La Turquie a fortement augmenté mercredi les tarifs douaniers de plusieurs produits américains, poursuivant son bras de fer avec les Etats-Unis qui a mis la livre turque au supplice.
Parmi les produits visés par cette forte hausse figurent les véhicules de tourisme, dont les tarifs douaniers s’élèvent désormais à 120%, certaines boissons alcoolisées (140%), le tabac (60%) ou encore le riz et certains produits cosmétiques.
Cette décision, annoncée dans un décret signé par le président Recep Tayyip Erdogan, survient alors que Washington et Ankara traversent une crise diplomatique ayant conduit ces deux alliés au sein de l’Otan à s’imposer des sanctions réciproques en août.
Le vice-président turc Fuat Oktay a précisé mercredi que la hausse des tarifs douaniers était un acte de « représailles » contre les « attaques délibérées de l’administration américaine sur (l’)économie » turque. Le président américain Donald Trump avait notamment annoncé la semaine dernière le doublement des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium turcs.
Ces tensions ont provoqué l’effondrement de la livre turque vendredi, jour où cette devise a perdu 16% contre le dollar. Depuis le début de l’année, la valeur de la livre a fondu de plus de 40% face au billet vert et à l’euro. Depuis mardi, cependant, la livre semble s’être stabilisée sous l’effet de mesures de la banque centrale d’Ankara, de déclarations apaisantes du gouvernement et de l’appel de M. Erdogan à convertir les devises étrangères auquel de nombreux Turcs ont répondu.
Mercredi, la livre turque continuait ainsi de reprendre des couleurs face au dollar, repassant même sous le seuil symbolique de 6 contre un billet vert, sans toutefois effacer la chute de ces derniers jours.
Trump « frustré »
La hausse des tarifs douaniers pour les produits américains survient au lendemain d’un spectaculaire appel de M. Erdogan à boycotter les appareils électroniques manufacturés par les Etats-Unis, comme ceux de la marque Apple.
Les turbulences entre la Turquie et les Etats-Unis se sont renforcées au cours des derniers mois avant de virer à l’orage en juillet à cause de la détention en Turquie du pasteur américain Andrew Brunson. Ce dernier est accusé par Ankara d’espionnage et d’activités « terroristes », ce qu’il nie en bloc. Après plus d’un an et demi d’incarcération, il a été placé en juillet en résidence surveillée.
La Maison Blanche a fait savoir mardi que M. Trump ressentait « beaucoup de frustration du fait que le pasteur ne soit pas libéré ». Mais en parallèle des déclarations virulentes de M. Erdogan contre les Etats-Unis, la Turquie semble soucieuse de ménager ses autres partenaires et alliés.
Le président turc, qui la semaine dernière s’est entretenu d’économie avec son homologue russe Vladimir Poutine, doit recevoir mercredi à Ankara l’émir du richissime Qatar, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani. Par ailleurs, mardi soir, un tribunal turc a libéré de façon inattendue deux soldats grecs qui avaient été arrêtés en mars à la frontière et dont la détention a fortement tendu les rapports entre Ankara et Athènes.
Si les tensions avec Washington ont fait souffrir la livre, les marchés s’inquiètent aussi de plus en plus de la mainmise de M. Erdogan sur l’économie, notamment depuis sa réélection en juin.
Les économistes s’inquiètent du refus de la banque centrale de redresser ses taux malgré une forte inflation (près de 16% en juillet) et la chute de la monnaie turque. M. Erdogan s’oppose fermement à une telle mesure. Le ministre des Finances Berat Albayrak, par ailleurs gendre de M. Erdogan, doit s’entretenir avec plusieurs centaines d’investisseurs étrangers jeudi par téléconférence.
Les places boursières européennes et asiatiques, qui ont tremblé ces derniers jours à cause de la livre turque, semblaient dominées par un optimisme prudent mercredi.