Société

L’Algérie impose le visa aux Marocains, une autre mesure douloureuse

La décision que l’Algérie a évité de prendre il y a trois ans lorsqu’elle a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc, elle a fini par la décréter ce jeudi 26 septembre 2024.

Les ressortissants marocains sont désormais de nouveau astreints à l’obligation d’obtenir un visa des autorités consulaires algériennes pour pouvoir entrer sur le sol national. Tous les détenteurs de passeports marocains y compris les binationaux sont concernés.

Une décision douloureuse qui survient dans un contexte de grave crise économique et sociale au Maroc où le taux de chômage des jeunes avoisine 50%.

Une décision douloureuse

La décision met fin à près de deux décennies de libre circulation entre les deux pays. Bien qu’elle soit prise par l’Algérie, il n’en reste pas moins qu’elle a été provoquée par le Maroc qui, 20 ans durant et particulièrement ces dernières années, a fait mauvais usage et abusé de cette liberté de circuler. 

Les agissements marocains sont cités par le ministère algérien des Affaires étrangères, entre autres griefs retenus contre les autorités marocaines. 

“Le Royaume du Maroc est tenu pour seul responsable de l’actuel processus de dégradation des relations bilatérales par ses agissements hostiles à l’Algérie”, accuse la diplomatie algérienne dans le communiqué annonçant la réintroduction du visa. 

Le processus de dégradation des relations entre les deux voisins a en fait commencé il y a trois décennies. À l’origine, les mêmes agissements hostiles du royaume. L’intermède du rapprochement et de l’édification maghrébine entamé en 1989 n’a duré que cinq ans.

En juillet 1994, alors que l’Algérie était en proie à la violence terroriste, le Maroc lui a injustement imputé un attentat à Marrakech, imposant dans la foulée le visa aux ressortissants algériens et même aux franco-algériens. 

La décision et l’accusation, venant de surcroît d’un pays frère, avait fait très mal à l’Algérie qui faisait face à un boycott tacite des compagnies aériennes et des investisseurs étrangers à cause de sa situation sécuritaire. La réplique a été d’imposer le visa aux ressortissants marocain et de fermer la frontière commune. 

Visa entre l’Algérie et le Maroc : le précédent de 1994 

Cette frontière demeure toujours fermée trente ans après malgré les incessantes supplications marocaines pour la rouvrir. 

Le Maroc a levé en 2004 l’obligation d’obtenir un visa pour les Algériens et l’Algérie en a fait de même une année plus tard, en 2005. 

Mais les relations entre les deux voisins ne sont jamais redevenues tout à fait normales, sur fond de profonde divergence sur la question du Sahara occidental. Elles se sont au contraire gravement dégradées à partir de 2021 suite à des actes inacceptables, dont certains assumés publiquement par les autorités marocaines. 

La normalisation des relations entre le Maroc et Israël en décembre 2020 a été le point de départ de cette nouvelle phase d’animosité. Pendant l’été 2021, la presse mondiale a révélé l’implication des services marocains dans une vaste opération d’espionnage de personnalités étrangères, notamment algériennes, via le logiciel espion israélien Pegasus.

Pendant la même période, Yair Lapid, alors chef de la diplomatie israélienne, est venu au Maroc d’où il a proféré des menaces à l’égard de l’Algérie.

Ce à quoi s’est ajouté l’appel lancé par le représentant du Maroc à l’ONU, Omar Hilale, à la partition du territoire algérien par son soutien apporté au MAK, un mouvement qui sera classé organisation terroriste par l’Algérie.

Ces trois actes notamment le dernier ont précipité la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, décrétée officiellement le 7 août 2021. La décision s’est toutefois limitée aux liens diplomatiques, épargnant les services consulaires, les échanges économiques et la libre circulation des personnes.

L’Algérie prendra néanmoins des mesures supplémentaires en représailles à chaque nouveau dérapage des autorités, de la presse, des personnages politiques et même de l’armée marocaine qui a tué trois commerçants algériens dans un bombardement à la frontière entre la Mauritanie et le Sahara occidental, en novembre 2021. 

Le visa pour les marocains trois semaines après la découverte d’un réseau d’espionnage en Algérie  

On citera la fermeture de l’espace aérien algérien aux avions civils et militaires marocains, la fermeture du gazoduc Maghreb-Europe (GME) qui relie l’Algérie à l’Espagne via le Maroc ou encore l’interdiction faite à l’Espagne de revendre au Maroc le gaz importé d’Algérie. 

Tout comme la fermeture des frontières, toutes ces représailles ont fait très mal à une économie marocaine déjà mal en point. 

L’imposition du visa au ressortissants marocains ne devrait pas être moins douloureuse, car survenant dans une conjoncture économique et sociale très difficile pour le Maroc, comme l’illustre la tentative de “grande évasion” de la jeunesse marocaine vers l’enclave de Ceuta le 15 septembre. Des appels sont lancés pour une autre tentative de prendre d’assaut l’enclave espagnole le 30 septembre prochain.

Un récent rapport de l’OCDE (Organisation de la coopération et du développement économique) a révélé que le chômage touche 38,5% de la jeunesse marocaine.

Le gouverneur de Bank Al-Maghribi (Banque centrale du Maroc) a dit cette semaine que le taux de chômage des jeunes au Maroc était de 48,8%, imputant cette situation à la perte de centaines de milliers d’emplois dans le secteur agricole à cause de la sécheresse endémique.

Le royaume subit de plein fouet les retombées de l’inflation mondiale, de la sécheresse qui dure depuis cinq ans, du séisme de 2023 et des inondations de cette fin d’été 2024, mais aussi les conséquences de la gestion de ses dirigeants qui dépensent sans compter en équipements militaires du nouveau fournisseur israélien. 

La fin de la libre circulation affecte aussi les Marocains expatriés, les franco-marocains notamment qui, avant ce 26 septembre 2024, pouvaient se rendre en Algérie pour tourisme, travail ou affaires sur simple présentation de leur passeport marocain.

De nombreuses entreprises européennes les emploient et les dépêchent en Algérie car exemptés de visas, contrairement à ceux qui ont la nationalité exclusive d’un pays européen. De nombreux travailleurs venaient en Algérie pour travailler dans le bâtiment et l’agriculture.

En instaurant le visa, c’est le marché de l’emploi en Algérie qui se ferme subitement à tous les Marocains qui venaient pour y travailler, et ce au moment où l’Europe, en crise, se barricade pour les migrants, et le régime de Rabat est obligé de jouer au gendarme au risque de perdre ses soutiens dans le conflit au Sahara occidental. 

La décision de l’Algérie était inéluctable avec le nombre d’actes “attentatoires” qu’a permis l’exemption de visa, comme la mise en place de réseaux de trafics en tout genre, notamment de drogues.

L’acte de trop est sans doute l’introduction d’espions sur le territoire algérien, comme l’a souligné le ministère des Affaires étrangères. Le 1er septembre, les autorités algériennes ont annoncé le démantèlement à Tlemcen, près de la frontière marocaine, d’un réseau d’espionnageau profit du Maroc constitué de six personnes. 

Moins d’un mois après, le visa est de nouveau imposé aux Marocains. Avec cette précision de taille : il est, entre autres, reproché au régime marocain “le déploiement d’agents de renseignements sionistes, détenteurs de passeports marocains pour accéder librement au territoire national”. 

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