Le 2 février dernier, ils lançaient, tout rayonnants, un appel solennel au président Bouteflika pour briguer un cinquième mandat à la tête de l’État. Moins de quatre mois après, ils sont traînés en justice pour répondre d’actes répréhensibles qu’ils auraient commis dans l’exercice de leurs fonctions gouvernementales.
Eux, ce sont les dirigeants de la désormais défunte Alliance présidentielle. Ahmed Ouyahia (RND), Amar Ghoul (TAJ) et Amara Benyounès (MPA), en compagnie d’une dizaine d’autres anciens hauts responsables dont l’ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, ont vu leurs dossiers transférés ce dimanche 26 mai à la Cour suprême qui aura à statuer sur les faits qui leurs sont reprochés avant de décider des suites à donner à la procédure.
Il ne manque que Moad Bouchareb, dirigeant du FLN au moment où tout l’entourage du pouvoir ne jurait que par le cinquième mandat en dépit du bon sens. Mais le FLN est bien représenté dans les affaires judiciaires. Bouchareb n’a été intronisé à la tête du FLN qu’en octobre dernier. Avant lui, c’est le secrétaire général Djamel Ould Abbès qui s’adonnait à une surenchère en règle avec ses collègues de l’Alliance sur le soutien au président. Bientôt, semble-t-il, il rejoindra tout ce beau monde puisqu’une demande de levée de son immunité parlementaire a été introduite par la justice au niveau du Conseil de la Nation où il est sénateur du tiers présidentiel.
Sans préjuger de la culpabilité des quatre personnages – et des autres, la présomption d’innocence doit être la règle pour tout le monde -, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une triste fin pour l’Alliance présidentielle. Créée le 7 novembre dernier pour les besoins du très hypothétique cinquième mandat, l’Alliance était censée remplacer celle qui avait porté Bouteflika de 2004 à 2012, année de la défection du MSP dans le sillage de la vague des printemps arabes.
La « nouvelle » alliance est donc née à un moment où le pouvoir tergiversait entre plusieurs options à retenir pour l’élection du 18 avril : un cinquième mandat en bonne et due forme ou une prolongation d’une année ou deux du quatrième mandat. La santé du président était problématique et les quatre chefs de partis ont alterné plaidoyers pour le cinquième mandat et louanges à « la continuité ». Seul Amara Benyounès était resté fidèle à une ligne de conduite adoptée depuis l’été, refusant de prendre position tant que le président ne se prononce pas.
En cours de route, Djamel Ould Abbès fera les frais de son trop-plein de zèle. Il est débarqué le 28 novembre et remplacé par Moad Bouchareb nommé un mois plus tôt président de l’APN dans des conditions théâtrales. Celui-ci fera mieux en qualifiant Bouteflika de « prophète ». Amar Ghoul lui invente le qualificatif de « père moudjahid » qu’il prononce avec une certaine émotion.
Le 19 décembre, les quatre formations tiennent une réunion à la résidence présidentielle de Zéralda au cours de laquelle il aurait été convenu de chercher une sortie « honorable » pour le chef de l’État. Mais le refus de l’opposition de cautionner une prolongation extra-constitutionnelle du mandat de Bouteflika a amené l’entourage de ce dernier à opter pour la présentation de sa candidature pour un cinquième mandat. Les partis de l’Alliance l’ont exhorté de le faire le 2 février, puis le FLN a réitéré la demande en solo le 9, lors du fameux meeting de la Coupole. Le lendemain, Bouteflika annonçait dans une lettre programme son intention de gouverner le pays pour cinq autres années. Puis il y a eu le 22 février. Le peuple est sorti en masse pour dire non au cinquième mandat.
Les partis de l’Alliance, à l’exception du MPA, soutiendront toutes les tentatives du cercle présidentiel de s’accrocher. Ils finiront par perdre tout crédit lorsqu’ils seront les premiers à applaudir le départ du président sur une sommation retentissante de l’armée. Depuis, on les retrouve en première ligne dès qu’il s’agit d’apporter du soutien aux propositions du chef d’état-major. Entretemps, le FLN s’est trouvé un nouveau chef, Mohamed Djemai.
Le 21 mai, les quatre partis ont salué séparément la position d’Ahmed Gaïd Salah qui venait de rappeler la nécessité d’aller vers des élections. Ils n’ont jamais désespéré de rebondir, mais avec les dernières décisions de la justice, les carottes semblent bien cuites. Leur empressement à apporter leur soutien au puissant du moment n’aura servi à rien. La recette n’est plus infaillible…