Neuf pages entières. Le quotidien Libération a célébré ostensiblement la démission annoncée du président Bouteflika. “Dégagé”, crie en une le journal en s’apitoyant sur la “fin pathétique” d’une “carrière flamboyante”.
Dans un éditorial intitulé “impotent”, Christophe Israël laisse se dévider le fil du temps. “Trente-huit jours. C’est le temps qui s’est écoulé entre la première manifestation dans les rues d’Alger le 22 février, et l’annonce officielle du départ d’Abdelaziz Bouteflika lundi. Rapide, pour une révolution. Car c’en est une, allumée par l’entêtement d’un homme à se maintenir à la tête d’un pouvoir qu’il n’avait depuis plusieurs années plus les moyens physiques d’exercer. Réduit au silence et à la transparence par la maladie, Bouteflika était devenu un homme de paille, la marionnette d’une armée accrochée à son système clientéliste. Au président couché a répondu une jeunesse debout, dont la mobilisation n’a d’abord fait que plier le système.”
Dans La Croix, Guillaume Goubert ne cache pas son émerveillement. “En Algérie, le déroulement des événements impressionne par le sens de la mesure des différents acteurs En regardant ce qui se passe en Algérie depuis cinq semaines, on a le sentiment d’assister à un film au ralenti. Les ingrédients d’un bouleversement profond sont présents, qu’il s’agisse des manifestations répétées et massives ou des manœuvres multiples dans l’appareil d’État. Mais tout se déroule à un rythme mesuré, chacun des acteurs semblant vouloir éviter un affrontement destructeur. Le témoignage de Français ayant voyagé ces derniers jours en Algérie le confirme : le pays est en ébullition mais semble le vivre dans une étonnante décontraction”.
La révolution algérienne est tout simplement une “leçon” célébrée par Yann Marc dans Le Midi Libre. “Bouteflika se met hors jeu pour le grand bien du souffle démocratique à venir. Et même si l’on sent que “l’animal” bouge encore à la lecture d’un communiqué de la présidence plus que jamais alambiqué, l’espoir est à portée. Le grand singe algérien vient de mettre un genou à terre. Avant la fin avril, son cas à la tête du pays devrait se conter au passé. Merci pour la leçon”.
La Presse de La Manche salue la décision de Bouteflika qui va lui permettre d’échapper à l’humiliation. “À Alger, au lendemain de la mise en place d’un nouveau gouvernement dans lequel les ministres sortants sont en petit nombre, un communiqué de l’agence officielle algérienne indiquait, hier en fin d’après-midi, que le président Abdelaziz Bouteflika démissionnerait avant le terme de son mandat prévu le 28 Avril. Ce qui tend à prouver que le président a parfaitement compris le message de la rue. Il a fait son temps (plus de vingt ans au pouvoir) et il a encore assez de lucidité pour comprendre que c’est à lui de partir afin d’éviter l’humiliante décision du Conseil Constitutionnel que les faits obligeraient à le déclarer inapte à conserver ses fonctions”.
Dans le Monde, son correspondant Amir Akef ne succombe pas à l’euphorie en constatant que la démission annoncée n’a pas dissipé toutes les “incertitudes”. Elle intervient, relève-t-il, “à l’issue d’un véritable bras d fer entre l’armée et le clan présidentiel qui s’est traduit – via les médias- par des accusations de complot contre le frère du chef de l’Etat, Saïd Bouteflika, et de hauts responsables des services de renseignement”.