Les effets du changement climatique sont bien là et devraient être ressentis encore plus intensément à l’avenir. Les scientifiques sont unanimes dans leurs mises en garde, mais les politiques trainent encore les pieds.
En Algérie, cette nouvelle réalité n’est toujours pas prise en compte dans tous les secteurs, notamment dans les plans de gestion des catastrophes, l’aménagement urbain ou encore les normes et techniques de construction.
La vague de chaleur ressentie depuis quelques semaines dans tout l’hémisphère nord est peut-être la plus forte jamais enregistrée sur terre. Quoi qu’en puissent penser les “climatosceptiques“, les études sérieuses qui mettent en cause le changement climatique dans les phénomènes météorologiques extrêmes se multiplient. La dernière en date s’est intéressée aux canicules inhabituelles de cet été 2023.
L’étude a été menée par un panel de sept scientifiques des Pays-Bas, des États-Unis et du Royaume-Uni et a porté sur les canicules enregistrées en juin et juillet de cette année dans différents endroits du globe : aux États-Unis, en Europe et en Chine.
Comme d’autres études précédentes, le résultat est formel : même si des phénomènes comme El Nino peuvent être à l’origine de situations extrêmes, sans les effets du changement climatique, les probabilités d’assister à de telles températures dans les endroits étudiés seraient quasi nulles.
On parle de plus de 50 degrés aux États-Unis, plus de 45 en Catalogne ou encore 46 degrés en Sardaigne. En Chine le record a été battu avec 27 jours consécutifs de canicule. Ce mois de juillet 2023 pourrait être le plus chaud jamais enregistré.
Les scientifiques du WWA (World weather attribution), un organisme qui surveille le lien entre le réchauffement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes, situent déjà le réchauffement moyen de la planète à 1,2 degrés.
Leurs prévisions sont encore plus inquiétantes. Selon eux, les températures actuelles pourraient, à terme, devenir la norme. Autrement dit, le monde doit se préparer à vivre régulièrement de tels épisodes et d’autres encore plus intenses. Le scénario catastrophe pourra être évité dans un seul cas, si les politiques prennent des mesures fermes de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Les engagements pris dans ce sens aux différentes conférences des Nations-Unies ne sont pas suivis d’effets palpables. D’année en année, les phénomènes météorologiques extrêmes, tempêtes, grands froids, inondations, canicule et sécheresse, se multiplient et se banalisent.
Changement climatique : ce que l’Algérie doit faire pour se préparer
La responsabilité incombe aux grands émetteurs de tels gaz, les États-Unis la Chine, l’Inde et tous les grands pays industrialisés et ce, dès la prochaine COP 28 aux Émirats arabes unis.
L’Algérie, comme les pays de sa taille en termes d’industrialisation, ne peut pas influer sur la tendance, mais elle doit se préparer, elle aussi, à subir les effets encore plus intenses du réchauffement, qui ne touchent pas que les grands pollueurs.
Le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane a révélé en mai dernier que l’Algérie dépense chaque année 225 millions de dollars pour prendre en charge les retombées des catastrophes naturelles. Le gros de cette dépense est causé par les inondations, dont la fréquence de plus en plus grande est imputée par les scientifiques au changement climatique.
Outre les inondations, le pays, au climat déjà semi-aride, fait face à des épisodes de sécheresse longs et récurrents, à des périodes de canicule insupportable et son corollaire, les feux de forêt dévastateurs.
En 2021, le nord de l’Algérie a été dévasté par des incendies qui ont consumé des dizaines de milliers d’hectares de couvert végétal et causé la mort de plus de 200 personnes. La catastrophe s’est reproduite cet été, toujours dans les régions boisées du nord et le bilan est déjà très lourd. Au moins 34 morts ont été déplorés lundi 24 juillet dans des feux qui ont touché les wilayas du littoral nord-est.
On ne peut pas dire que l’Algérie ignore totalement les retombées du réchauffement climatique. Cette nouvelle réalité est déjà prise en compte dans certains secteurs.
Les autorités ont déjà fait le choix de se tourner vers le dessalement d’eau de mer, une ressource inépuisable et non tributaire de la disponibilité des eaux de surface ou souterraines.
Cinq nouvelles stations sont en projet et la part du dessalement dans l’approvisionnement en eau potable devrait être porté à 60 % d’ici à 2030. Dans l’agriculture aussi, la tendance est à l’extension des surfaces irriguées pour ne plus dépendre de la pluviométrie.
Il est impératif que la nouvelle réalité climatique soit prise en compte dans toutes les prospectives et politiques publiques, dans tous les secteurs. Le pays est appelé à adapter ses structures et système de soins, ses moyens d’intervention, en s’équipant par exemple de plus d’avions bombardiers d’eau, ses plans d’aménagement urbain pour réduire les risques d’inondation et ses techniques de construction pour se doter progressivement d’un parc immobilier à haute efficacité énergétique. Le pays doit aussi protéger ses forêts de la prédation et lancer des opérations de reboisement à grande échelle.
Les chiffres de cet été 2023 doivent interpeller. Pour ne citer que l’impact sur les besoins en énergie, le record de consommation d’électricité a été battu cinq fois ces 20 derniers jours.