Politique

L’Algérie a connu deux « transitions » durant les années 1990

L’armée refuse toute idée de période de transition en Algérie pour résoudre la crise politique dans le pays. «La priorité aujourd’hui est que chacun de nous croit en l’importance d’aller vers un dialogue productif qui permet de faire sortir notre pays de cette phase, relativement complexe, qu’il traverse et assure ainsi la voie vers la tenue des prochaines élections dans les plus brefs délais possible, loin, et je le dis, de périodes de transition aux conséquences incertaines, car l’Algérie ne peut supporter davantage de retard et de procrastination, » a déclaré, mardi 28 mai 2019, depuis Tamanrasset le chef d’état-major de l’ANP et vice-ministre de la Défense, le général de corps d’armée Ahmed Gaid Salah.

« Le peuple algérien, dévoué à sa patrie, et conscient de l’importance d’aboutir rapidement à des issues adéquates à cette crise, ne veut plus revivre les expériences douloureuses antérieures, dont il a subi les affres et souffert terriblement des répercussions, tout comme il n’oublie pas et ne veut pas oublier cette pénible période qu’il a vécue durant les années 1990 », a-t-il rappelé.

Après les émeutes d’octobre 1988, réprimées dans le sang par l’armée, l’Algérie entre dans une nouvelle phase politique. Chadli Bendjedid, qui dirigeait le pays depuis 1979, décide de mettre fin au système du parti unique pour tenter de sauver le régime, qui faisait face à des contradictions politiques et à des difficultés économiques.

Un vide institutionnel non prévu par la Constitution

Il proclame le pluralisme politique et syndical avec la Constitution de février 1989 et ouvre le champ médiatique. Le « petit » printemps démocratique allait être de courte durée. En décembre 1991, le Front islamique du salut (FIS) remporte les élections législatives avec le projet de « remodeler » la société algérienne. Les généraux refusent que le parti islamiste dirige le Parlement et le gouvernement. Ils poussent Chadli Bendjedid à démissionner et arrêtent le processus électoral.

Le 11 janvier 1992, le chef de l’Etat annonce son départ, présenté comme « un sacrifice au profit de l’intérêt supérieur de la Nation ». Avant de quitter le Palais d’El Mouradia, Chaldi décide de dissoudre le Parlement. Abdelmalek Benhabylles, alors président du Conseil constitutionnel, refuse d’assurer l’intérim du chef de l’Etat, comme le prévoit la Constitution. Le pays entre dans une phase de vide institutionnel sans précédent dans son histoire. Le pouvoir est alors assuré, en dehors de la Constitution, par le Haut Conseil à la sécurité. C’était le début d’une transition non négociée qui allait évoluer rapidement en transition violente.

Une transition sans Parlement ni chef d’Etat élu

Le Haut Comité d’Etat (HCE), créé le 14 janvier 1992 et composée de Khaled Nezzar, Ali Kafi et de Tedjini Haddam, prend le relais jusqu’à la fin janvier 1994. Mohamed Boudiaf, vivant au Maroc depuis l’indépendance de l’Algérie, revient au pays, sollicité par les militaires, pour présider le HCE et diriger le pays. Il est assassiné le 29 juin 1992 à Annaba.

Le pays bascule après dans les troubles avec l’apparition des premiers actes de terrorisme et les arrestations massives d’islamistes. L’état d’urgence est décrété dans le pays depuis février 1992 sans avoir des répercussions réelles sur l’étendue des violences. Rédha Malek remplace Mohamed Boudiaf au HCE mais c’est Ali Kafi qui assure la présidence du pays. Le pouvoir législatif est assuré par le Conseil national de transition (CNR), un Parlement non élu.

Ali Kafi dirige l’Algérie jusqu’au 30 janvier 1994. Il est remplacé par le général Liamine Zeroual, chef d’Etat désigné. Le pays entre dans une seconde période de transition, sans Parlement ni chef d’Etat élu. Une transition plus violente que la première en raison d’absence de perspectives politique, du refus du pouvoir d’ouvrir un véritable dialogue politique avec les partis et de la poursuite de l’action violente des groupes terroristes à vaste échelle.

L’option du « tout sécuritaire » prônée par les généraux de l’armée bloque toutes les possibilités de discussion. Le pouvoir rejette avec brutalité « le contrat national » de Sant’Egidio, présenté par une partie de l’opposition comme « une solution politique » à la crise.

Liamine Zeroual, adepte de la manière forte, « remporte » l’élection présidentielle de novembre 1995. Une année plus tard, il dotait le pays d’une nouvelle Constitution mais sans parvenir à élire un nouveau Parlement. Le Parlement ne sera élu qu’en 1997, au bout d’une fraude massive en faveur du RND. En septembre 1998, Liamine Zeroual est poussé à la porte après un différend avec les décideurs militaires. Une élection anticipée est organisée en avril 2019. Bouteflika s’installe au pouvoir pour 20 ans…

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