Malgré son fort potentiel en termes de marché domestique, de richesses naturelles et d’opportunités, notre pays reste peu attractif pour les IDE et maintient depuis de nombreuses années les plus faibles résultats de la région.
Comme chaque année à la même époque, la CNUCED, un organisme dépendant de l’Onu qui est la référence internationale dans le domaine, vient de publier son bilan annuel des IDE dans le monde.
Les flux d’investissement direct étranger (IDE) à destination de l’Algérie se sont établis à 1,2 milliard de dollars en 2017. L’organisme Onusien basé à Genève relève que les IDE captés par l’Algérie en 2017 sont en baisse de 26% par rapport aux 1,63 milliard de dollars enregistrés en 2016. Durant le même exercice le flux d’IDE sortant est resté négligeable. Il a baissé à 4 millions de dollars contre 46 millions de dollars en 2016, selon les mêmes données.
L’Algérie en queue du peloton régional
Fidèle à ses habitudes, la communication officielle, relayée par la plupart des médias nationaux, tente de nous expliquer que « le recul des IDE en Algérie a été, enregistrée dans le sillage d’une baisse généralisée de l’investissement direct étranger en Afrique ». Selon le rapport onusien, les flux captés par le continent ont en effet chuté à 42 milliards de dollars en 2017, soit une baisse de 21% par rapport à 2016.“La faiblesse des prix du pétrole et les conséquences négatives de la récession du secteur des matières premières sur le plan macroéconomique ont contribué à la contraction des flux dans les principales économies africaines”, explique la Cnuced.
Le problème c’est que Les flux d’IDE vers l’Afrique du Nord ont diminué de seulement 4% pour atteindre 13 milliards de dollars. Si les investissements en Égypte étaient légèrement en baisse l’année dernière, le pays est resté le principal bénéficiaire des IDE en Afrique. Les IDE en Tunisie se redressent nettement à 0,9 milliard de dollars après une mauvaise année 2016. L’agence officielle oublie en outre carrément de parler du voisin marocain qui enregistre une hausse sensible des ses entrées d’IDE qui sont en augmentation de 23% à 2,7 milliards de dollars. En fait, si la moyenne régionale a baissé, c’est essentiellement en raison de la contre performance de l’Algérie .
Avec un PIB qui est le 2éme ou le 3éme du continent, l’Algérie se classe seulement en 13éme position sur les 54 pays du continent en termes de montant des IDE. Notre pays reste très loin des plus grands récipiendaires des investissements étrangers à l’échelle africaine.
L’automobile dope les IDE au Maroc
Les flux à destination de l’Égypte, par exemple, sont encore en 2017 près de cinq fois supérieurs à ceux enregistrés par notre pays. Ils ont surtout été stimulés par la découverte de réserves de gaz par des entreprises étrangères. L’investissement direct étranger au Maroc s’est affiché à la hausse durant l’année dernière , après avoir atteint 3,2 mds de dollars en 2015 et 2,3 milliards de dollars en 2016. Le Maroc s’est adjugé 2,7 milliards de dollars notamment grâce à son pôle automobile de Tanger.
Plus préoccupant encore, toujours suivant les bilans de la CNUCED, sur l’ensemble de la période 2010-2016, notre pays a accueilli au total à peine un peu plus de 8 milliards de dollars d’IDE.
C’est environ moitié moins que le voisin marocain. C’est également une « performance » qui nous place sur cette période à peu près au même niveau que la Tunisie dont le PIB est trois fois inférieur au nôtre et qui fait face depuis 2011 à une période d’instabilité politique peu favorable à l’attraction des investissements étrangers.
Des données nationales et internationales qui dessinent clairement le portrait d’un pays qui sous-performe en comparaison de son potentiel économique.
La faute au 51 / 49
Comment expliquer ce manque d’attractivité de l’économie algérienne pour les investisseurs internationaux ? En fait il n’y a pas beaucoup de mystère. Tout le monde le sait et le répète depuis des années sauf les autorités algériennes qui continuent de vanter avec obstination les mérites du 51 / 49 . Un climat des affaires « médiocre » et les contraintes imposées aux investisseurs depuis 2009 ont fait chuter les flux d’IDE au cours des dernières années .
Le dernier épisode révélateur du dialogue de sourd dans ce domaine entre les autorités algériennes et leurs partenaires étrangers s’est déroulé au mois de février dernier à Alger. Alors que les autorités algériennes croyaient sans doute la cause entendue et le principe admis par leurs interlocuteurs, c’est un des sujets que le patron des patrons français, Pierre Gattaz, a remis sur la table au début de l’année . À propos de la règle 49/51, il évoquait un « verrou » et affirmait carrément que « les investisseurs français qui veulent venir en Algérie ont peur de ne pas pouvoir avoir une majorité dans leurs entreprises ».
Lui répondant à distance, le ministre de l’Industrie et des Mines Youcef Yousfi avait affirmé que « pendant que les entreprises françaises attendent des signaux , d’autres investisseurs s’installent en Algérie ». Lesquels ? Youcef Yousfi était longuement revenu sur certains projets réalisés avec des partenaires étrangers. “Je suis extrêmement optimiste sur le devenir de l’industrie algérienne. Je dois relever l’agressivité des groupes industriels qui viennent en dehors de l’Europe, pour ne pas dire de la France. Ils sont patients. Ils savent attendre. Ils prennent des risques et ne reculent pas devant les difficultés.”
