En Algérie, l’infection à la Covid-19 n’est pas reconnue comme maladie professionnelle par les organismes de sécurité sociale, ni comme accident de travail. Le Pr Mustapha Haddad, spécialiste de la médecine du travail au CHU de Constantine, explique pourquoi la Covid-19 doit être reconnue comme maladie professionnelle.
Des dizaines de praticiens de la santé sont décédés ou ont contracté la Covid-19. Paradoxalement, elle n’est toujours pas identifiée comme une maladie professionnelle ou comme un accident de travail. Est-ce normal ?
Ce n’est pas normal, parce que les personnels soignants ont été contaminés en milieu de travail par un virus qui est porté par le patient. Ils (pouvoirs publics, ndlr) auraient dû appliquer les mêmes dispositions que pour l’hépatite virale ou bien les dispositions du tableau des maladies professionnelles n° 75. Il faut que ce soit le résultat d’une analyse et d’une observation du secteur de la santé pour essayer de trouver une solution, avant que (la question) ne devienne une revendication. En ce qui me concerne, je considère que les infections à la Covid-19 des personnels soignants comme étant à caractère professionnel.
Selon vous, à qui incombe la tâche de régler ce problème ?
Le problème doit être réglé par la CNAS chez laquelle le travailleur est assuré. Or, la CNAS refuse toute reconnaissance de cette pathologie comme une maladie professionnelle. C’est d’autant plus anormal qu’elle ne donne pas d’arguments qui ne justifieraient pas la décision (de reconnaissance de la Covid-19 comme maladie professionnelle, ndlr). Pour nous spécialistes de la médecine du travail, nous pouvons négocier sur la base d’une argumentation. Pour nous, le travailleur de la santé est exposé à un risque de contamination à la Covid-19 qui se trouve chez le patient. Pour nous, la démarche aurait dû donc être comme celle adoptée pour l’hépatite virale. L’autre démarche pourrait consister en l’extension du tableau 75 des maladies professionnelles, qui recense toutes les maladies qu’un travailleur contracte sur son lieu de travail, en y intégrant la Covid-19. Cette question peut être discutée par la Commission nationale des maladies professionnelles. Il y a urgence que cette commission se réunisse et prenne une décision. Mais le plus étonnant c’est que l’Algérie est parmi les plus avancés dans le bassin méditerranéen, en matière de textes de lois qui protègent la santé des travailleurs. Et concernant la Covid-19, je sens qu’il y a dysfonctionnement. Comment se fait-il que des pays qui nous envient notre législation relative à la protection de la santé des travailleurs, ont reconnu la Covid-19 comme maladie professionnelle alors que nous, en Algérie, sommes encore à la traîne ? Il faut trouver une solution. On ne peut pas rester dans cette situation avec 10 000 contaminations dans le corps des personnels soignants.