Le président du Conseil italien Mario Draghi est attendu ce lundi à Alger. La visite survient dans un contexte de tension mondiale sur le gaz naturel à cause de la guerre en Ukraine et s’inscrit dans la dynamique en cours, non pas de rapprochement, mais de raffermissement des relations entre l’Algérie et l’Italie, depuis toujours bonnes.
Elle est d’autant plus symbolique qu’elle intervient quelques jours seulement après celle effectuée au Maroc par le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez.
Ukraine, Algérie, gaz : entretien avec Abderrahmane Hadj Nacer
Il sera évidemment question de gaz essentiellement, comme le laisse deviner la composante de la délégation italienne. Outre le ministre des Affaires étrangères Luigi Di Maio, le président du groupe énergétique ENI et le ministre de la Transition énergétique accompagnent le Premier ministre dans son déplacement à Alger.
Selon l’agence Reuters, Draghi vient pour signer un accord visant à augmenter les quantités de gaz livré à l’Italie. Cette dernière est le premier client du gaz algérien mais veut des quantités supplémentaires depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine pour réduire sa dépendance du gaz russe qui constitue 40% de ses importations.
Selon la chaîne Al Arabiya, Alger et Rome vont signer un accord portant une augmentation de 50% des livraisons de gaz vers l’Italie à l’occasion de cette visite, soit une quantité de 9 à 10 milliards de m3 par an. En 2021, l’Algérie a fourni 21 milliards de m3 de gaz à l’Italie qui a importé 29 milliards de m3 de gaz de Russie, selon la même source.
La signature d’un tel accord était prévisible depuis plusieurs semaines au vu des déclarations officielles faites du côté d’Alger. Dès fin février, soit dans la première semaine de la guerre en Ukraine, Luigi Di Maio s’est rendu à Alger, suivi par une délégation de hauts responsables du géant ENI.
Interrogé par le quotidien Liberté sur la disposition de l’Algérie à répondre aux sollicitations européennes pour fournir plus de gaz, le PDG de Sonatrach, Toufik Hakkar, a fait état d’une capacité inutilisée sur le gazoduc Transmed qui relie l’Algérie à l’Italie qui pourrait servir pour acheminer des quantités supplémentaires.
D’une capacité de 110 millions de mètres cubes/jour, le gazoduc transporte à peine plus de la moitié de cette quantité (60 millions de mètres cubes).
La crise ukrainienne n’a fait qu’accélérer la dynamique du renforcement du partenariat algéro-italien, boosté aussi quelque part par la brouille de l’Algérie avec l’Espagne, le deuxième client européen de son gaz et qui réclamait aussi des quantités supplémentaires avec l’ambition de devenir un hub européen du gaz (américain et nord-africain).
« Imbriquer un peu plus les deux pays »
En réaction au revirement spectaculaire de l’Espagne sur la question du Sahara occidental, une source algérienne a indiqué le 25 mars au journal espagnol El Confidencial, que l’Algérie respectera ses obligations contractuelles, mais, en dehors de ce cadre, « elle modulera ses relations en direction de certains partenaires de l’Europe du sud qui ont investi en Algérie et qui entretiennent d’excellentes relations traditionnelles avec notre pays ».
Plus explicite, la source a ajouté que « l’Italie est tout à fait qualifiée pour devenir le hub gazier dans la région eu égard à la capacité du gazoduc Enrico Mattei et à la demande et la disponibilité affichées par les opérateurs de ce pays ami ».
Fin octobre dernier, le Transmed est rebaptisé gazoduc Enrico Mattei, du nom du PDG d’ENI, ami de la révolution algérienne. En mars, l’agence Reuters a rapporté que le groupe Italien était sur le point de racheter des actifs de BP en Algérie, confortant sa position d’investisseur majeur dans le secteur énergétique algérien.
L’entente algéro-italienne a tout pour aller au-delà du gaz, estiment néanmoins les observateurs.
« Dans les moments durs, l’Italie a toujours été là (…) Je dirai que c’est le moment de définir une politique industrielle mixte avec l’Italie. Non pas d’échanger du pétrole et du gaz contre quelques industries, mais carrément imbriquer un peu plus les deux pays, jusqu’à échanger des actions entre Sonatrach et ENI », a suggéré l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Abderrahmane Hadj Nacer, dans un entretien paru samedi sur TSA.