L’Algérie continue d’acheter massivement du blé sur le marché mondial via l’Office algérien des céréales (OAIC), monopole public de l’importation de ce produit de large consommation.
Ces achats s’effectuent dans un contexte géopolitique tendu qui pousse les pouvoirs publics à intensifier les mesures de promotion de la culture des céréales.
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510 00 tonnes achetée au prix fort
Selon un communiqué de l’agence Reuters en date du 9 novembre, l’OAIC « aurait acheté mardi environ 510 000 tonnes de blé meunier dans le cadre d’un appel d’offres international. »
Cet achat aurait été effectuée à « environ 368 dollars la tonne, coût et fret inclus », soit à « l’extrémité supérieure » des estimations de la fourchette des prix comprise entre 367 et 368 dollars mardi, selon Reuters.
Il intervient après une longue série d’achats intervenus depuis la crise ukrainienne. Bien que l’Office algérien des céréales ne communique pas sur le sujet, ces achats auraient permis de constituer jusqu’à 9 mois de stocks de réserve.
Les pouvoirs publics algériens ont également relancé les mesures en vue d’accroître les capacités de stockage de céréales tant en silos qu’à plat au niveau des Coopératives de céréales et de légumes secs (CCLS).
Blé russe vs blé français
Selon Reuters, « un volume substantiel devrait provenir de Russie, même si certains proviendront probablement de France. »
Ces dernières années, l’Office algérien des céréales (OAIC) a revu à la baisse son cahier des charges, notamment concernant le taux de blé punaisé. Cette mesure a permis d’ouvrir la porte à des achats de blé russe bien moins chers que les blés français.
Ces derniers souffrent d’un faible taux de protéines ce qui réduit leur qualité boulangère. Un taux protéique qui pourrait rester bas étant données les mesures environnementales de la Politique agricole commune (PAC) visant à réduire l’emploi d’engrais azotés. Des engrais dont les prix à la hausse sont une préoccupation constante pour les céréaliers français.
Un climat favorable à la reprise des achats
La politique de diversification des achats de l’Algérie de céréales s’est faite dans un contexte de tensions avec le partenaire français. Tensions aujourd’hui disparues suite aux récents échanges au plus haut niveau entre dirigeants algériens et français.
En matière de céréales, l’Algérie est un partenaire traditionnel de la France. De nombreux observateurs notent que sur 5 tonnes de blé français exportées annuellement, 2 en moyenne le sont vers l’Algérie. Certaines années, cette proportion passe à 3 tonnes sur 5.
Le dernier achat opéré par l’OAIC s’est effectué dans un contexte de fragilisation de l’accord international permettant l’exportation de blé ukrainien à partir des ports de la mer Noire.
La Russie avait provisoirement remis en cause cet accord après l’attaque survenue à Sébastopol contre des bateaux de guerre russes.
Une politique céréalière volontariste
L’approvisionnement en céréales du marché local fait l’objet de toutes les attentions de la part des pouvoirs publics. La dernière augmentation du prix payé aux agriculteurs remonte à 2008. Aussi, en janvier 2022 ces prix ont été fortement revalorisés, ce qui augure une amélioration des surfaces emblavées.
A cette augmentation des prix à la production, d’autres mesures ont suivi : soutien à hauteur de 50 % du prix des engrais et de 20 % du prix des semences certifiées. Des semences produites à raison de 3 millions de quintaux et en continuelle hausse même si le déficit en la matière reste d’un million de quintaux, selon des sources internes à l’OAIC.
OAIC, amélioration de la gouvernance
A ces mesures de soutien est venue s’ajouter une amélioration de la gouvernance de l’OAIC : meilleure organisation de la collecte avec augmentation du nombre de points de collecte, horaires élargies et priorité donnée à la réception des céréales sous tension comme l’orge.
Ces mesures concernent également la campagne actuelle avec le développement du « guichet unique » et d’une plus grande décentralisation des points de vente de semences certifiées.
L’adoption du guichet unique permet à l’agriculteur d’effectuer l’ensemble de ses démarches administratives pour l’obtention d’un prêt de campagne et d’achat d’intrants en un seul lieu.
Les témoignages recueillis sur le terrain montrent que ces mesures, ainsi que l’arrivée précoce des pluies, ont eu un effet positif sur le nombre de demandes de crédits et d’enlèvements de semences.
Poursuite de la politique d’irrigation des céréales
Par ailleurs, la politique d’encouragement à la production de céréales sous pivot d’irrigation dans le grand Sud est poursuivie. Des directives fermes étant été données afin que le maximum d’exploitations soit raccordé au réseau électrique. Il s’agit d’assurer le fonctionnement de ces pivots et des pompes chargées de puiser l’eau des nappes souterraines.
Au Nord de l’Algérie, les autorités locales ont reçu des directives pour favoriser l’octroi d’autorisation de forage afin de développer l’irrigation de complément des céréales.
Quant à l’importation de matériel agricole, une autorisation a été accordée aux agriculteurs pour les équipements de moins 5 ans d’âge.
Les défis restent nombreux
Malgré cette politique volontariste, les défis restent nombreux. C’est notamment le cas du détournement vers l’élevage de quantités non négligeables de blé importé. Un détournement opéré par des minoteries privées.
A cela s’ajoute le faible encadrement technique des agriculteurs ainsi que le manque de ciblage des subventions. Le montant de ces subventions reste identique qu’un agriculteur acquière du matériel pour irriguer des cultures de rente telles les pastèques ou stratégiques tel le blé.
Quant au consommateur, qu’il possède un véhicule de faible cylindrée ou un 4×4 de marque Hilux, il paye la baguette de pain et le litre d’essence au même tarif.