Les vagues de chaleur extrême se succèdent en Algérie. Les épisodes caniculaires, avec des températures de plus de 49 °C dans certaines régions, se multiplient et n’épargnent aucune région du pays.
Le Nord, où les températures extrêmes étaient exceptionnelles, est touché de plein fouet. Cette année, ils ont commencé un peu plus tôt, en plein hiver. Depuis le début du mois de juin, Météo Algérie a lancé huit alertes à la canicule.
Le dernier épisode caniculaire en date a eu lieu en cette semaine fin de semaine de juin. Météo Algérie a annoncé mercredi des températures de plus de 45 °C dans plusieurs régions du Nord et du Sud du pays.
Algérie : vagues de chaleur et manque d’eau
Les températures dépassent parfois les 45 degrés en ce mois de juin au Sud du pays. Une chaleur difficile à supporter pour les habitants, les animaux et les plantes.
Dans les champs de Tiaret, après la récolte des céréales, les moutons pâturent les chaumes de blé. En milieu de journée, écrasés par la chaleur, immobiles, ils tentent de se protéger du soleil en abritant leur tête à l’ombre du flanc de leurs congénères.
Dans les poulaillers, les ventilateurs tournent à plein, mais beaucoup d’éleveurs estiment trop risqué d’élever des volailles durant l’été, aussi attendent-ils septembre pour commander de nouvelles bandes de poussins.
Avec la canicule, les vaches suffoquent. Pour faire face, des éleveurs ont installé des ventilateurs qui permettent d’apporter un peu de confort et de chasser les mouches, cela n’empêche pas une chute de la production de lait. Quand elles sont stressées, les vaches produisent moins de lait.
Dans les habitations, la chaleur est également difficilement supportable. De façon étonnante, le plus souvent, leurs concepteurs n’ont pas envisagé de les adapter aux fortes températures.
L’Algérie continue de construire des logements avec des matériaux conducteurs de la chaleur comme le béton et la brique, y compris dans les régions fortement exposées aux fortes températures comme les Hauts plateaux et le Sahara.
L’an passé, le 23 juillet, un communiqué de la Sonelgaz indiquait qu’un pic inédit de consommation électrique avait été atteint avec 18.697 mégawatts. En cause, le fonctionnement des climatiseurs. Cette année, la consommation d’énergie risque de battre de nouveaux records.
Quand il fait trop chaud, comme c’est le cas en cette fin du mois de juin dans l’Est et le Sud du pays, chacun tente de parer à la canicule : sorties aux heures les moins chaudes de la journée et bouteille d’eau à portée de la main.
Ces épisodes caniculaires surviennent alors que l’Algérie est confrontée à une grave pénurie d’eau potable à cause de la sécheresse qui sévit dans le pays ces dernières années.
L’eau est, en effet, un problème majeur en cette période de canicule. Ces dernières années, ces vagues de chaleur ont été précédées d’une réduction des pluies.
À Tiaret, le barrage de Bekhedda est à sec et a motivé l’accélération des chantiers de transfert d’eau pour alimenter le chef-lieu de wilaya. Des transferts opérés à partir de champs de captage d’eaux souterraines qui concernent également les villes environnantes. À Alger, l’eau est toujours sévèrement rationnée.
Canicule, des dégâts dans les champs
Plus à l’Ouest, à Relizane, la canicule pèse lourdement sur le quotidien des habitants et affecte le secteur agricole.
C’est le cas de ces grandes parcelles consacrées aux cultures industrielles. Au milieu de son champ de tomates, un agriculteur confie à Ennahar TV : « Hier, les plantes étaient de couleur verte et à notre arrivée aujourd’hui, elles ont une couleur jaune et sont en partie desséchées du fait du sirocco ».
Balayé par le vent chaud, le champ montre des plantes brunies par des températures qui auraient atteint 46 °C, selon l’agriculteur.
Plusieurs ouvriers s’affairent à récolter les tomates mûres destinées à la conserverie locale. Beaucoup d’entre elles sont jaunies par les fortes chaleurs.