Le ministre de l’Industrie reprenait donc ainsi la thèse officielle d’un dispositif juridique désormais accepté par les partenaires internationaux de l’Algérie et qui ne serait plus un obstacle à son attractivité en terme d’investissements directs étrangers .
Des IDE en forte baisse depuis 2009
L’optimisme affiché par le ministre de l’Industrie est malheureusement contredit par les statistiques officielles elles mêmes. Ce ne sont pas seulement les rapports de la Cnuced mais également ceux de la Banque d’Algérie qui ont annoncé successivement des investissements directs étrangers en baisse régulière au cours des dernières années, et singulièrement depuis l’adoption de la loi sur le 51 /49.
On est ainsi passé d’un pic de 2, 7 milliards de dollars en 2009 à 2,2 milliards en 2010, à 1,8 en 2011 et 1,7 milliards en 2012 et 2013. L’année 2014 avait jusqu’ici marqué le plus bas de la courbe avec des entrées d’investissements étrangers évalués à 1,5 milliard de dollars. L’année 2016 avait semblé marqué un répit voire un début de redressement avec des entrées d’IDE un peu supérieures à 1,6 milliard .Espoir déçu : la « performance » de 2017 confirme donc la poursuite de la chute du bilan des IDE en Algérie. Ils sont désormais inférieurs de plus de moitié à ce qu’ils étaient en 2009.
Des réactions insuffisantes et tardives
Fort heureusement, les autorités algériennes ne se sont pas contentées au cours des dernières années d’entretenir un discours de dénégation des effets du nouveau cadre juridique imposé à l’investissement étranger.Elles ont aussi tenté d’en corriger les conséquences les plus pénalisantes par une série d’initiatives qui apparaissent cependant comme insuffisantes et tardives.
Très significativement, ce sont quelques unes de ces initiatives qui sont aujourd’hui au cœur de notre actualité économique. Qu’il s’agisse du partenariat public-privé, de la révision de la loi sur les hydrocarbures ou des récentes tentatives de renforcer les liens entre le patronat privé algérien et ses homologues étrangers.
Mustapha Guitouni : « Nous ne pouvons pas rester figés »
Dans son dernier rapport la Cnuced relève que les IDE en Algérie dépendent toujours fortement de l’investissement dans le secteur pétro-gazier. “Les amendements proposés à la loi sur les hydrocarbures pourraient faire augmenter considérablement la participation étrangère dans le secteur pétrolier du pays à l’avenir”, souligne l’organisme onusien.
Il rejoint ainsi les propos tous récents du ministre de l’Energie, Mustapha Guitouni, qui affirmait jeudi 7 juin, lors d’une plénière du Conseil de la nation, que la loi sur les hydrocarbures dans sa version modifiée, en cours d’élaboration, sera « en fin prête en janvier ou février prochains ».
Le ministre indiquait notamment que « la révision est indispensable car cette loi n’est plus attractive pour les opérateurs et investisseurs » ajoutant que tous les pays producteurs ont adapté leurs lois qui ont été reformulées en adéquation avec les changements que connaissent les cours du pétrole marqués par une baisse ces dernières années.
« Il est n’est plus possible de continuer à travailler avec une loi appliquée lorsque le prix du baril était à 140 USD. Nous ne pouvons restés comme ça figés » déclarait Mustapha Guitouni qui a fait état, dans ce sens, de « l’infructuosité de 5 à 6 appels d’offres internationaux successifs ».
Industrie : un début de diversification en cours
Avant de se décider tout dernièrement à s’attaquer au secteur stratégique des hydrocarbures, c’est dans le but de relancer un processus de partenariat industriel qui donnait des signes de fatigue que le gouvernement a imposé, à partir de janvier 2017, une obligation d’investir aux constructeurs automobiles titulaires d’une licence d’importation en instaurant ainsi un dispositif contraignant qui conditionne l’accès au marché algérien à l’acte d’investissement.
Une nouvelle vague d’annonces s’en est ainsi suivie depuis le deuxième semestre 2017 avec les projets TMC (Hyundai), Sovac Production (Volkswagen) et Peugeot Algérie .
Fin 2017, une nouvelle liste de projets, de moindre importance, ont été « agréés » par le gouvernement. Ils concernent notamment des usines de montage supplémentaires de véhicules de tourisme et de véhicules utilitaires mais également le secteur de l’électronique grand public. C’est ce que constate la Cnuced qui note que « la diversification de l’investissement direct étranger en Algérie a été soutenu par les IDE réalisés par le groupe de télécoms chinois Huawei et le sud-coréen Samsung qui a ouvert sa première usine de montage de smartphones dans le pays ».
Quelle place pour le secteur privé national ?
Une démarche qui cherche, en même temps que de relancer le partenariat, à apporter une solution au problème de la création d’une dynamique plus large qui associerait le secteur privé national.
Le paysage des IDE est donc bien en train de changer en Algérie. Mais la démarche des autorités algériennes est en grande partie responsable de la célèbre « frilosité » des investisseurs. Elle laisse entier le problème de la création d’une dynamique plus large qui associerait le secteur privé national et s’attaquerait résolument au frein que constitue encore, pour beaucoup d’investisseurs étrangers, et en dépit des dénégations des pouvoirs publics, le cadre réglementaire actuel.