Après le blé, l’orge fait l’objet d’une attention toute particulière en Algérie.

Pour les pouvoirs publics, il s’agit d’assurer les besoins alimentaires des 28 millions de moutons que compte le pays.

Aussi, en cette période de moisson, les producteurs sont particulièrement choyés. On peut se demander si l’opération de séduction engagée par les services agricoles réussira.

Moins d’une demi-heure pour livrer sa récolte

Fin mai, à M’sila au niveau d’un hangar de la Coopérative de céréales et de légumes secs (CCLS), sous l’action d’un vérin, la benne d’un camion se soulève progressivement.

Le chargement s’écoule, c’est de l’orge. Tout autour des tas de grains. L’agriculteur Badredine Hamache, la trentaine, confie à Ennahar TV : « On ramène notre récolte, on pèse et on vide nos remorques. En moins d’une demi-heure toutes les formalités sont accomplies et on repart ».

Soufiane Zeghada, le directeur, indique que depuis de début de la campagne ce sont plus de 7 500 quintaux d’orge qui ont été collectés.

 Il précise : « C‘est plus que les années précédentes ». Pour Taïeb Boutbek, président de la commission locale de suivi de la camapagne moisson : « On travaille 24h/24h par équipe selon les instructions du wali ».

Même scène mise en ligne par la CCLS de Djelfa. Un camion lourdement chargé s’approche du pont-bascule pour la pesée. Ensuite, dans un nuage de poussière, il vide sa remorque dans la fosse du silo à grains.

Un employé saisit une poignée de grains, c’est de l’orge. Une fois son chargement vidé, le camion repart immédiatement vers les champs.

Les semences menacées par les moutons

L’orge est collectée par les CCLS puis revendue vers les régions d’élevage. Une partie de la collecte est destinée à la production de semences certifiées.

À cette fin, les CCLS sont équipées de station de tri et de traitement, qui leur permettent de produire des semences certifiées.

Celles-ci sont indemnes de graines de mauvaises herbes et sont protégées des maladies par des fongicides. Même si des dysfonctionnements sont parfois relevés, ces semences constituent un progrès considérable et elles sont très demandées à l’automne.

La sécheresse de la campagne agricole écoulée a provoqué une réduction de l’offre. Au plus fort de la crise, alors que les CCLS achetaient le quintal à 2100 DA, l’orge se vendait jusqu’à 4 500 DA sur le marché parallèle.

« Même à ce prix là, on n’en trouve pas », déclaraient des éleveurs. Autant dire que dans ces conditions, les producteurs algériens d’orge ont préféré vendre leur récolte aux éleveurs. Même si c’est l’argent public, sous la forme du crédit de campagne Rfig, qui leur avait permis de financer leur culture.

Risque de pénurie de semences d’orge

Les CCLS chargées de la production de semences certifiées se sont confrontées à une réduction de la collecte. Il y avait risque de perdre les variétés locales dont les célèbres Tichedrett et Saïda si un minimum de quintaux n’était pas réservé pour les semences.

C’est dans ce contexte que l’an passé, le ministère de l’Agriculture et de Développement rural a mis en place des couloirs verts et octroyé une aide matérielle aux producteurs d’orge. Mais il a ajouté une condition : que ceux-ci s’engagent à vendre une partie de leur orge aux CCLS.

Les couloirs verts consistent à donner la priorité aux agriculteurs livrant leur production d’orge aux CCLS. Pour ces producteurs, plus de ces files d’attente qui peuvent durer 48 heures pour décharger leurs récoltes. Leurs remorques remplies d’orge va directement sur le pont-bascule pour la pesée.

À la moisson, il n’est pas rare de voir d’interminables files de camions et de remorques de blé patientant stoïquement devant les CCLS.

Or, camions et remorques sont généralement loués, tout retard renchérit le coût du transport. Leur immobilisation se répercute sur la récolte car les moissonneuses-batteuses sont obligées de s’arrêter faute de remorques. À la fin, ce retard se traduit par des pertes liées à l’égrenage naturel mais aussi aux attaques de moineaux et de rongeurs.

L’orge moissonnée gratuitement par les CCLS

En mai, lors de la réunion préparatoire à la campagne de moisson, le ministre de l’Agriculture a annoncé la reconduite de l’opération couloir vert initiée par son prédécesseur. Il a également annoncé que les agriculteurs s’engageant à vendre leur récolte d’orge aux CCLS bénéficieraient de la gratuité des opérations de moisson et de transport.

Il s’agit là d’une première. En parallèle, le ministre a insisté sur la poursuite de la politique du guichet unique au niveau des points de collecte. Cette mesure permet de payer rapidement les agriculteurs. Autre argument de poids. Les CCLS ont relevé le prix d’achat du quintal d’orge qui est passé à 3 400 DA.

Une innovation des services agricoles

Pour Djamel Benaichouche, ingénieur conseil à Tiaret, « l’orge manque cruellement dans les CCLS, c’est un problème qui date depuis au moins deux ans du fait que sur le marché parallèle l’orge coûte 1,5 son prix de cession à la coopérative ». Pour cet observateur « malgré toutes ces décisions incitatives, je suis sceptique quant à la livraison de l’orge ». Le bilan sera à tirer à la fin de la campagne.

Jusqu’à présent, l’octroi de subventions se faisait sans aucune contrepartie, si ce n’est celle de produire. Aujourd’hui, il est conditionné au versement de la récolte à la CCLS.

Au delà des seules subventions, d’autres moyens d’action existent afin de réduire la tension sur l’orge : augmentation du rendement par usage du semis direct, passage systématique de l’orge dans un concasseur aplatisseur afin d’obtenir une meilleure digestion du grain par les animaux, traitement à l’urée permettant un apport d’azote…

Plus que jamais les résultats de la recherche agronomique locale se doivent d’être utilisés dans la pratique.