L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU) avaient prévu de lancer une opération militaire contre le Qatar au début de la crise entre ces pays du Golfe en juin dernier, rapporte ce mercredi le site d’information et d’investigation américain The Intercept, sur la base d’informations d’un agent des services de renseignement américains en activité.
Le plan d’attaque prévoyait que des troupes saoudiennes traversent la frontière saoudo-qatarie avec un soutien militaire émirati, afin de s’emparer de Doha, la capitale du Qatar. L’exécution du plan n’a été empêchée que grâce à l’intervention de l’ancien secrétaire d’État américain Rex Tillerson, valant à ce dernier son licenciement.
L’attaque contre l’émirat du Qatar aurait nécessité un contournement par les forces saoudiennes de la base aérienne d’Al-Udeid qui abrite le commandement central de l’US Air Force et quelques 10 000 soldats américains à Doha-même. Al Udeid est l’une des bases militaires étrangères les plus importantes des États-Unis et d’où ces derniers mènent des opérations dans tout le Moyen-Orient.
Rex Tillerson, sauveur du Qatar à ses dépens ?
Les agents du renseignement qataris travaillant à l’intérieur de l’Arabie saoudite auraient découvert le plan d’attaque au début de l’été 2017. Plusieurs mois plus tard, les services de renseignements des États-Unis et du Royaume-Uni auraient confirmé l’existence du plan, selon The Intercept.
Après que Tillerson ait été informé du plan par les responsables du renseignement qatari, il aurait exhorté le roi Salmane d’Arabie saoudite de ne pas mettre à exécution l’attaque tout en demandant au secrétaire américain à la Défense, James Mattis, d’attirer l’attention de ses homologues saoudien et émirati sur les dangers d’une telle invasion.
La pression exercée par Tillerson aurait poussé le prince héritier Mohammed ben Salman (MBS) à reculer, craignant que l’invasion ne nuise à la relation de long terme qu’entretient l’Arabie saoudite avec les États-Unis.
L’intervention de Tillerson aurait cependant enragé Mohammed ben Zayed (MBZ), le prince héritier d’Abu Dhabi et souverain de facto des EAU, qui aurait par la suite fait pression sur la Maison Blanche pour le limogeage de l’ex-secrétaire d’État américain.
Selon The Intercept, aucune des sources interrogées sur cette question n’aurait de certitudes sur la raison exacte ayant amené le président américain, Donald Trump, à remercier Tillerson. Cependant une des sources a relevé le timing de l’annonce du renvoi de Tillerson, intervenant une semaine après une visite très médiatisée du prince héritier saoudien à Washington.
Tillerson en désaccord avec Trump sur le Qatar
The Intercept rappelle qu’avant son limogeage, Rex Tillerson avait critiqué à plusieurs reprises l’Arabie saoudite et les EAU pour leur blocus sur le Qatar, les accusant même, en octobre 2017 d’exacerber les tensions. Il semblerait aussi que l’ex-secrétaire d’État américain ait été en désaccord avec Donald Trump sur un certain nombre de questions, y compris sur le blocus du Qatar.
Selon The Intercept, Tillerson était frustré que Trump ait décidé d’entériner le blocus, ses assistants soupçonnant même l’ambassadeur des Émirats, Yousef al-Otaiba, d’être à l’origine d’une ligne dans le discours du président américain accusant le Qatar de financer le terrorisme à un « très haut niveau ». Otaiba est une figure bien connue dans les cercles de la sécurité nationale américaine, et maintiendrait des contacts constants avec le beau-fils de Trump, Jared Kushner.