L’épidémie de la Covid-19 est de retour en Algérie. Après plusieurs mois d’accalmie, les contaminations quotidiennes ont repris leur courbe ascendante jusqu’à frôler hier vendredi la barre des 500 cas.
Les raisons de cette flambée peuvent varier mais le constat est là : les consultations augmentent et les hospitalisations font planer le spectre de la saturation des structures hospitalières.
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« Nous avons assisté ces trois derniers jours à une progression des contaminations quotidiennes. Les chiffres officiels ne reflètent pas la réalité. Beaucoup de personnes ne réalisent pas de PCR. Ce qui laisse penser que les chiffres des contaminations sont plus élevés », entame le Pr Mostefa Khiati, président de la Forem qui se demande quel est le variant à l’origine de cette flambée de l’épidémie ?
« Il faudra réaliser des séquençages pour le démontrer. Ou bien s’agit-il d’une ondulation des chiffres qu’on a observés depuis quelques mois, avec des chiffres qui montent et qui descendent ? », se demande-t-il.
Pour le Pr Khiati, la hausse des chiffres s’est confirmée hier vendredi 2 juillet avec 475 cas positifs, contre 449 nouveaux cas positifs de Covid-19 jeudi 1er juillet, contre 397 mercredi et 389 mardi.
« Cette poussée des contaminations concerne aussi des pays comme l’Angleterre, mais avec moins de morts grâce à la vaccination massive, avec plus de 15 millions de personnes vaccinées », relève le Pr Khiati qui déplore qu’ « en Algérie, on ne connait pas malheureusement le nombre de vaccinés jusqu’à présent ».
« Tout ce que l’on sait est qu’il y a eu 2,5 millions de doses (réceptionnées), mais le ministère de la Santé n’a pas donné de chiffres officiels des personnes vaccinées. Or, il devrait le faire quotidiennement comme il le fait pour le bilan des contaminations, afin de stimuler la population à se faire vacciner », recommande le spécialiste.
Le 6 juin dernier, le Pr Riad Mahyaoui, membre du comité scientifique de suivi de la Covid, avait annoncé que près de deux millions d’Algériens ont jusqu’alors été vaccinés contre la Covid-19.
À la faveur de la nouvelle reprise des contaminations, le Pr Khiati met en garde contre une mortalité importante étant donné qu’il n’y a pas suffisamment de personnes vaccinées.
Services Covid submergés
Les médecins tirent la sonnette d’alarme sur une saturation des structures de santé, aggravée par un déficit en personnels soignants. « Nous travaillons depuis seize mois non-stop avec la même équipe restreinte. Aujourd’hui, on nous somme d’ouvrir d’autres services sans qu’on nous accompagne avec les moyens humains », s’offusque le chef du service des maladies infectieuses à l’EPH de Boufarik, le Dr Mohamed Yousfi.
Selon l’infectiologue, la pression sur l’hôpital de Boufarik est telle qu’un médecin a eu un malaise, jeudi dernier, devant le nombre important de patients qui ont afflué aux urgences médico-chirurgicales.
« On est submergés et on ne veut toujours pas nous renforcer en personnels. J’ai lancé un appel au directeur de la santé en lui disant « aidez-nous ». Jeudi, on a rouvert le service de chirurgie qui avait repris ses activités, et actuellement plus de 100 lits (service d’infectiologie, médecine interne et chirurgie) sont mis à la disposition des malades Covid. Soit pratiquement la moitié des capacités de l’hôpital », alerte le Dr Yousfi.
« Il n’y a que la maternité et les urgences qui fonctionnent encore normalement », fait-il observer.
L’afflux observé jeudi dernier de malades venus consulter a dépassé les 100 cas dont 20 ont été hospitalisés, a indiqué Dr Yousfi.
À Tizi-Ouzou, des sources médicales font état d’une reprise inquiétante des cas de Covid-19. Au CHU Mustapha, à Alger, la mobilisation maximale a été décrétée.
La direction du plus grand hôpital d’Algérie a décidé de revenir au dispositif de « mobilisation maximale » avec une capacité de 300 lits à partir de ce samedi 3 juillet.
Pour le Dr Yousfi, le rebond épidémique est la conséquence du relâchement des mesures barrières avec la multiplication des brassages en tous genres, notamment les fêtes de mariages.
« On a été dans une première vague, puis une 2e et ensuite une accalmie (…) on n’a pas beaucoup investi pour sortir de cette situation dans des conditions meilleures », critique le Dr Lyes Merabet, médecin de santé publique, et président du Syndicat des praticiens de santé publique (SNPSP).
Que faut-il faire immédiatement pour éviter que la situation n’échappe au contrôle ? Le président du SNPSP propose d’intensifier l’acte préventif par la communication sur divers supports, en particulier au sujet du respect des mesures barrières.
Tant personnellement et collectivement, « y compris l’éventualité d’un confinement territorial », ajoute-t-il. Le second axe sur lequel insiste le Dr Merabet est celui de la prise en charge des malades du Covid-19.
« On est en train de dire qu’il y a de plus en plus de malades qui arrivent à l’hôpital, ce qui en soi nous inquiète, car on ne veut pas retomber dans la situation de la 2e vague durant laquelle on manquait de lits, mais aussi de moyens de protection », explique le praticien.
« Là où la responsabilité du ministère de la Santé en tant que tutelle doit être mise en relief, c’est à ce niveau-là : l’organisation du circuit de prise en charge », ajoute Dr Merabet qui rebondit sur le troisième axe relatif à la vaccination.
« La campagne de vaccination doit s’accélérer massivement, et on doit aussi sensibiliser et communiquer en utilisant tous les supports possibles », conclut-il.