En Algérie, la production d’oignons est importante cette année. En témoignent les aires de stockage en plein air à Tiaret, Saida ou Khenchela. Les agriculteurs algériens ont produit cette année d’importantes quantités de ce bulbe qu’ils ne savent plus quoi en faire.
Dans ce contexte, et face au risque de perte, la filière cherche à exporter une partie des excédents dans un contexte marqué par un manque de pluies persistant à l’ouest du pays. Aucun chiffre n’est disponible sur la production algérienne d’oignons et les quantités exportées en 2024.
En ce début d’année 2025, les premières annonces d’exportations d’oignons viennent de Khenchela. Selon Farida Taqout de la direction du commerce de la wilaya, une première cargaison de 12 conteneurs représentant 40 tonnes d’oignons rouges sur un total de 500 tonnes est passée par le poste frontalier de Boushbeika.
Oignons : l’Algérie mise sur l’export pour sauver sa production excédentaire
Le président du bureau de la Fédération algérienne des exportateurs de Khenchela, Rabah Merdas, a confié à la radio nationale que : « L’exportation de 500 tonnes d’oignons vers la Libye fait partie d’un plan d’exportation élargi qui inclut divers produits, tels que les produits agricoles et les matériaux de construction. »
Ce type d’exportation par l’Algérie n’est pas nouveau. En janvier 2024, l’agence APS indiquait que plus de 5.000 quintaux d’oignons secs provenant de la wilaya de Mascara avaient été dirigés vers la Tunisie et la Libye.
À l’époque, Farid Mohamedi, le wali de Mascara a indiqué « des agriculteurs activant au niveau de la plaine de Ghriss ont présenté des demandes pour exporter l’oignon sec et ont bénéficié de permis d’export vers la Tunisie et la Libye ».
La production d’oignons a longtemps était localisée dans la wilaya de Mascara où sa concentration ainsi que celle de la pomme de terre ont entrainé une baisse du niveau d’eau des nappes souterraines.
Culture d’oignons et ses conséquences sur les nappes souterraines
Déjà en 2008 Belkacem Bekkoussa de l’université de Mascara alertait sur la situation des ressources locales en eau : « Entre 1970 et 2001, la nappe plio-quaternaire de la plaine de Ghriss a connu un net rabattement des niveaux piézométriques, sous l’effet conjugué de la surexploitation, du développement rapide de l’irrigation et de la baisse des précipitations. Ce rabattement est estimé à 32 mètres en moyenne ».
Il précisait également : « Le rabattement piézométrique maximal est observé dans la région sud-ouest de la ville de Froha où il atteint plus de 60 mètres en 31 ans ». Un rabattement qui s’explique également aujourd’hui du fait de la persistance de l’irrigation par aspersion, moins économe en eau que l’irrigation par goutte à goutte.
Co-auteur d’une seconde étude, Belkacem Bekkoussa utilise l’expression « d’agropole » pour qualifier la wilaya de Mascara.
Il ajoutait : « Au vu de l’accroissement des besoins en eau, et notamment ceux du secteur agricole qui constitue le premier consommateur d’eau, l’approvisionnement de la Wilaya par des ressources extérieures s’avère une nécessité absolue ».
Fin décembre 2023, lors de sa visite d’inspection à Mascara, le ministre de l’Hydraulique, Taha Derbal, a rassuré les utilisateurs en soulignant que « la wilaya de Mascara sera introduite dans l’étude globale de transfert de l’eau de mer dessalée et qu’elle sera l’une des wilayas bénéficiaires de ces projets », rapportait l’agence APS.
À partir de 1985, face à la crise hydrique, des producteurs de Mascara ont migré vers la wilaya de Tiaret et notamment vers la commune de Rechaïga au sous-sol riche en eau. Des agriculteurs itinérants qualifiés de « chercheurs d’eau ».
L’oignon rouge du désert de Nememcha
A Khenchela, la production d’oignons a été renforcée ces dernières années par l’extension des cultures au sud dans le désert de Nemamcha à la faveur d’autorisations de forage attribuées à de nouveaux investisseurs. En janvier dernier, une entreprise privée de Khenchela a procédé à l’exportation de 25 tonnes d’oignons rouges vers la Mauritanie via le port de Skikda.
Des exportations dépassant la valeur de 429.000 dollars, selon Messaoudi Noui, l’opérateur économique concerné. Il confiait à l’agence APS que : « L’oignon exporté a été acheté auprès des agriculteurs ayant investi dans le désert Nemamcha à l’extrême sud de la commune Babar à Khenchela ».
Messaoudi Noui ajoutait que : « L’entreprise prévoit au cours du premier trimestre 2024 l’exportation de 405 tonnes d’oignon rouge vers le Bangladesh, Le Sri Lanka et l’Inde ».
Début octobre 2023, l’agence APS indiquait qu’à l’occasion d’une visite de travail dans la wilaya de Khenchela, le ministre de l’Hydraulique avait indiqué qu’« après avoir écouté les préoccupations des citoyens, que son département étudiait actuellement la possibilité de fournir des ressources en eau, conventionnelles ou non conventionnelles, supplémentaires pour répondre à la demande croissante en eau d’irrigation ».
Une wilaya, qui selon les propos du ministre, présentait : « Un saut qualitatif dans le domaine de la production agricole ».
À cette occasion, Taha Derbal, avait demandé à l’Agence nationale des ressources hydrauliques (ANRH) de « faciliter et de simplifier les démarches liées à l’octroi des autorisations de fonçage de puits artésiens destinés à l’irrigation agricole ».
Des aides à l’exportation hors hydrocarbures
Les exportateurs algériens d’oignons peuvent bénéficier d’aides à l’exportation. En 2021, l’Agence Nationale de Promotion du Commerce Extérieur (ALGEX) précisait dans son Guide pratique de l’exportateur algérien ces différentes aides et rappelait que sa mission est de : « Contribuer, sous l’égide du Ministère du Commerce, au développement des exportations algériennes hors hydrocarbures ».
Depuis 2019, un arrêté interministériel fixe « les taux de remboursement au titre d’une partie des frais de transport international des produits destinés à l’exportation ».
Ainsi, pour les produits agricoles périssables ou à destinations éloignées, ce taux est de 50 %. Une aide appréciée des exportateurs dont plusieurs ont été distingués en 2023 à l’occasion de la 1ʳᵉ édition de la Médaille d’honneur de l’exportation.
C’est le cas de l’entreprise Boublenza de Tlemcen, qui exporte de la poudre de caroube représentant une valeur annuelle de 47,6 millions USD et de la société Biodattes pour ses exportations de dattes biologiques avoisinant les 5 millions USD.
L’huile Kiared de Baghlia (Boumerdes) a reçu le prix du meilleur exportateur d’huile d’olive d’Algérie.
Fin décembre 2024, la marque d’huile d’olives Dahbia devrait bientôt être disponible à la vente aux États-Unis, au Canada et au Mexique, a appris TSA de son fondateur et propriétaire Hakim Alileche. Les premières cargaisons de Dahbia, l’huile d’olive algérienne la plus primée à l’étranger, seront envoyées aux États-Unis en janvier.
La vente d’oignons à l’étranger s’inscrit dans la stratégie de développement des exportations hors hydrocarbures. Cependant, dans les conditions actuelles des techniques d’irrigation, cette culture peut affecter le niveau des nappes d’eau. Un défi nouveau pour les exportations hors hydrocarbures.
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