je n’ai pas raison de douter qui dit que dans le cercle présidentiel, la démarche arrêtée est la suivante : pousser à l’exaspération la jeunesse pour aller vers l’état d’urgence », a averti hier mercredi Said Sadi, lors de son passage au Forum de Liberté.

Pour l’heure rien n’indique que le pouvoir se dirige vers une telle option. Bien au contraire : aucun signal récent n’a été envoyé publiquement par le pouvoir indiquant qu’il envisagerait l’option de la répression. Les messages sont plutôt rassurants.

Pas plus tard que ce mercredi, le vice-premier ministre Ramtane Lamamra a affirmé que le pouvoir ne reproduira pas les erreurs commises par les régimes syrien et libyen. « Il faut être responsables mais il ne faut pas s’inquiéter. Nous sommes l’Algérie, nous avons notre histoire, notre peuple. La Syrie et la Libye ont fait des erreurs que nous ne faisons pas, que nous ne ferons pas », a assuré Lamamra.

En parallèle, le vice-ministre de la Défense et chef de l’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah, s’est félicité ce mercredi encore de « la relation et la confiance qui lie le peuple à son armée en toutes circonstances ». Difficile face à de telles déclarations d’imaginer les circonstances dans lesquelles on reverrait les tanks dans les rues d’Alger.

Mais la tentation de la répression, comme ultime réponse à la détermination des manifestants, existe au moins chez une partie des dirigeants, ne serait-ce que pour entretenir le doute et la crainte. Mais de là à ce qu’elle soit utilisée, l’option parait très improbable tant elle serait suicidaire pour le pouvoir, et ce pour plusieurs raisons.

Le risque d’une ingérence étrangère

Premièrement : la révolte populaire dure depuis trois semaines, avec des manifestations plus pacifiques les unes que les autres. Le peuple algérien a fait montre d’un comportement irréprochable ayant forcé l’admiration du monde entier, à commencer par les nations les plus démocratiques. Le pouvoir n’a ainsi même pas l’excuse d’un mouvement incontrôlable ou incontrôlé, le peuple ayant prouvé le contraire.

Deuxièmement : la tentation de la répression si elle venait à se concrétiser ouvrirait la porte à la plus grande menace pour le pouvoir : l’ingérence étrangère. En effet, la réponse des grandes puissances aux manifestations massives contre le président algérien et le pouvoir ont été caractérisées par beaucoup de retenue. Nombre de pays, notamment occidentaux, ont conscience que la moindre parole prononcée pourrait être agitée par le pouvoir comme la preuve de l’intervention étrangère dans une question interne à l’Algérie.

Néanmoins, tout ceci pourrait changer de manière radicale si le pouvoir venait à utiliser la violence contre le peuple algérien. Un pays comme les Etats-Unis n’hésiterait pas à placer l’Algérie dans sa liste de priorités si des images montrant des violences contre les manifestants venaient à être partagées sur les réseaux sociaux, où réside un certain président des Etats-Unis aux doigts si prompts à définir à travers son téléphone sur Twitter la diplomatie américaine.

Washington n’a pas encore brandi clairement cette menace, mais les derniers propos de la diplomatie américaine le suggère clairement : les Algériens doivent pouvoir manifester librement et choisir leurs représentants, dont le président de la République, tout aussi librement.

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