L’ONS vient de livrer les dernières données concernant l’évolution de la population algérienne. Elles confirment globalement la reprise, enregistrée depuis le début de la décennie en cours, d’une croissance très vive de la natalité.
Voici quelques mois, le ministre de la Santé, Mokhtar Hasbellaoui, avait dit tout haut, devant la commission des affaires sociales de l’APN, ce que beaucoup de gens pensaient tout bas depuis des années.
«Les Algériennes font trop d’enfants», avait déclaré ce spécialiste en évoquant l’« explosion » du nombre des naissances dans notre pays au cours des dernières années.
Explosion démographique ? Le mot n’est sans doute pas trop fort. Au 1er janvier 2018, nous étions 42, 2 millions. La population algérienne a connu un véritable «boom» depuis le début des années 2000, grâce, essentiellement, à un cadre social et économique plus favorable.
L’Algérie a enregistré, au cours des 4 dernières années, plus d’un million de naissances par an (1,06 million l’année dernière), alors que ce chiffre était seulement de 580 000 au début des années 2000. Et ce n’est sans doute pas fini.
Le phénomène gonfle constamment et s’alimente de lui-même. Les spécialistes révèlent qu’il y a aujourd’hui, en Algérie, 11 millions de femmes en âge de se marier et de faire des enfants, un autre facteur qui risque d’emballer la croissance démographique.
Une « transition démographique » interrompue et inversée
L’Algérie n’est décidément pas un pays comme les autres. La politique de planification familiale et de régulation des naissances, adoptée durant les années 70 et 80 avait donné des résultats spectaculaires.
La natalité est passée de 7 enfants par femme en 1983 à 2,4 enfants en 2002. Tout le monde s’attendait à ce que cette évolution (sans doute accélérée par les troubles de la décennie noire) se poursuive régulièrement.
A l’image de ce qui se passe dans tous les pays comparables qui l’ont précédé dans cette voie, comme la Tunisie ou même le Maroc plus récemment dont la population est désormais à peine supérieure à 35 millions d’habitants alors que son effectif était encore tout proche de celui de l’Algérie voici une décennie.
L’Algérie a encore surpris tous les spécialistes en amorçant une inversion unique au monde de sa «transition démographique». Depuis le début des années 2000, la natalité a recommencé à augmenter de plus belle et le nombre d’enfants par femme est de nouveau supérieur à trois en moyenne ( 3,1 en 2017 tout comme en 2016 ) .
Principale conséquence : le taux d’accroissement naturel de la population, qui lui aussi laissait croire à une transition démographique à l’instar des pays voisins (2,49% en 1990 et 1,48% en 2000), s’est nettement retourné (1,92% en 2008 et 2,09% en 2017) .
« Baby boom » et fièvre nuptiale
Si le nombre de naissances en Algérie a pratiquement doublé entre 2000 et 2017, cela est dû en grande partie à la «fièvre nuptiale» qui s’est emparée des Algériens.
Les derniers chiffres disponibles indiquent que plus de 340 000 mariages ont été enregistrés durant l’année 2017, contre 177 000 en 2000, ce qui explique cette croissance du taux de natalité. L’augmentation du nombre des naissances est également encouragée par le mariage à un plus jeune âge. Conséquence: une enquête de l’ONS indiquait, qu’en 2015, on a enregistré une moyenne de naissances quotidienne de 2800, contre 2700 en 2014 et 2600 en 2013. Le nombre de 3000 naissances par jour est donc en vue et pourrait être dépassé très rapidement.
Dynamique démographique et besoins sociaux
Dans ses perspectives de l’évolution de la population algérienne jusqu’à 2040, l’ONS avance que la population résidente en Algérie atteindra un nombre de 44,2 millions en 2020, de 51,3 millions en 2030 et de 57,6 millions en 2040.
De nombreux experts ont tiré la sonnette d’alarme au cours des dernières années, en dénonçant la passivité et l’inaction des pouvoirs publics.
Commentaire tout récent du Professeur Youcef Benabdallah : “ce retournement démographique, s’il venait à se maintenir dans le moyen terme, pèsera lourdement sur les capacités à satisfaire les besoins qu’il générera en terme d’éducation, de santé, d’emploi et de création de richesses”.
Les défis seront d’autant plus “nombreux”, que le rapport de l’ONS, “laisse prévoir une hausse importante de la population dépendante (rapport des moins de 5 ans et des plus de 60 ans à la population en âge de travailler) du fait même de l’augmentation des naissances et de l’espérance de vie”.
Vers le retour de la planification familiale ?
A moins que les derniers chiffres publiés au titre de l’année 2017 traduisent un infléchissement de la courbe et le début d’un nouveau retournement de situation.
Ils indiquent pour la première fois depuis près d’une décennie une réduction modeste ( 0,7 %) du nombre des naissances et des mariages qui sont en baisse plus sensible de 5% par rapport à 2016 .
Premiers effets de la crise économique sur le moral des ménages ou premiers résultats des politiques publiques dans le secteur ? C’est seulement depuis quelques mois que le ministère de la Santé s’est souvenu qu’il est aussi le ministère de la Population. Il évoque désormais, de nouveau, les notions oubliées depuis des décennies de «planification familiale» et d’«espacement des naissances».
On apprend ainsi que le ministère dirigé par M. Hasbellaoui a décidé d’appliquer une stratégie plus active avec l’objectif de réduire la natalité à 2,1 enfants par femme d’ici à 2035, ce qui constitue le «seuil de renouvellement des générations» et permettrait à cette date de stabiliser la population dans notre pays qui aura quand même sans doute atteint d’ici là, plus de 55 millions d’habitants.