« On les trie et les plus belles seront amenées à l’usine. Des 100 quintaux prévus à l’hectare, on espère arriver à en produire 70 », explique l’agriculteur qui poursuit : « Les tomates ont besoin d’eau et de températures clémentes ». En l’absence de nouvel épisode caniculaire, les plans les moins atteints pourraient continuer à produire, mais elles demeurent à la merci d’une nouvelle vague de chaleur.
En 2023, les fortes températures de juillet ont brûlé les feuilles de vigne et les grappes de raisin, provoquant des dégâts considérables à Boumerdès.
Le 9 août 2021, un rapport du Groupe international d’experts sur l’évolution du climat (Giec) a élaboré des scénarios pour le changement climatique au niveau régional.
Pour Robert Vautard, directeur de recherche au CNRS et coordinateur d’une partie de l’étude, c’est dans la région méditerranéenne que le changement climatique devrait être le plus radical.
« Ce fait est établi avec un haut niveau de certitude. Tous les types de phénomènes y sont en changement : vagues de chaleur, de froid, inondations, pluies extrêmes, sécheresses, risques de feu, baisse des vents moyens, augmentation des cyclones méditerranéens, phénomènes côtiers… », pronostique l’expert.
L’Algérie fait partie des pays les plus exposés au changement climatique. D’un pays semi-aride, il risque de devenir un pays aride, avec des conséquences importantes sur l’agriculture, la consommation de l’énergie (électricité et gaz), la multiplication des incendies, les pénuries d’eau…
Canicules, de rares alternatives
Les températures supérieures à 40 degrés étaient relativement récentes au Nord de l’Algérie. Auparavant, elles restaient cantonnées au Sud où de tout temps les agriculteurs des oasis ont su s’adapter. Les cultures les plus fragiles sont, en effet, installées à l’ombre des palmiers.
À Relizane, la parcelle de l’agriculteur ne présente aucun brise-vent susceptible de freiner le sirocco. Aussi, l’alternative pourrait être d’en planter comme c’est le cas à Mitidja autour des vergers d’agrumes ou autour des parcelles de légumes avec ces haies traditionnelles faites de canes desséchées de roseaux.
À l’avenir, la solution pourrait consister à utiliser au mieux la période de culture allant des mois de septembre à juin en privilégiant les espèces et les variétés résistantes en les combinant à des dispositifs adaptés faciles à mettre en œuvre.
À ce titre, les brise-vents, l’agroforesterie et les associations de culture restent les voies les plus prometteuses : champs avec des rangées d’arbres en protection contre les vents desséchants, plants de maïs ou de sorgho plantés entre les rangs de tomates. La recherche agronomique voit s’ouvrir un nouveau champ d’investigation.
En Europe, le développement de l’agri-voltaïsme, cette pratique qui consiste à installer des panneaux solaires dans les champs, a montré que les cultures pouvaient bénéficier d’une protection contre les grosses chaleurs. Mais ces solutions futuristes présentent un coût élevé. Reste l’utilisation d’ombrières solaires comme dans les pépinières d’arbres forestiers.
Depuis des années en Algérie, les agriculteurs cherchent des parades à la sécheresse. Des éleveurs font germer dans des enceintes closes des graines d’orge avant de les donner comme fourrage à leurs animaux.
Ailleurs, d’étonnantes voies sont explorées. C’est le cas à Dubaï où la ferme verticale Bustanica (notre jardin) dispose d’une surface de 30.000 m². Selon son directeur Robert Fellows, elle permet de produire différentes variétés de salades dans un environnement artificiel entièrement contrôlé par ordinateur.
Les canicules plus fréquentes au Nord de l’Algérie amènent à trouver des alternatives tant pour les habitations que pour l’agriculture.
Concernant les habitations, les alternatives à la canicule sont à priori nombreuses avec architecture adaptée et isolation thermique renforcée. Quant à l’agriculture, les solutions restent encore à imaginer, mais il est temps d’agir.
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