L’Algérie veut développer la culture du maïs grain pour réduire la facture d’importation de l’aliment de volaille et faire baisser le prix de la viande blanche, mais le coût pourrait être prohibitif notamment dans le sud du pays.
En ce début juillet à Négrine, dans le sud de la wilaya de Tébessa, Hocine Brik sème du maïs. Muni d’un ruban-mètre, il retire la terre au-dessus des semences qui viennent d’être semées et s’assure que son semoir mono-grain a bien positionné chacune de ces semences tous les 20 cm.
Le ministère de l’Agriculture et du Développement rural a annoncé le relèvement des prix à la production. Plus que jamais, la culture du maïs peut rapporter gros, même avec une irrigation continue sous pivot.
Du maïs destiné aux poules mais également aux moutons
Ce maïs produit en Algérie doit servir à la fabrication d’aliments pour volailles. Depuis une cinquantaine d’années, les pouvoirs publics ont misé sur l’élevage industriel des volailles afin de satisfaire la couverture des consommateurs en “viande blanche“.
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C’est le couple maïs-tourteaux de soja qui a été choisi. Si la consommation de viande a triplé, en parallèle les importations de maïs et de soja ont suivi. Aujourd’hui leur montant est de l’ordre d’un milliard de dollars par an. Le communiqué du ministère de l’Agriculture est explicite, ces mesures entrent dans le cadre d’une “réduction de la facture des importations“.
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En relevant les prix à la production, il s’agit d’attirer toujours plus d’investisseurs vers la production de maïs, notamment ceux ayant récemment bénéficié dans le sud de concessions suite à la mise en place de l’Office de développement de l’agriculture industrielle en terres sahariennes (ODAS).
En 2008, le relèvement des prix du blé dur avait déjà permis de relancer une culture du blé dur sous pivot. Ce type de production nécessite de lourds investissements et il supporte de lourdes charges : factures d’électricité afin de faire tourner les gigantesques pivots et apports d’engrais dans des sols pauvres et filtrants. Ces productions en milieu aride ne persistent que grâce aux subventions publiques.
Les investisseurs signataires d’un contrat avec l’Office national de l’aliment de bétail (Onab) devraient pouvoir bénéficier de prêts bonifiés et être assurés d’une disponibilité en semences, engrais et produits phytosanitaires.
Cette politique de contrats a été testée avec succès dans les filières tomates industrielles et lait où des opérateurs privés sont étroitement associés. À ce stade, les fabricants d’aliments du bétail du secteur privé n’ont pas été associés à ce nouveau dispositif maïs.
Le prix du quintal de maïs livré par les agriculteurs aux Coopératives des céréales et des légumes secs (CCLS) passe donc de 4.5000 DA à 5.000 DA, et cela, dès la prochaine campagne agricole.
Il s’agit là d’une revendication ancienne formulée par les producteurs. En 2018, lors d’un passage à la Radio algérienne, le président du Conseil interprofessionnel de la filière des céréales d’Adrar, Abdallah Oum El-Gheith, avait appelé les pouvoirs publics à porter le prix du quintal de maïs à 5.000 DA.
À raison de rendements potentiels de 80 quintaux par hectare, la culture est rémunératrice. Il est prévu le paiement des livraisons sous 72 heures et la garantie de l’acheminement de la totalité des grains récoltés par l’Office national de l’aliment de bétail (Onab) depuis les parcelles vers les lieux de stockage.
Ces dernières années, des retards de paiement et d’enlèvement des récoltes avaient découragé les producteurs. D’autant plus que pour beaucoup d’entre eux, la vue en pleine zone désertique de l’impressionnante masse verte des parcelles de maïs les avait incités à se ré-orienter vers le maïs-fourrage.
À El-Menia et Naâma, la disponibilité de matériel de récolte telles ensileuses et presses-enrubanneuses a permis de récolter de grandes quantités de fourrages. Mais des fourrages verts destinés à l’élevage ovin et bovin alors que les pouvoirs publics attendaient une production de maïs-grain.
En un combat douteux
Dans le grand sud, le choix de variétés de maïs à cycle court permet aujourd’hui de produire deux récoltes sous pivot d’irrigation. Le maïs est semé juste après la récolte du blé.
Ces productions ne sont possibles que grâce à l’utilisation massive de l’eau des nappes souterraines. Des réserves d’eau fossiles qui ne se renouvellent que partiellement. Et une eau chargée en sel qui peut rendre stérile le sol en moins de cinq années.
L’alternative pourrait consister en la production de triticales plus au nord. Ces céréales peuvent remplacer le maïs dans les rations des volailles. Quant au soja, sa production reste difficile localement.
L’apparition en Algérie du mode de consommation alimentaire occidental basé sur la viande et les produits laitiers est relativement récente.
L’association des acides aminés essentiels contenus dans les légumes secs et les céréales suffisait à satisfaire les besoins alimentaires des populations.
À l’étranger, à partir de pois-chiches et de pois jaunes, les techniques modernes de l’industrie agro-alimentaires permettent de produire une grande variété de substituts végétaux à la viande blanche.
La mise au point de ces produits est nettement moins exigeante en eau que la culture du maïs. Utiliser plus de protéines d’origine végétale dans l’alimentation humaine pourrait ainsi constituer une alternative à la coûteuse production de viande de volailles. Reste l’accessibilité des consommateurs pour de tels produits.
Il n’en reste pas moins que tenter de produire en plein désert du maïs constitue une aberration écologique et économique. Cela demeure une fuite en avant et reste un combat douteux.