Politique

L’Algérie algérienne

TRIBUNE. « Un problème bien posé est à moitié résolu. H. Bergson ».

Ces dernières décennies, l’Algérie s’est souvent retrouvée au milieu de tourmentes politiques, diplomatiques et médiatiques.

À peine quelques mois après l’acquisition de son indépendance, elle fut victime d’une tentative militaire d’amputation d’une partie de son territoire par le Maroc.

Alors qu’elle pansait ses plaies encore saignantes d’une guerre de sept longues et meurtrières années et qu’elle aspirait, après 132 ans de colonisation, à retrouver sa liberté et à se réinsérer dans l’histoire des nations, elle fut brutalement rappelée à l’ordre : être souverain c’est devoir lutter contre la prédation ; Empires et résistance restent à l’ordre du jour.

Elle entama donc le chemin de son destin, fière et déterminée, tendue vers ses objectifs de progrès et de modernisation d’un pays où l’ignorance, l’analphabétisme, la superstition et le dénuement s’accompagnaient d’idéaux révolutionnaires, de justice et d’équité.

Les choix politiques allaient de soi : parti unique, socialisme, progressisme, centralisme et lutte anti -impérialiste.

Vingt-sept années plus tard, les contradictions internes au système devenaient ingérables. Absence de liberté, pensée unique, bureaucratie, népotisme, clientélisme…, les maux dus aux limites de cette gouvernance manifestaient la faillite de la méthode.

Dans le monde, à cette époque, les vents avaient changé de direction. Glasnost et Perestroïka soviétiques étaient devenues des concepts populaires.

L’Algérie les fit siens. La démocratie semblait être au bout d’un référendum constitutionnel. Le retour de bâton fut violent. Les tourments d’une nation, aliénée par une histoire séculaire dramatique, allaient avoir le dessus.

La résurgence d’une cosmogonie traditionaliste devait se heurter, de plein fouet, à la réalité d’un monde dont elle ne possédait pas les codes. En ayant perdu la mémoire vivante de son passé, la société algérienne doutait d’elle-même, de son identité, de ses croyances et de son dessein. Elle plongea durant une décennie dans une violence fratricide pour tenter d’exorciser ses troubles.

Épreuve tragique pour elle s’il en est, elle finit toutefois par maîtriser ses démons, et se remit progressivement sur pied. Mûrie par les épreuves et mieux instruite par les déboires de nombreux pays « frères », elle ne renonça cependant pas à ses référents fondamentaux tout en réalignant ses objectifs.

C’est qu’elle tirait sa résilience d’une profondeur historique qui remontait au moins à plusieurs siècles avant notre ère. Et, malgré les occultations idéologiques, la Numidie réémergea lentement mais sûrement dans l’imaginaire national.

En effet, deux siècles et demi avant notre ère, Massinissa avait déjà réunifié le Maghreb central en un Etat qui eut à affronter Rome et Carthage, les deux Empires rivaux dominant alors la Méditerranée.

République d’Alger

Malgré la succession des envahissements par différents Empires, le peuple du Maghreb central a toujours su maintenir son identité profonde.

Après l’adoption de l’Islam comme religion, plusieurs dynasties locales ont successivement hérité de l’Etat. Ainsi les ancêtres des Algériens s’étaient organisés sous la bannière des Rostémides, des Zirides, des Hammadites, des Almohades, des Zianides puis, après une régence Ottomane, du Royaume d’Alger.

Les écrits des historiens de toutes époques et les lettres diplomatiques dûment authentifiées prouvent s’il en est, non seulement l’existence mais aussi la souveraineté de ce qui était parfois qualifié, en son temps, de République d’Alger.

Quant aux frontières entre le Maghreb central et le Maghreb occidental, elles ont correspondu, dans la durée, au fleuve Moulouya, actuellement intégré au royaume du Maroc à une trentaine de kilomètres de la frontière algéro-marocaine. Au regard de l’histoire, s’il devait y avoir correction des frontières ce serait donc au profit de l’Algérie !

Quant au Sud, très peu peuplé au vu de l’hostilité de sa nature et sa pauvreté démographique, il fut longtemps un espace semi ouvert de transit entre le Nord et le Sahel.

« Les allégations marocaines sont totalement infondées »

Cependant les tribus éparses qui y vivaient avaient toujours fait allégeance à Alger. Ce n’est donc point la France qui a créé l’Algérie et qui lui aurait donné son nom, comme le propage une propagande active.

Les allégations marocaines et de certains courants franco-sionistes et d’extrême droite niant l’existence d’un Etat et d’une Nation algériens sont totalement infondées.

S’il n’y avait pas un Etat-nation tel qu’il s’est constitué dans les pays européens à partir du XVIIe siècle et pour certains d’entre eux seulement au XXe siècle, il est ridicule de nier l’existence des Etats successifs du Maghreb central.

Le peuple enraciné dans cette région était organisé sur le modèle de l’ensemble géopolitique de la région, tout comme au Maghreb occidental d’ailleurs où différentes dynasties y avaient tout autant fait souche.

Par ailleurs, le négationnisme de certains pseudo historiens occidentaux anti algériens et des propagandistes marocains quant à la nation algérienne dans l’histoire ancienne, devrait alors s’étendre logiquement à certaines nations européennes qui ne sont nées qu’à la fin du XIXe siècle à l’image de l’Allemagne (1871) ou de l’Italie (1861) et même pour plusieurs d’entre elles après l’effondrement de l’Empire austro-hongrois (1918), sans oublier les pays qui sont nées ex-nihilo sur des territoires qu’ils n’avaient jamais occupés auparavant sinon dans leur mythologie de la terre promise  !

La forme de l’Etat-nation n’est donc pas un repère historico-politique pour mesurer la légitimité des nations d’aujourd’hui. En réalité, ce négationnisme est un narratif idéologique pour justifier des appétits de prédation.

Dans un monde où le droit international vient de s’effondrer et qui a perdu toute opérabilité, le champ est libre pour tous les carnassiers. Il sera libre aussi pour la légitime défense !

L’Algérie saura vivre et restera, sans aucun doute, algérienne comme elle l’a toujours été !

À suivre : Quelle souveraineté pour l’Algérie ?

*Président de Jil Jadid


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