ENTRETIEN. L’Opep a décidé samedi de revoir à la hausse sa production de brut. Abdelmadjid Attar, ancien ministre et ex-PDG de Sonatrach, revient sur l’impact de cette décision sur le prix du pétrole.
L’Opep et ses alliés, dont la Russie, ont conclu un accord pour augmenter la production de brut. Cet accord pourrait-il assurer l’équilibre entre l’offre et la demande. Et pour combien de temps ?
C’est un accord qui évite pour le moment l’éclatement du consensus auquel sont arrivés les producteurs Opep et non-Opep. Il correspond quand même à une concession vis à vis de l’Arabie Saoudite qui avait déjà commencé à augmenter sa production et qui souhaitait une augmentation de 1,5 million baril/jour. Je pense que c’est une issue qui permettra à tous les producteurs de voir tout d’abord comment va évoluer le marché avec un niveau de production qui va tout juste répondre à une augmentation saisonnière de la demande, en attendant de voir plus clair concernant les incidences des sanctions américaines sur la production iranienne d’ici la prochaine réunion de l’Opep en novembre 2018.
Quel est l’impact de la décision de l’Opep d’augmenter la production sur les prix du pétrole ?
Elle va permettre au prix de se stabiliser autour de 75 $, mais tout dépendra du niveau de production de l’Iran et du Venezuela, bien que je sois certain que si jamais il y a pénurie, l’Arabie saoudite et ses alliés (Émirats arabes unis) seront là pour compenser le déficit car la plupart des autres producteurs en dehors de la Russie ne disposent pas de capacités supplémentaires suffisantes pour le moment. Le marché va demeurer tendu et très incertain jusqu’à la fin de l’année, car les stocks mondiaux sont à un niveau très bas entraînant la demande et le prix vers le haut, alors que le prix actuel entraîne plutôt la croissance de la production de pétrole et de gaz de schiste.
Quel est l’impact de cette décision sur l’Algérie ?
Disons plutôt que l’Algérie a intérêt à ce que le prix se stabilise au-dessus de 75 $ avec son niveau actuel de production en se réservant la possibilité de l’accroître avec de nouvelles capacités qui pourraient survenir d’ici la fin de l’année 2018.
L’Algérie et d’autres pays du cartel étaient opposés, mais ils n’ont pas pesé dans la décision finale. Est-ce que l’Arabie saoudite a imposé son choix ?
Les pays opposés à l’augmentation du niveau de production n’ont pas tous des capacités supplémentaires correspondant effectivement à la demande sur le marché. Comme le système de quotas est pour le moment mis de côté, ils ne veulent surtout pas voir cette demande/capacité remplacée par de gros producteurs comme l’Arabie saoudite ou la Russie car cela diminue la possibilité de la récupérer à l’avenir avec des prévisions de consommation mondiale en hausse d’ici la fin de l’année.
À mon avis, ils ont cédé à contrecœur à l’augmentation du niveau de production décidé sachant qu’il y a plus de chance de voir le prix se stabiliser autour de 75 $ pour la deuxième moitié de 2018.
Quelle alternative pour répondre aux inquiétudes des consommateurs ?
Je pense qu’il est trop tôt pour prédire un déficit pareil qui semble être basé plus sur les incidences des sanctions US sur l’Iran et le Venezuela. Il faut tenir compte de l’accroissement régulier de la production de pétrole et gaz de schiste en Amérique du Nord (USA et Canada), surtout si le baril se maintient au-dessus de 70 $, et des programmes d’économie d’énergie dans les pays gros consommateurs.
À mon avis, il n’y aura pas de risque de pénurie à court ou moyen terme, sauf cas imprévisible lié à une instabilité géopolitique extrême (confrontations régionales). Ce sont surtout les pays producteurs qui doivent s’inquiéter à l’avenir, sauf ceux dont les capacités gazières sont importantes car le gaz naturel a encore de beaux jours devant lui.